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14/03/2012

Roman, d'Arthur Rimbaud


On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
− Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, 
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
− On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin ! 
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, − la ville n’est pas loin, 
A des parfums de vigne et des parfums de bière... 

− Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon 
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond 
Avec de doux frissons, petite et toute blanche... 

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête... 
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser 
Qui palpite là, comme une petite bête... 

Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,
− Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère, 
Passe une demoiselle aux petits airs charmants, 
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père... 

Et, comme elle vous trouve immensément naïf, 
Tout en faisant trotter ses petites bottines, 
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif... 
− Sur vos lèvres alors meurent les cavatines... 

Vous êtes amoureux. Loué jusqu’à mois d’août. 
Vous êtes amoureux. − Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût. 
− Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire... !

− Ce soir-là,... − vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade... 
− On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.


Poème de 1870.

Tableau de Van Gogh, Arles, Terrases de café, la nuit, 1888


Commentaires

On n’est pas sérieux quand on a soixante ans :
Surtout quand on n’est pas, hélas, devenu sage ;
Que l’on reste immature à l’orée du grand âge,
Que l’on ne sait à quoi fut gaspillé son temps.

L’homme de soixante ans n’est plus un débutant,
Il a compris qu’il est un oiseau de passage ;
Qu’il ne lui reste plus de longs jours en partage,
Et qu’il lui faut cesser de se croire important.

Si l’on vient me parler de vivre et rajeunir
Je sais qu’il ne faut point engager l’avenir
Qui n’est chargé que d’une et fatale promesse.

L’homme de soixante ans, qu’ornent des cheveux gris,
Assez souvent, quand même, on le voit qui sourit,
Retrouvant des amis du temps de sa jeunesse.

Écrit par : Cochonfucius | 22/09/2014

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