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15/09/2012

La vie fragile, de Pierre Reverdy

 

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Le 2 septembre 2012, à I.&H ses amis @pierre gaudu


Plus loin entre la plante grasse et le ride

Dresser l'échelle

Les formes qui remuent dans le fond du jardin

d'autres noires

Selon le mouvement brutal du réflecteur

              Les maillots des arbres sont roses

Mais au premier plan une main tient la clef du cœur

Un couple ailé marche dans des couleurs qui changent

                     Celui qui vole bas c'est l'homme

                          Celui qui va à pied c'est l'ange

Les yeux luttent dans la lumière

                      La lampe fraîche du matin

Un fil cassé descend derrière

                      La tête nue s'incline et barre le chemin

                      Tout le reste est recouvert de feuilles mortes

Quant au ciel il s'ouvre par le fond et de côté mais en triangle

 

Pierre Reverdy, La Guitare endormie. [1919], dans Œuvres complètes I, édition préparée, présentée et annotée par Étienne-Alain Hubert, "Mille&unepages", Flammarion, 2010, p. 262.

Photo  @pierre gaudu . Cette photo est propriété de son auteur et toute reproduction est interdite sans le consentement explicite de l'auteur. 

http://www.artnova-connect.com/

http://pierre-gaudu.over-blog.com/


 

 


29/04/2012

La repasseuse, de Pierre Reverdy


 

Autrefois ses mains faisaient des taches roses sur le linge éclatant qu'elle repassait. Mais dans la boutique où le poêle est trop rouge son sang s'est peu à peu évaporé. Elle devient de plus en plus blanche et dans la vapeur qui monte on la distingue à peine au milieu des vagues luisantes de dentelles.

   Ses cheveux blonds forment dans l'air des boucles de rayons et le fer continue sa route en soulevant du linge des nuages — et autour de la table son âme qui résiste encore, son âme de repasseuse court et pie le linge en fredonnant une chanson — sans que personne y prenne garde.

 

Pierre Reverdy, Poèmes en prose (1915), dans Les Épaves du ciel, Gallimard, 1924, p. 22.

La repasseuse, de Picasso (1904) . Huile sur toile.  Musée Guggenheim, à New York

Contribution de Tristan Hordé

26/03/2011

A la limite, de Pierre Reverdy

 

 

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Quand les gens passent la nuit dans l’allée bleue – la nuit d’hiver. Les branches bougent contre les murs, contre la haie qui se retranche – la barrière enchantée dans le gris plus épais – le trou vivant des ombres.  Si les lumières courent, si elles naissent et meurent, tout ce qui est devant s’anime et les yeux sont meurtris. Tout ce qui pèse sur cet espace étroit où s’accoude la nuit. 
La tête a son rayon qui file loin du monde. Le cœur parti à l’aile et faible au souvenir. S'il fait froid dans l’allée vide où le vent s’arrête aux branches qui déchirent – où l’aile immense touche en remuant la pluie – une larme au rebord du toit luisant, un mot qui plane. Et la lumière fixe dans le cadre des lignes – Tous ces gens qui passent le soir d’hiver dans l’allée bleue et grise qui traverse la nuit.  

 
Pierre Reverdy, Flaques de verre, in Œuvres complètes, tome II, Flammarion, 2010, p. 521 
 Tableau de Paul Sérusier 1864-1927