Chute, de Jean-Jacques Viton (15/07/2010)
on ne mesure pas le lent-vite
la chute ne s'improvise pas
l'espace du chuteur est mal défini
on ne mesure pas le lent-vite
sur la ligne du sens unique
uniforme puzzle de vitesse
monté par miettes de visions
un seul mouvement sans pauses
n'importe où dans l'espace
pieds détendus parallèles l'un à l'autre
genoux et ventre relâchés et ouverts
colonne vertébrale longue et large
l'homme d'aplomb traverse ainsi l'espace
son visage s'expose comme une fleur
buste un peu arqué sur l'axe obligé
bras tendus vers le bas ou le haut
bolide isolé vivant encore d'apparence
il passe des zones de dérèglements
allongé sur une surface neuve
échappé d'un arrêt sur image
filant immobile vers son futur
triangle blanc du visage aux yeux fixes
au sourire fermé imperceptible
l'homme d'aplomb croit à cet élan
il ne peut rien saisir au passage
ni rampe ni ce qui s'accomplit
le réel ne l'attrape pas
il n'y a pas d'ange sur son chemin
un fil noir un noir sans marge
il peut s'y croire abrité
pour croire dans le noir pour tout éviter
il se passe beaucoup de rien
pendant la chute la peau elle
se dégage et y va seule
tout se ferme sous la peau
du côté qui va tout prendre
dans la chute on se prépare à tout
c'est compliqué elle ne se modifie pas
pas de trait d'union un unique tracé
on se demande si ça arrive
situation inimaginable il faudrait
recommencer la figure retenir la sensation
du départ de l'endroit fixe
et de l'entrée dans le nouvel espace
pénétrer dans l'espace en fusion avec tous ceux
qui traversent l'espace
forage d'un pays inconnu à langue étrange
jamais perçue jamais prononcée
la chute c'est un incomparable silence
on s'y perd dans cet élan
rêver l'étreinte vient des arbres
(…)
Jean-Jacques Viton, selected sueurs, éd. P.O.L, 2010 (125 p.) pp 55-59
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