18/05/2014
La prisonnière (extrait), de Marcel Proust
Miro, Bleu III Centre Pompidou Paris, 1961
Le ciel tout entier était fait de ce bleu radieux et un peu pâle comme le promeneur couché dans un champ le voit parfois au-dessus de sa tête, mais tellement uni, tellement profond, qu’on sent que le bleu dont il est fait a été employé sans aucun alliage, et avec une si inépuisable richesse qu’on pourrait approfondir de plus en plus sa substance sans rencontrer un atome d’autre chose que de ce même bleu. Je pensais à ma grand’mère qui aimait dans l’art humain, dans la nature, la grandeur, et qui se plaisait à regarder monter dans ce même bleu le clocher de Saint-Hilaire. Soudain j’éprouvai de nouveau la nostalgie de ma liberté perdue en entendant un bruit que je ne reconnus pas d’abord et que ma grand’mère eût, lui aussi, tant aimé. C’était comme le bourdonnement d’une guêpe « Tiens, me dit Albertine, il y a un aéroplane, il est très haut, très haut. »
Collection Quarto, Gallimard
Miro, Bleu III Centre Pompidou Paris, 1961
07:00 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la prisonnière, marcel proust, miro, ciel, bleu | Facebook | Imprimer | | |