Pour un verger, de Jacques Reda (09/07/2010)

 

 

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Claude Monet (origine non connue)

 

Poème : le seul lieu comparable à ce trouble 
Heureux qui ressaisit, le soir, près d'un verger, 
Ifs et roses, l'espoir souvent déchiré, double 
Lumière qui s'éloigne et veut nous héberger.  
Infaillible refuge, et pourtant illusoire : 
Pentes au loin plus délicates qu'un bleuet, 
Pures voix des enfants dans l'air lavé d'histoire, 
Et le mot "mort" comme un oiseau soudain muet 
Jugeant du recoin sombre où rien n'en fait accroire 
A la nuit qui sourd et déjà, dans la clarté,  
Crachait son encre sur la page dérisoire – 
Cris en bas, soubresauts du jour décapité. 
Or nier l'ombre affaiblirait cette lumière 
Timide qui résiste et semble sur nos mains 
Trembler tel un reflet d'étoile dans l'ornière. 
Elle appelle. Comme une voix sur ces chemins 
Troués de mots qui n'ont pas pu la garder prisonnière.  
 
Jacques Réda, Premier livre des Reconnaissances. Fata Morgana 1985, p. 33.  
 
 

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