20/02/2016
Quelque chose de mal raconté (extrait), de James Sacré
Marc Léonard, L'âme du chien errant autour de la maison abandonnée - 73 x 100 cm
Le printemps fait venir des couleurs
aux maisons d’un quartier avec des arbres des pelouses
et beaucoup de bleu paraît
l’impression qu’on a c’est un peu comme de passer
dans l'air et du terreau mêlés
à travers des serres bien entretenues très
suffisamment dans la lumière et le neuf d’une saison
on aurait défait les toits et des parois de verre
le bleu qui brille rien qui dise
s’il est un leurre étonnamment vif ou vraiment
la matière comme d’un espace très fin de temps
qu’on bouge sa main ou des mots dedans.
Figures qui bougent un peu et autres poèmes, Quelque chose de mal raconté, p 136 Poésie/Gallimard.
19:21 Publié dans Bleu, Couleur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, bleu, paysage, marc léonard | Facebook | Imprimer | | |
09/05/2014
Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps, de James Sacré
Tableau de Caroline Bailey
Le jardin (ou verger) nourrit l’air du printemps.
J’y travaille un poème où disparaît le temps
(Je le veux), je regarde un village patient.
Mais les pivoines sang, les pommes que j’attends ?
Cœur, l’espace est léger : jardin qui se détend ;
Il faut pour un automne oublier le printemps.
Mais pourtant je l’espère ! ah, pourtant je l’entends
Dans le cœur de l’hiver comme un oiseau content ;
J’y bondis ! mais trop tard ! je le vois dans le temps.
Pommes ridées, les fleurs se défont dans le vent.
Rien, ni printemps, ni poème !
Et pourtant, ah, comme on l’entend !
*
Ce n’est qu’un jeu (peut-être), un poème, un peu
De rime et des mots, un alexandrin, un peu
De couleur, un été rêvé, un rouge, un feu
À peine qui brille, un feu
Où ? Le cœur est rouge, il voit des oiseaux peureux.
Ah ! beaux oiseaux (perdrix, cailles tendres)) ! je veux
Courir dans les guérets (mottes, chiendents terreux) !
Beaux oiseaux, c’est vrai, tel poème est un jeu :
J’y reste pauvre (encre, papier), un peu honteux.
Mais peut-être, ah ! peut-être encore un rouge, un feu
Pourra paraître ! j’apprends quel oiseau douloureux,
Poème à brûler (cœur peut-être) dans le jeu.
*
Maladroit (mais plaisir, mais le cœur sur les toits)
Je marche, le poème en perd des tuiles, moi
Je respire où le ciel est un jardin : je vois
Des arbres, la lumière où les anges guerroient,
Et l’aubépine en fleur, fêtes printemps pavois :
J’y grimpe, enfant, mais tombe en la vie maladroit.
Le temps paraît, mauvais ; il apporte l’effroi
Et des carnassiers gris, frileux, et les yeux froids.
Où les vergers chanteurs ! où les anges, les toits !
Le cœur s’effare, où les rouges, la fête ! où moi ?
Patience, il faut patience et mémoire, et je vois
peu de tuiles (mais rouge et promesse d’un toit).
*
Le jardin brille, ouvert, l’espace est dans sa fleur
Et porte avec sa fleur le temps le plus léger
À travers la lumière ; quelque chose a souri…
Mais rien, que le vent, rien, le bleu du paysage :
C’est pour la pauvreté (mais tignasse) d’un lierre.
Que les arbres soient beaux et grands pour le retour !
Ah ! cœur naïf, dans tes rosiers, dans ta garance !
Et ton paradis rouge où dorment les miroirs,
Je bondis ! mais trop tard : je le vois dans le temps.
Mais peut-être, ah ! peut-être encore un rouge, un feu,
Peu de tuile (mais rouge et promesse d’un toit)
Va briller (poème ou lampe) ; l’ombre est complice.
J
« Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps », in Affaires d’écriture (Ancrits divers), Tarabuste, 2012, pp. 33 et 34.
