Du silence (extrait), de Georges Rodenbach (15/09/2013)

LEON SPILLIAERT 1907.jpg

Léon Spilliaert , Aquarelle 49x65,2 cm Musée voor Schone Kunsten, Ostende

IV 
Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure, 
Tout brodés, restent blancs, d' un blanc mat qui figure 
Un printemps blanc parmi l' hiver de la maison. 
Sur les vitres, ce sont des fleurs de guérison 
Pareilles dans le soir à ces palmes de givre 
Que sur les carreaux froids les nuits d' hiver font vivre. 
Et dans ces floraisons de guipure on croit voir 
Tous les souvenirs blancs parmi le présent noir; 
Ce sont les rideaux clairs du berceau ; c' est la bonne 
Aïeule aux cheveux blancs en bandeaux de madone; 
Ce sont les grands jardins d' enfance où les pommiers 
Étaient poudrés ; ce sont les cierges coutumiers 
Et les nappes d' autel pour les communiantes ; 
C' est l' hostie aux lys purs de leurs lèvres priantes ; 
Puis c' est le clair de lune épars comme du lait 
Dans la forêt magique où l' art nous appelait 
Parmi sa gloire et ses blancheurs éternisées ! 

Puis la guirlande en fleur au front des épousées 
Dont l' espoir doux se fane irréparablement 
Parmi cette blancheur vaporeuse qui ment. 
Car le leurre est rapide en cette ombre équivoque, 
Et tous les autres blancs du passé qu' on évoque 
Vont se faner avec les souvenirs d' amour 
Quand descendra dans les rideaux la mort du jour. 
 
Du silence, Le règne du silence. Pour en savoir plus, c'est ICI
 

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