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25/04/2011

Plutôt la vie, d'André Breton

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Plutôt que cette heure toujours couverte que ces terribles voitures de flammes froides 
Que ces pierres blettes 
Plutôt ce cœur à cran d’arrêt 
Que cette mare aux murmures 
Et que cette étoffe blanche qui chante à la fois dans l’air et dans la terre 
Que cette bénédiction nuptiale qui joint mon front à celui de la vanité totale 
                              Plutôt la vie 

Plutôt la vie que ces prismes sans épaisseur même si les couleurs sont plus pures 

Plutôt la vie avec ses draps conjuratoires 

Ses cicatrices d’évasions 
Plutôt la vie plutôt cette rosace sur ma tombe 
La vie de la présence rien que de la présence 
Où une voix dit Es-tu là où une autre réponde Es-tu là 
Je n’y suis guère hélas 
Et pourtant quand nous ferions le jeu de ce que nous faisons mourir 
                              Plutôt la vie 
 
Plutôt la vie plutôt la vie Enfance vénérable 
Le ruban qui part d’un fakir 
Ressemble à la glissière du monde 
Le soleil a beau n’être qu’une épave 
Pour peu que le corps de la femme lui ressemble 
Tu songes en contemplant la trajectoire tout du long 
Ou seulement en fermant les yeux sur l’orage adorable qui a nom ta main 
                              Plutôt la vie 
 
[...] 
 
André Breton, Clair de Terre, Poésie/Gallimard n° 11, 1966, p. 72

Tableau de Jakson Pollock.  



 

 

24/02/2011

Hamlet, de William Shakespeare

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Être, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ? Mourir... dormir, rien de plus... et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là est l’embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? Voilà qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d’une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations, et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes, s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d’action... Doucement, maintenant ! Voici la belle Ophélia... Nymphe, dans tes oraisons souviens-toi de tous mes péchés. [...] »

Tableau de Jackson Pollock