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06/03/2011

Flammes, de Tôge Sankichi

 

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D'une poussée écartant les fumées 
depuis la terre à demi obscurcie 
par des nuages bas et lourds 
suaire déployé 
heurtant la voûte céleste 
grinçant des dents 
se soulevant dansant dans l'air 
s'unifiant 
noires        rouges       bleues les flammes 
qui soufflent dispersent des étincelles brillantes 
sur la ville entière maintenant 
sont dressées.

 

Ondulant       comme des algues 
des rangs de flammes avancent. 
Des troupeaux de vaches qu'on menait à l'abattoir 
roulent en avalanche sur les pentes de la rivière; 
un pigeon couleur de cendres 
ailes crispées tombe sur le pont. 
Ceux qui sautillant 
sortant de sous des jets de fumée rampent, 
avalés dans les flammes, 
sont d'innombrables humains à quatre pattes.

 

Sur un tas de braises effondrées 
s'arrachant les cheveux 
rigidifiée 
la malédiction se consume

 

après ce temps condensé 
explosé 
rien que haine incandescente 
se répandant palpitante. 
Un silence sans rime 
s'accumule dans l'espace

 

les chauds rayons d'uranium 
qui ont repoussé le soleil 
impriment sur la chair du dos des vierges 
le motif fleuri d'une soie fine, 
mettent instantanément      en feu 
la robe noire d'un prêtre 
1945, Aug. 6 
en ce minuit en plein midi 
l'homme à coup sûr a livré Dieu 
aux flammes. 
Cette nuit 
la lumière en flammes de Hiroshima 
se reflète sur le lit de l'humanité; 
avant longtemps l'histoire
aura tendu une embuscade 
à tout ce qui ressemble à Dieu.

 

 

Tôge Sankichi, in Poèmes de la bombe atomique, traduits du japonais par Ono Masatsugu et Claude Mouchard et présentés par Claude Mouchard, édition Laurence Teper, 2008. (Collection Bruits du temps), p. 81-82

Tableau de Dominique Hordé