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09/05/2014

Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps, de James Sacré

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Tableau de Caroline Bailey 

 

Le jardin (ou verger) nourrit l’air du printemps. 
J’y travaille un poème où disparaît le temps 
(Je le veux), je regarde un village patient. 
Mais les pivoines sang, les pommes que j’attends ? 
Cœur, l’espace est léger : jardin qui se détend ;  
Il faut pour un automne oublier le printemps. 
Mais pourtant je l’espère ! ah, pourtant je l’entends 
Dans le cœur de l’hiver comme un oiseau content ; 
J’y bondis ! mais trop tard ! je le vois dans le temps. 
Pommes ridées, les fleurs se défont dans le vent. 
Rien, ni printemps, ni poème !  
Et pourtant, ah, comme on l’entend !  
 
*  
 
Ce n’est qu’un jeu (peut-être), un poème, un peu 
De rime et des mots, un alexandrin, un peu 
De couleur, un été rêvé, un rouge, un feu 
À peine qui brille, un feu 
Où ? Le cœur est rouge, il voit des oiseaux peureux. 
Ah ! beaux oiseaux (perdrix, cailles tendres)) ! je veux 
Courir dans les guérets (mottes, chiendents terreux) ! 
Beaux oiseaux, c’est vrai, tel poème est un jeu : 
J’y reste pauvre (encre, papier), un peu honteux. 
Mais peut-être, ah ! peut-être encore un rouge, un feu 
Pourra paraître ! j’apprends quel oiseau douloureux, 
Poème à brûler (cœur peut-être) dans le jeu. 
 

 
Maladroit (mais plaisir, mais le cœur sur les toits) 
Je marche, le poème en perd des tuiles, moi 
Je respire où le ciel est un jardin : je vois 
Des arbres, la lumière où les anges guerroient, 
Et l’aubépine en fleur, fêtes printemps pavois : 
J’y grimpe, enfant, mais tombe en la vie maladroit. 
Le temps paraît, mauvais ; il apporte l’effroi 
Et des carnassiers gris, frileux, et les yeux froids. 
Où les vergers chanteurs ! où les anges, les toits ! 
Le cœur s’effare, où les rouges, la fête ! où moi ?  
Patience, il faut patience et mémoire, et je vois 
peu de tuiles (mais rouge et promesse d’un toit).  
 

 
Le jardin brille, ouvert, l’espace est dans sa fleur 
Et porte avec sa fleur le temps le plus léger 
À travers la lumière ; quelque chose a souri… 
Mais rien, que le vent, rien, le bleu du paysage :  
C’est pour la pauvreté (mais tignasse) d’un lierre. 
Que les arbres soient beaux et grands pour le retour ! 
Ah ! cœur naïf, dans tes rosiers, dans ta garance ! 
Et ton paradis rouge où  dorment les miroirs, 
Je bondis ! mais trop tard : je le vois dans le temps. 
Mais peut-être, ah ! peut-être encore un rouge, un feu, 
Peu de tuile (mais rouge et promesse d’un toit) 
Va briller (poème ou lampe) ; l’ombre est complice.  
 
J

 

« Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps », in Affaires d’écriture (Ancrits divers), Tarabuste, 2012, pp. 33 et 34.