07:10 Publié dans Bleu, Gris, Peintres et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, caroline bailey, rouge, jardin, nature, souvenirs, enfance | Facebook | Imprimer | | |
15/03/2014
L'éternité, c'est juste à côté (extrait), de James Sacré
Tableau de Claire Basler, à retrouver sur son site
(Ce qui y a d'ingénue santé dans la fleur qui se livre au temps
Se perd pourtant pas dans son pétale qui sèche ;
Mourir continue sa couleur.)
Bout de ferraille, fragment de fleur, ça passe bien
Du fond d'un pré en celui d'un tableau.
La vraie mort d'un coquelicot
Sans doute que c'est dans les mots.
L'éternité, c'est juste à côté, recueil La peinture du Poème s'en va, Edition Tarabuste, p 98
06:42 Publié dans Couleur, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, claire basler, fleurs, couleur, nature | Facebook | Imprimer | | |
14/03/2014
Ce qu'on voit c'est aussi les mots, de James Sacré
Tableau de Marc Leonard, " La baie", à retrouver sur son site http://marcleonard.fr/
On est dans la couleur comme avec un visage. Un visage qui brille à cause du verbe aimer. C'est difficile de bien comprendre comment le verbe aimer paraît dans la couleur. On dirait que c'est toujours à côté de ce qu'on regarde (comme un silence, l'idée d'un sourire dans les aubépines, d'un sous-vêtement qui sèche entre un pré et le bleu du ciel). La couleur fait qu'on a le cœur et les yeux qui bougent. Comme un désir. La couleur vient aux joues.
Extrait de Ce qu'on voit c'est aussi les mots, à des peintures d'Olivier Debré,
Recueil "La peinture du Poème s'en va, Edition Tarabuste, p 15
07:11 Publié dans Bleu, Couleur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, marc leonard, peinture, couleur | Facebook | Imprimer | | |
23/01/2014
Si le mot rouge est vrai, de James Sacré
"N'importe quoi le mot rouge : toute la vie dedans
colères comme des taureaux, bêtise de mon père le
voilà maintenant tranquille fin de sa vie je la veux
comme un sourire la honte et la peur emportées, saleté
comme un sourire en paille dans ses bottes; et je
l'aime aussi quand il est propre. Le mot rouge
(fureur et la rouille à des endroits du monde) con-
vient parfaitement pour tout dire"
Extrait du poème "Si le mot rouge est vrai " dans Écritures courtes, éditions le dé bleu, page 10
Tableau de Roberto Crippa, Spirale, 55x75 cm, 1951
21:40 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : si le rouge est vrai, james sacré, roberto crippa, rouge | Facebook | Imprimer | | |
23/03/2013
Le poème sait bien que le malheur du monde est grand, de James Sacré
Marc Léonard. La plage sous l'orage. A retrouver sur ses sites, là et là
On finit toujours par aimer le bruit des mots
Ce qui tremble et qui chante en leur malheur
qu'on oublie
Treblinka Chatilla, l'amour et le vin doux, scandale!
Et le plaisir qu'un film prend à des endroits d'une Pologne
ou d'ailleurs
Le noir du temps qui se transforme en couleur tendre
Débris campagne qui s'est installée traveling
Pour aller où?
Le malheur du monde est sans âge
Sabra Cambodge la frange au loin du Chili Saquiet
Hiroshima Bézier sacs de Rome et de Bizance on s'habitue,
les mots
Sans rien d'assez vrai poème qui les musique en mensonges
Pour que le bonheur soit encore possible
Pour caresser le peu qui reste;
Ecrire est un geste de vivant
Qui pense au mot bonheur dans le bruit de la mort.
