L'ombre et les reflets, par Delacroix (20/11/2011)

 

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La mer vue des hauteurs de Dieppe 1852 huile sur carton collé sur bois, 35x51 cm 

Eugène Delacroix (1798 - 1863) fut un des plus grands coloristes du XIXe siècle. C'est avec la couleur qu'il construit son tableau. S'inspirant des travaux de Chevreul sur le contraste simultané des couleurs, il bannit le noir de sa palette: «ajouter du noir, dit-il, c'est salir le ton». Son travail sur la couleur et la lumière a largement inspiré les impressionnistes.

 Extrait de son journal (1850) :

"La loi du vert pour le reflet et du bord d’ombre ou de l’ombre portée, que j’ai découverte antérieurement dans le linge, s’étend à tout comme les trois couleurs mixtes se retrouvent dans tout. Je croyais qu’elles étaient seulement dans quelques objets.

Sur la mer, c’est aussi évident. Les ombres portées évidemment violettes et les reflets toujours verts, aussi évidemment.

Ici se retrouve cette loi que la nature agit toujours ainsi. De même qu’un plan est un composé de petits plans, une vague de petites vagues, de même le jour se modifie ou se décompose sur des objets de la même manière. La plus évidente loi de décomposition est celle qui m’a frappé la première comme étant la plus générale, sur le luisant des objets. C’est dans ces sortes d’objets que j’ai le plus remarqué la présence des trois tons réunis : une cuirasse, un diamant, etc. On trouve ensuite des objets, tels que les étoffes, le linge, certains effets de paysage, et, en tête, la mer, où cet effet est très marqué. Je n’ai pas tardé à apercevoir que dans la chair cette présence est frappante. Enfin, j’en suis venu à me convaincre que rien n’existe sans ces trois tons. En effet, quand je trouve que le linge a l’ombre violette et le reflet vert, ai-je dit qu’il présentait seulement ces deux tons ? L’orangé n’y est-il pas forcément, puisque dans le vert se trouve le jaune et que dans le violet se trouve le rouge ?

Approfondir la loi qui, dans les étoffes à luisants, comme le satin surtout, place le vrai ton de l’objet à côté de ce luisant, dans la robe des chevaux, etc.

Je remarque le mur en briques très rouges qui est dans la petite rue en retour. La partie éclairée du soleil est rouge orangé, l’ombre très violette, brun rouge, terre de Cassel et blanc.

Pour les clairs, il faut faire l’ombre non reflétée relativement violette, et refléter avec des tons relativement verdâtres. Je vois le drapeau rouge qui est devant ma fenêtre ; l’ombre m’apparaît effectivement violette et mate ; la transparence paraît orangée, mais comment le vert ne s’y trouve-t-il pas ? D’abord à cause de la nécessité pour le rouge d’avoir des ombres vertes, mais à cause de cette présence de l’orangé et du violet, deux tons dans lesquels entrent le jaune et le bleu qui donnent le vert.

Le ton vrai ou le moins décomposé dans la chair doit être celui qui touche le luisant, comme dans les étoffes de soie, les chevaux, etc. Comme elle est un objet très mat relativement, il se produit le même effet que j’observai tout à l’heure sur les objets éclairés par le soleil, où les contrastes sont plus apparents ; de même ils le sont dans les satins.

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