01/09/2010
Exercices de style, de Raymond Queneau
Deux textes dédiés à la couleur dans le recueil Exercices de style de Raymond Queneau.
L'arc-en-ciel
Un jour, je me trouvais sur la plate-forme d'un autobus violet. Il y avait là un jeune homme assez ridicule : cou indigo, cordelière au chapeau. Tout d'un coup, il proteste contre un monsieur bleu. Il lui reproche notamment, d'une voix verte, de le bousculer chaque fois qu'il descend des gens. Ceci dit, il se précipite, vers une place jaune, pour s'y asseoir.
Deux heures plus tard, je le rencontre devant une gare orangée. Il est avec un ami qui lui conseille de faire ajouter un bouton à son pardessus rouge.
Visuel
Dans l'ensemble c'est vert avec un toit blanc, allongé, avec des vitres. C'est
pas le premier venu qui pourrait faire ça, des vitres. La plate-forme c'est sans
couleur, c'est moitié gris moitié marron si l'on veut. C'est surtout plein de
courbes, des tas d'S pour ainsi dire. Mais à midi comme ça, heure d'affluence,
c'est un drôle d'enchevêtrement. Pour bien faire faudrait étirer hors du magma
un rectangle d'ocre pâle, y planter au bout un ovale pâle ocre et là-dessus
coller dans les ocres foncés un galurin que cernerait une tresse de terre de
Sienne brülée et entremêlée par-dessus le marché. Puis on t'y foutrait une tache
caca d'oie pour représenter la rage, un triangle rouge pour exprimer la colère
et une pissée de vert pour rendre la bile rentrée et la trouille foireuse.
Après ça on te dessinerait un de ces jolis petits mignons de pardingues bleu
marine avec, en haut, juste en dessous de l'échancrure, un joli mignon bouton
dessiné au petit quart de poil.
Un jour, je me trouvais sur la plate-forme d'un autobus violet. Il y avait là un jeune homme assez ridicule : cou indigo, cordelière au chapeau. Tout d'un coup, il proteste contre un monsieur bleu. Il lui reproche notamment, d'une voix verte, de le bousculer chaque fois qu'il descend des gens. Ceci dit, il se précipite, vers une place jaune, pour s'y asseoir.
Deux heures plus tard, je le rencontre devant une gare orangée. Il est avec un ami qui lui conseille de faire ajouter un bouton à son pardessus rouge.
Visuel
Dans l'ensemble c'est vert avec un toit blanc, allongé, avec des vitres. C'est
pas le premier venu qui pourrait faire ça, des vitres. La plate-forme c'est sans
couleur, c'est moitié gris moitié marron si l'on veut. C'est surtout plein de
courbes, des tas d'S pour ainsi dire. Mais à midi comme ça, heure d'affluence,
c'est un drôle d'enchevêtrement. Pour bien faire faudrait étirer hors du magma
un rectangle d'ocre pâle, y planter au bout un ovale pâle ocre et là-dessus
coller dans les ocres foncés un galurin que cernerait une tresse de terre de
Sienne brülée et entremêlée par-dessus le marché. Puis on t'y foutrait une tache
caca d'oie pour représenter la rage, un triangle rouge pour exprimer la colère
et une pissée de vert pour rendre la bile rentrée et la trouille foireuse.
Après ça on te dessinerait un de ces jolis petits mignons de pardingues bleu
marine avec, en haut, juste en dessous de l'échancrure, un joli mignon bouton
dessiné au petit quart de poil.
Folio numero 1363
21:37 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poèmes, couleurs, exercices de styles, raymond queneau | Facebook | Imprimer | | |