Une fin d'après-midi à Marrakech, Le poème sait bien que le malheur du monde est grand, p156, Editions Ryôan-ji
07:34 Publié dans Couleur, Noir, Poésie et couleurs, Un monde en couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le poème sait bien que le malheur du monde est grand, james sacré, marc léonard, couleur, noir | Facebook | Imprimer | | |
25/05/2012
Mobile de camions couleurs (extrait), de James Sacré
Blanc à bas orange, caisse blanche - rouge à
longue ligne rouge dans le bas de la caisse. Le mot
"Central", à l'avant en haut - bleu et blanc à charge-
gement à claire-voie, grande masse grise -
"National Carries" en bleu sur la caisse blanche
j'oublie quelle couleur emporte le tout - noir et
caisse blanche la cabine motrice en escalier ramassé
collé à la caisse -
Toute une gamme de couleurs fortes som-
bres : dans les bleus, verts, violets, des rouges, des
marrons riches, les noirs ;
Toute une gamme de couleurs claires, bleu
beige, jaune et tant de blanc, ocre, violet clair;
D'autres : bistre, ocre beige, gris métalliques
gris- blanc
Un bleu-vert avec caisse orange
Petit nez bleu pétrole suivi d'une volumi-
neuse élévation de tôle même couleur et la caisse
blanche
Extrait de : Mobile de camions couleurs, p 49 , photographies de Michel Butor, éditons Virgile, 2010.
Eric Tabuchi, Alphabet Truck., Paris, 2008, 26 cartes sous étui, 15,5 x 19,2 cm.
22:14 Publié dans Art et poésie en couleurs, Blanc, Bleu, Multi couleurs, Noir, Poésie et couleurs, Rouge, Vert, Violet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : mobile de camions couleurs, james sacré, poésie et couleurs | Facebook | Imprimer | | |
08/07/2011
Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, de James Sacré
Le sexe rose et roux veille dans les jambes longues
C'est cela la lumière du visage; la hanche dessine autour
le voulume doux, le renflement du ventre
Le coeur du violencelle est noir! Oh! mes broussailles,
mes vipères! et l'argile!
Extraits de La femme et le violoncelle
Passage d'une pluie sur le sexe vert irrigué
des jardins; l'air est tout gonflé comme
une poitrine d'oiseau
Extrait de la Transparence du prénom elle
Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, James Sacré, poèmes, vignette de Yvon Vey, coll. Marine, 14x21.5, 60 p., 2006
Tableau de Pierre Bonnard . La sieste 1899
07:01 Publié dans Art et poésie en couleurs, Multi couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème;poésie, trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, james sacré | Facebook | Imprimer | | |
15/06/2011
Une fin d’après-midi à Marrakech, de James Sacré
On sait que c’est la cuisine à cause des légumes et des fruits qui sont dans un carton ça fait un coin de couleurs comme quelqu’un qui montrerait d’un coup son cœur et son désir avec beaucoup de simplicité violente. Des piments rouges, des oranges. Le mot vivre dans la grisaille et le silence de cette maison pauvre, le silence. Un coin de cuisine, aussi bien l’endroit du marché dans l’ensemble en pisé couleur d’ocre et de pierre blanchie de la ville. Ou comme dans le haut d’un champ que les gens y travaillent longtemps : mon enfance y ramasse n’importe quelle récolte elle s’accumule en couleur vive tout à l’heure on chargera tout dans la charrette le reste du champ sera plus qu’une surface de terre ou de chaume on le voit mal de plus en plus petit dans le monde autrefois demain je suis content d’avoir tout d’un coup ce carton de légumes comme un sourire en désordre. Comme si j’aimais quelqu’un quand je regarde longtemps la couleur d’une orange, le sol défait, le mur longtemps.
James Sacré, Une fin d’après-midi à Marrakech, André Dimanche, 1988, p. 193.
Picasso, La desserte, 1901
22:33 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : picasso, la desserte, une fin d’après-midi à marrakech, james sacré | Facebook | Imprimer | | |
30/03/2011
La petite herbe des mots, de James Sacré
On peut croire qu'un souvenir
Creuse la couleur du mot bleu, à force
Il en reste plus rien, du bleu ;
Et du souvenir pas plus.
Qu'est-ce qu'on raconte ?"
"Une ancienne cour que l'enfance a fermée
Si t'ouvres le portail
Quelques mots reviendront, pas grand-chose.
La couleur d'autrefois c'est pareil qu'aujourd'hui, presque :
De la tôle toute neuve, mais quand même
Encore du vieux bois qui pourrit."
"Un mur s'est éboulé
C'est comme des mots (mais tombés d'où ?)
La douceur du ciel continue son bleu
On dirait qu'on peut rêver
A travers les choses défaites, les trous du poème."
