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11/02/2014

Les Soucis du Ciel, de Claude Roy

 

Pour Bamboula.jpg

 

Source de cette illustration

 

Le ciel apprend par coeur les couleurs du matin
Le toit gris l’arbre vert le blé blond le chat noir
Il n’a pas de mémoire il compte sur ses mains
Le toit blond l’arbre gris le blé noir le chat vert

Le ciel bleu est chargé de dire à la nuit noire
comment était le jour tout frais débarbouillé
Mais il perd en chemin ses soucis la mémoire
il rentre à la maison il a tout embrouillé.

Le toit vert l’arbre noir le chat blond le blé gris
Le ciel plie ses draps bleus tentant de retrouver
ce qu’il couvrait le jour d’un grand regard surpris
le monde très précis qu’il croit avoir rêvé

Le toit noir l’arbre blond le chat gris le blé vert
Le ciel n’en finit plus d’imaginer le jour
Il cherche dans la nuit songeant les yeux ouverts
Aux couleurs que le noir évapore toujours.

Erreur sur la personne,Poésie/Gallimard

24/01/2014

Caloge (extrait), de Jean-Loup Trassard

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Tableau de Vincent Van Gogh (juillet 1890). Huile sur toile, 50,5 x 100,5 cm.

Rijksmuseum Vincent Van Gogh, Amsterdam.

 

   Mer bientôt blonde sur ses orges, mer chevelue de seigles roux. Nous sommes là simplement pour voir. Pour marcher de façon précaire au bord d'une sphère sur son orbe. Et nous croyons que rien n'entame le regard de l'homme vers la mer.

   Marée montante du blé vert, reflux des pailles qui laissent le chaume aride. Dans l'étendue de ciel béant les oiseaux n'ont pas coutume de se percher, ils nichent sur le sol, faute de branches passent en élévation, ou chutes, leur vie criante. Alouettes que leur chant maintient hautes, qui soudain tombent en deux ou trois paliers, et devant notre étrave le vol de l'œdicnème. D'entre les vagues céréales mûrissantes sort l'appel d'une caille, nous la nommons.

   Sensible à cette respiration longue qui nous fait sur les champs monter descendre, à l'ample courbe qui jusqu'au lointain baisse relève les champs avec lenteur, nous allons sous la voile du ciel tendu, à chacun pour seule mâture sa verticalité, d'espace ivres.

 

 

Jean-Loup Trassard, Caloge, Le temps qu'il fait, 1991, p. 28.

Semaine Jean-Loup Trassard sur  http://litteraturedepartout.hautetfort.com

 

 

09/04/2011

A celle qui s'amuse, de Pierre-Jean Jouve

poème,poésie,pierre jean jouve

Inguérissable amour ! Inguérissable plaie
Inguérissable rouge feuilles dans du noir
Ou du blond mais toujours du sombre
Inguérissables maigres démons nus
Vous luisez en vous tordant contre les ombres
Inapaisées inguérissables trous sanglants.

 

Tu voles pourtant un sourire enragé
Tes yeux se promènent comme deux pierres
Ta chevelure est un jeu de frisons sur la tombe
Ton masque est mort pour mieux regarder
Pour mieux regarder des feux d’entrailles.
La déraison cherchant à devenir raison
Inscrit un numéro sur la tenture.

 Pierre Jean Jouve, Sueur de sang, dans Œuvre I, édition établie par Jean Starobinski, Mercure de France, 1987,  p. 253.

Tableau de Jerome-Martin Langlois (1779 - 1838)

27/03/2011

Mes petites amoureuses, d'Arthur Rimbaud

 

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Un hydrolat lacrymal lave
    Les cieux vert-chou
Sous l'arbre tendronnier qui bave,
    Vos caoutchoucs

Blancs de lunes particulières
    Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
    Mes laiderons !

Nous nous aimions à cette époque,
     Bleu laideron !
On mangeait des oeufs à la coque
    Et du mouron !

Un soir, tu me sacras poète,
    Blond laideron :
Descends ici, que je te fouette
    En mon giron ;

J'ai dégueulé ta bandoline,
    Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
    Au fil du front.

Pouah ! mes salives desséchées,
    Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
    De ton sein rond !

Ô mes petites amoureuses,
    Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses
    Vos tétons laids !

Piétinez mes vieilles terrines
    De sentiment ;
- Hop donc ! soyez-moi ballerines
    Pour un moment !...


Vos omoplates se déboîtent,
    Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent
    Tournez vos tours !

Et c'est pourtant pour ces éclanches
    Que j'ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
    D'avoir aimé !

Fade amas d'étoiles ratées,
    Comblez les coins !
- Vous crèverez en Dieu, bâtées
    D'ignobles soins !

Sous les lunes particulières
    Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
   Mes laiderons !

 

Arthur Rimbaud, Pierre Seghers Editeur, p 94, 95,96

Tableau d'Ilya Zomb