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18/02/2011

Sur un poème peint (extrait), de Marc Le Bot

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Jadis surgi du gris de la nuit / puis lourd et cher / et fort du feu / le soir plein de dieu et ployé // Maintenant dans l'éther frissonnant du bleu / planant sur des glaciers / vers des astres sages ». Paul Klee, 1918.

"Peut-être est-ce cette affaire de main qui, tout d'abord, m'a attaché à la relation qui existe entre écriture et peinture. La trace écrite ou peinte est le produit d'un travail où je peux imaginer le corps à l'œuvre : la main du peintre et celle de l'écrivain. En outre, dans l'écriture, l'écrivain attentif aux rythmes et aux sonorités des phrases prend en compte les échos que, dans son corps sonore, provoque la diction des mots. L'oreille joue, dans le poème, un rôle semblable à celui des yeux dans l'art du peintre. Dans la peinture et dans l'écriture, il apparaît ainsi avec une évidence particulière que, dans tout acte de pensée, c'est le corps qui pense."

 

"Je crois qu'on touche ici à l'essentiel de la pensée artistique. L'art imagine l'impossible unité de ce qui est séparé. Il met toujours en scène l'un et son autre. Il parle de l'expérience qui fonde la réalité humaine : celle de l'altérité. L'expérience de l'altérité peut être heureuse ou être tragique. Bonheurs et malheurs sont également humains. Le propre de la pensée artistique ne consiste pas à se tenir d'un côté plutôt que de l'autre. Mais l'art accomplit une tâche qui le distingue des savoirs et des sciences. Celles-ci, pour mettre en œuvre les systèmes de mesure qui leur permettent de maîtriser la réalité, se doivent de reconduire la diversité au même. L'art va tout à l'inverse. Il reconduit la pensée à la considération de l'altérité. La lettre est l'autre de la figure et l'une et l'autre sont séparées par un écart incommensurable ici symbolisé par un gris. Dans cet écart ou cette tension interne à toute œuvre d'art entre les termes qui la composent peut naître le sentiment de l'admiration. Admirer : ouvrir grand les yeux et s'étonner que, par bonheur, l'autre soit autre que moi-même."

Marc Le Bot