James Sacré, La petite herbe des mots (1986), Si peu de terre, tout - éd. Le Dé bleu (2000), p. 27, 28 et 31.
21:55 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, la petite herbe des mots, félix vallonton | Facebook | Imprimer | | |
06/12/2010
Extraits d'America Solitudes, de James Sacré
Un volume de nuée (comme une dorne tendue)
Mélange du rouge et du bleu dans le sombre de la nuit venue
Au-dessus du Rio Grande entre Bernalillo et Albuquerque.
On pourrait se demander si c’est à cause de l’éclairage urbain
Ou s’il s’agit des couleurs d’un orage contenu.
Le Rio Grande à des endroits n’est plus
Que de longues flaques d’eau quand même encore vivantes
Entre des bancs de sable et de galets, des herbes très vertes
Puis la ligne forte et tourmentée des peupliers cottonwoods
Qui marque le parcours du fleuve.
Et maintenant, loin dans la nuit, la grande forme en triangle de la montagne Sandia
Cet emmêlement de rouge et de bleu sombre a touché
Au minuscule moment où j’ai ramassé un caillou
Mal roulé avec des cassures lisses
Et des couleurs de feu et de verre brûlé dans la masse de pierre :
Fugitif rapport entre l’immensité du ciel dans une attente
Et le temps d’un geste pour tenir un caillou dans mon cœur.
De quoi parlent ces mots maintenant venus,
Et si, comme une plus vraie nuit, ils n’effacent pas tout ?
Edition André Dimanche (p. 340)
06:37 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, extraits d'america solitudes, james sacré, bleu, rouge | Facebook | Imprimer | | |
19/10/2010
Paysages (3), de James Sacré
Il y a toute cette floraison des églantiers qui donne aux buissons, à la masse de verdure qui descend là devant mes yeux jusqu’aux régularités fin peignées des jardins, une fragilité presque envolée, à la fois des pétales trop vite presque défaits dès que s’ouvrent les fleurs, et de la finesse un peu jetée en l’air de brins de feuillage épineux… qui donne aussi à tout ce vert et à la fin printemps une sorte de sourire égratigné qui saigne (mais c’est pas grave, comme de se couper un peu en usant d’un rasoir mécanique). On ne sait pas quand la main d’un peintre a mis ces légères touches, à peine roses, dans l’épaisseur des buissons, mais comme on voit (est-ce bien le mot qui convient ?) ça me fait écrire. Seulement, dans la coulée de cette assez longue phrase où sont vraiment des églantiers d’encre, ou des rêveries derrière des mots qui ne sont pas sûrs de vraiment les évoquer ?
James Sacré, Le poème n’y a vu que des mots, Centre Poétique de Rochefort-sur-Loire / L’idée bleue, 2007, p. 112.
06:47 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, paysages, james sacré | Facebook | Imprimer | | |
24/09/2010
Oiseaux qui sont dans l’herbe en automne, de James Sacré
Une caille est un geste
lancé dans le bleu un carré
de petit lotier (dessin
d’un village hangar et des tuiles
entre deux branches) geste lancé
par-dessus le buisson derrière
caillou tombé de la grande herbe
une ombre où dans le silence
bat son cœur d’ombre où ?
La perdrix elle pourrait être un bruit
dans ce poème (silence un automne et la
couleur des regains) si les mots...
rien qu’un motif
au bord de l’imagination : tache automne
orangé en (silence) d’un coq de roche — Brésil
ou braise en mon trou natal ; perdrix
rouge dans un regain (pas d’Amazonie) parlé
de plus en plus gris.
Une caille est tellement loin mais
presque sous mon pied (luzerne
en septembre le temps doré des
petits cailloux blancs) autrefois aujourd’hui
quelle trace : un poème aussi soudain (blanc
de la page rempli derrière la vitre un autre
espace en automne un arbre et des
petits mots noirs) aujourd’hui demain
quelle trace. Le mot caille est tellement
Loin. Poème comme un fusil.
[...]
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine, repris dans Les Mots longtemps, Qu’est-ce que le poème attend ?, Tarabuste, 2003, p. 81-82.
17:34 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, oiseaux qui sont dans l’herbe en automne, james sacré | Facebook | Imprimer | | |