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30/12/2015

Lettre à Anton Peschka, d'Egon Shiele (Extrait 2)

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Emil Schumacher

 

Je dors.

Toutes les mousses viennent à moi et entrelacent, en se fronçant, leur vie dans la mienne. Toutes les fleurs cherchent à me voir, et font vibrer mes sens frémissants. Des floraisons d’un vert oxydé, des fleurs vénéneuses irritables m’emportent dans les hauteurs. Voici que je descends, planant, intact… l’étrange monde. Puis je rêve de chasses sauvages, déchaînées, de rouges champignons pointus, de grands cubes noirs, qui peu à peu s’évanouissent puis, comme par miracle, se remettent à croître, deviennent d’énormes colosses ; je rêve de l’incendie flambant comme un enfer, de la bataille d’étoiles lointaines, jamais regardées, d’yeux gris éternels, de titans précipités, de mille mains qui se tordent comme des visages, de nuages de feu fumants, de millions d’yeux qui me regardent avec bonté, et deviennent blancs, toujours plus blancs, jusqu’à ce que j’entende.

 

Egon Schiele, catalogue et documentation par Gianfranco Malafarina, Flammarion, octobre 1983

08/05/2012

Le plaisir, de Paul Louis Rossi

 

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(donnez-nous des plaisirs aigus
                croisés comme des fers d'épées)
 
Il l'embrasse il la vénère
Elle a des cheveux roux et fous
Ils semblent dire une prière
L'un pour l'autre et contre tous
 
(ah ! donnez-nous des plaisirs aigus
                l'odeur des œillet sauvages)
 
Elle sourit au fond de la salle
Une légère moue sur les lèvres
Un col blanc comme une voile
Tendue sur la mer tranquille
 
(des aiguilles de pins
            criblées des feux de l'été)
 
Elle penche la tête pour cacher
Le trouble de son regard
Son désir et sa chasteté
Pareils au vin à l'eau mêlés
 
(violet couleur de la mer
            violet couleur de la mort)
 
Pris d'une passion ingénue
Il s'agite devant ses yeux
Les prestiges de sa bouche
Rêvant son image nue
 
(comme une bête furieuse
            un taureau ivre de rouge)
 
L'orage gronde sur la côte
Ils sentent venir le désir
De mesurer côte à côte
Le vertige du plaisir
 
(un paysage endormi
            lassé de couleurs et de cris)
 
Ils reposent ensommeillés
Sur le sable d'une plage
Abandonnés contre les épaves
Seuls et las de s'être enlacés
 
 
 
 
 
Quand Anna Murmurait, Anthologie des poésies, 1953-1999, pages 178, 179
Dessin d'Egon Shiele
        

26/05/2011

Spleen, de Paul Verlaine


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Les roses étaient toutes rouges,
Et les lierres étaient tout noirs.

Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.

Le ciel était trop bleu, trop tendre
La mer trop verte et l’air trop doux.

Je crains toujours,- ce qu’est d’attendre!
Quelque fuite atroce de vous.

Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,

Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas!

 

Aquarelles, Romances sans paroles

Tableau Egon Schiele