Nocturne, de Cesare Pavese (09/02/2013)

 

 

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Lesser Ury 1861, 1931 Collection privée, Pastel 34,1 x 47,2 cm  


La colline est nocturne, dans le ciel transparent.

Ta tête s'y enchâsse, elle se meut à peine,

compagne de ce ciel. Tu es comme un nuage

entrevu dans les branches. Dans tes yeux rit

l'étrangeté d'un ciel qui ne t'appartient pas.

 

La colline de terre et de feuillage enferme

de sa masse noire ton vivant regard,

ta bouche a le pli d'une cavité douce au milieu

des collines lointaines. Tu as l'air de jouer

à la grande colline et à la clarté du ciel :

pour me plaire tu répètes le paysage ancien

et tu le rends plus pur.

 

                                    Mais ta vie est ailleurs.

Ton tendre sang s'est formé ailleurs.

Les mots que tu dis ne trouvent pas d'écho

dans l'âpre tristesse de ce ciel.

Tu n'es rien qu'un nuage très doux, blanc

qui s'est pris une nuit dans les branches anciennes.

 

                         

Cesare Pavese, Travailler fatigue [Lavorare stanca],

traduction de l'italien et préfacé par Gilles de Van,

Poésie du Monde entier, Gallimard, 1969, p. 85 et 84.

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