01/06/2010
L'Azur, de Mallarmé
 
De l'éternel azur la sereine ironie
 Accable, belle indolemment comme les fleurs
 Le poète impuissant qui maudit son génie
 A travers un désert stérile de Douleurs.
 
 Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
 Avec l'intensité d'un remords atterrant,
 Mon âme vide, Où fuir?
 Et quelle nuit hagarde
 Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant?
 
 Brouillards, montez! versez vos cendres monotones
 Avec de longs haillons de brume dans les cieux
 Que noiera le marais livide des automnes
 Et bâtissez un grand plafond silencieux!
 
 Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
 En t'en venant la vase et les pâles roseaux
 Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse
 Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
 
 Encor! que sans répit les tristes cheminées
 Fument, et que de suie une errante prison
 Eteigne dans l'horreur de ses noires traînées
 Le soleil se mourant jaunâtre à l'horizon!
 
 - Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours! donne, ô matière
 L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché
 A ce martyr qui vient partager la litière
 Où le bétail heureux des hommes est couché.
 
 Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle vidée
 Comme le pot de fard gisant au pied d'un mur
 N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée
 Lugubrement bâiller vers un trépas obscur...
 
 En vain! L'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
 Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
 Nous faire peur avec sa victoire méchante,
 Et du métal vivant sort en bleus angelus!
 
 Il roule par la brume, ancien et traverse
 Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr
 Où fuir dans la révolte inutile et perverse?
 Je suis hanté. L'Azur! L'Azur! L'Azur! I'Azur!
Photo de Andrew C Wallace
19:24 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et  couleurs  | Lien permanent  | Commentaires (0)  | Tags : andrew c wallace,  l'azur,  mallarmé | 
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