27/07/2012
La vagabonde (extrait), de Colette
Je palpe amoureusement la pierre chaude au temple ruiné, et la feuille vernie des fusains, qui semble mouillée. Les bains de Diane, où je me penche, mirent encore et toujours des arbres de Judée, de térébinthes, des pins, des paulownias fleuris de mauve et des épines doubles purpurines. Tout un jardin de reflets se renverse au-dessus de moi et tourne décomposé dans l'eau d'aigue-marine au bleu obscur, au violet de pêche meurtrie, au marron de sang sec...Le beau jardin, le beau silence, où seule se débat sourdement l'eau impérieuse et verte, transparente, sombre, bleue et brillante comme un vif dragon!...
Une double allée harmonieuse monte vers la tour Magne entre les murailles ciselée d'ifs, et je me repose une minute au bord d'une auge de pierre, où l'eau ternie est verte de cresson fin et de rainettes bavardes aux petites mains délicates...Là haut, tout en haut, un lit sec d'aiguilles nous reçoit, moi et mon tourment.
La vagabonde, Collection Bouquins, page 929
Photo de Coline Termash
|
06:23 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Multi couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : la vagabonde, colette, coline termash | Facebook | Imprimer | | |
09/12/2011
La vigne et la maison (Extrait), de Lamartine
Le mur est gris, la tuile est rousse,
L’hiver a rongé le ciment;
Des pierres disjointes la mousse
Verdit l’humide fondement;
Les gouttières, que rien n’essuie,
Laissent, en rigoles de suie,
S’égoutter le ciel pluvieux,
Traçant sur la˙ vide demeure
Ces noirs sillons par où l’on pleure,
Que les veuves ont sous les yeux.
La porte où file l’araignée,
Qui n’entend plus le doux accueil,
Reste immobile et dédaignée
Et ne tourne plus sur son seuil;
Les volets que le moineau souille,
Détachés de leurs gonds de rouille,
Battent nuit et jour le granit;
Les vitraux brisés par les grêles
Livrent aux vieilles hirondelles
Un libre passage à leur nid.
Leur gazouillement sur les dalles
Couvertes de duvets flottants
Est la seule voix de ces salles
Pleines des silences du temps.
De la solitaire demeure
Une ombre lourde d’heure en heure
Se détache sur le gazon:
Et cette ombre, couchée et morte,
Est la seule chose qui sorte
Tout le jour de cette maison!
La vigne et la maison (1857)
Photo de Coline Termarsh, Photographe et écrivain que je remercie et dont on peut retrouver le travail sur son blog : http://colinetermash.canalblog.com
06:24 Publié dans Art et poésie en couleurs, Gris, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : la vigne et la maison, lamartine, coline termash | Facebook | Imprimer | | |