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21/02/2016

Maya, de Guy Goffette

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Silvia Bar-Am, Composition VII, mixed media on panel, 100 x 100 cm,  1982-83

 

pour Annelise

 

Tu n’as pas vu monter le rouge

au front des roses ni le soleil emballer

le galop des collines, ni la nuit

te battre à la course en plein midi

 

Tu n’as senti bleuir le couchant

qu’au froid de la table sur ton ventre

entre seringues et bistouris. Brisée

comme la digue qui retient

 

nos larmes au pied du pommier,

tu n’as rien su, Maya, du poids

de la terre et de l’effroi des vivants,

toi qui croyais qu’avec tes crocs

 

tu mettais toutes les collines en fuite.

 

 

Psaumes pour le temps qui me dure d'être sans toi, Un manteau de fortune suivi de l'Adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne, P172   Poésie/Gallimard

20/02/2016

Quelque chose de mal raconté (extrait), de James Sacré

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Marc Léonard, L'âme du chien errant autour de la maison abandonnée -  73 x 100 cm

 

 

Le printemps fait venir des couleurs

aux maisons d’un quartier avec des arbres des pelouses

et beaucoup de bleu paraît

l’impression qu’on a c’est un peu comme de passer

dans l'air et du terreau mêlés

à travers des serres bien entretenues très

suffisamment dans la lumière et le neuf d’une saison

on aurait défait les toits et des parois de verre

le bleu qui brille rien qui dise

s’il est un leurre étonnamment vif ou vraiment

la matière comme d’un espace très fin de temps

qu’on bouge sa main ou des mots dedans.

 

Figures qui bougent un peu et autres poèmes,  Quelque chose de mal raconté, p 136 Poésie/Gallimard.

 

06/02/2016

Forêt blonde, de Rémy de Gourmont

 

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gerda steiner & jörg lenzlinger : the connection, paul klee centre bern, 2008

 

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Falling Garden by Gerda Steiner and Jörg Lenzlinger

 

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes herbes sont des cils trempés de larmes claires
Et mes liserons blancs s'ouvrent comme des paupières.
Voici les bourraches bleues dont les yeux doux fleurissent
Pareils à des étoiles, à des désirs, à des sourires,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes lierres sont les lourds cheveux et mes viournes
Contournent leurs ourlets, ainsi que des oreilles.
Ô muguets, blanches dents ! églantines, narines !
Ô gentianes roses, plus roses que les lèvres !
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes saules ont le profil des tombantes épaules,
Mes trembles sont des bras tremblants de convoitise,
Mes digitales sont les doigts frêles, et les oves
Des ongles sont moins fins que la fleur de mes mauves,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes sveltes peupliers ont des tailles flexibles,
Mes hêtres blancs et durs sont de fermes poitrines
Et mes larges platanes courbent comme des ventres
L'orgueilleux bouclier de leurs écorces fauves,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Boutons rouges, boutons sanglants des pâquerettes,
Vous êtes les fleurons purs et vierges des mamelles.
Anémones, nombrils ! Pommeroles, aréoles !
Mûres, grains de beauté ! Jacinthes, azur des veines !
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes ormes ont la grâce des reins creux et des hanches,
Mes jeunes chênes, la forme et le charme des jambes,
Le pied nu de mes aunes se cambre dans les sources
Et j'ai des mousses blondes, des mystères, des ombres,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.