23/11/2013
Love song III, de Nicolas Bouvier
©pierre gaudu (image non libre de droit) "ciel ouvert" , plume et encre de Chine 50x50 cm, http://pierre-gaudu.over-blog.com/
Quand tisonner les mots pour un peu de couleur
ne sera plus ton affaire
quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles
ne te feront plus regretter ta jeunesse
quand un nouveau visage tout écorné d'absence
ne fera plus trembler ce que tu croyais solide
quand le froid aura pris congé du froid
et l'oubli dit adieu à l'oubli
quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du
houx ce jour-là
quelqu'un t'attendra au bord du chemin
pour te dire que c'était bien ainsi
que tu devais terminer ton voyage
démuni
tout à fait démuni
alors peut-être...
mais que la neige tombée cette nuit
soit aussi comme un doigt sur ta bouche
Genève, décembre 1977
Le dehors et le dedans » aux éditions Zoé
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11/11/2013
Bach en automne, IV, de Jean-Paul de Dadelsen
@pierre gaudu 2013, ne pas partager sans son autorisation, http://pierre-gaudu.over-blog.com/
Le ciel au soir est vert. À la lisière du bois les chevreuils
Viennent humer au loin les villages roux de feuilles et de fumées.
Bientôt, quand la nuit tombera le vent de Pologne,
La brume montera des prés.
Le regard du faon découvre trois lieues de plaine sans refuges.
Autour du sommeil des hameaux les barrières vermoulues n’arrêtent
Ni les reîtres ni la peste.
Le monde dans l’espace et la durée étale sa placidité.
J’ai lu longtemps dans ce livre perpétuel. Autrefois j’ai décrit
Les gambades au mois de mai du jeune agneau,
Le vol instable des émouchets.
Je ne décrirai plus. Tout est nombre. L’arbre,
Rivière de feuilles ou noir de gel, entre la terre et le ciel instaure
Une figure permanente.
Le monde est en repos, dit-on ; les princes sont en paix, peut-être.
Entre la nue basse et l’horizon convexe s’éloigne une gloire exténuée
De lumière inaccessible. Le monde à travers fastes et largesses demeure
Établi dans l’exil.
Il faut rentrer. L’haleine de la nuit descend sur nos visages aveugles.
L’âme écoute approcher tes pas ; entre chez nous, Seigneur ;
Il se fait tard.
Bach en automne, IV, dans Jonas, préface d’Henri Thomas, Poésie/Gallimard, 1986, p. 28-29.
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31/08/2013
Midi, de José Maria de Heredia
©pierre gaudu 2013, tous droits réservés, ne pas diffuser sans son accord, http://pierre-gaudu.over-blog.com/
Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,
Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
Où le feuillage épais tamise un jour pareil
Au velours sombre et doux des mousses d’émeraude.
Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde
Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil
Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.
Vers la gaze de feu que trament les rayons
Vole le frêle essaim des riches papillons
Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ;
Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,
Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.
Midi, « La Nature et le Rêve », Les Trophées (1893), Orphée La différence
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30/03/2013
L'oiseau à tire d'ailes, de Pierre Chappuis
"un cygne de reconnaissance", plume et encre de Chine, 50x50 cm - 23.01.2013
© pierre gaudu (image non diffusable sans son accord).http://pierre-gaudu.over-blog.com/
Taillant dans le vif à tire d'aile au plus étroit du défilé comme si, issue des ténèbres, une main donnait — mais dans le vide — de grands coups de ciseaux.
Le bel embrouillamini de cascades, de tourbillons, de remous, plis et replis, de gerbes d'écume qu'il traverse sans dévier!
Joindra-t-il une rive de la nuit à l'autre ? En tout cas sans mettre aucun ordre ni tracer de ligne de démarcation qui vaille. Pour l'avoir frôlée, ne noircira pas l'eau, messager de l'oubli.
Pierre Chappuis, À portée de la voix, José Corti, 2002, p. 7
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27/03/2013
Le sentier, d'Henry Bauchau
Photo © pierre gaudu http://pierre-gaudu.over-blog.com/ Tous droits réservés
Epars dans le sang bleu du rêve
ton sentier s'est perdu dans l'herbe.
Perdu le bel été dans son profond sommeil
portant les matins dénoués.
Henry Bauchau, Heureux les déliants, Poèmes 1950-1995, p 227, Editions Labor
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27/01/2013
Ballade du dernier amour, de Charles Cros
"nuit blanche", encres pigments et gouache, 30x40 cm , © pierre gaudu
(image non diffusable sans son accord) A retrouver sur son site http://dessin-ivre.blogspot.fr
Mes souvenirs sont si nombreux
Que ma raison n'y peut suffire.
Pourtant je ne vis que par eux,
Eux seuls me font pleurer et rire.
Le présent est sanglant et noir ;
Dans l'avenir qu'ai-je à poursuivre ?
Calme frais des tombeaux, le soir !...
Je me suis trop hâté de vivre.
Amours heureux ou malheureux,
Lourds regrets, satiété pire,
Yeux noirs veloutés, clairs yeux bleus,
Aux regards qu'on ne peut pas dire,
Cheveux noyant le démêloir
Couleur d'or, d'ébène ou de cuivre,
J'ai voulu tout voir, tout avoir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Je suis las. Plus d'amour. Je veux
Vivre seul, pour moi seul décrire
Jusqu'à l'odeur de tes cheveux,
Jusqu'à l'éclair de ton sourire,
Dire ton royal nonchaloir,
T'évoquer entière en un livre
Pur et vrai comme ton miroir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Envoi
Ma chanson, vapeur d'encensoir,
Chère envolée, ira te suivre.
En tes bras j'espérais pouvoir
Attendre l'heure qui délivre ;
Tu m'as pris mon tour. Au revoir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Charles cros, Le coffret de Santal, extrait de Rimbaud, Cros, Corbière, Lautréamont, Collection Bouquins, Robert Laffont, p 249-250.
Merci à Pierre Gaudu pour sa confiance dans mes choix.
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13/10/2012
L’ineffable l'inaperçu, d'Edmond Jabes
La blancheur – couleur d’absence de couleur – est tellement agressive que, pour être lus, les vocables l’attaquent de front, syllabe après syllabe, lettre après lettre ; jamais collectivement mais isolément.
« Stratégie de l’écriture » disait-il.
Violence de la page blanche, d’autant moins maîtrisable qu’elle est silencieuse.
La résistance du livre en est chaque fois ébranlée.
Toute naissance rompt un silence originel contre lequel elle luttera jusqu’à la mort.
L’éternité serait, peut-être alors, ce temps muet, infini en aval du temps.
L’ineffable l’inaperçu, Le livre des ressemblances, III, Gallimard 1980, p. 43.
Dessin à la plume de Pierre Gaudu "fenaison", 52x70 cm (29 08 12)
© pierre gaudu images non libres de droits, tout utilisation sans mon accord est interdite.
atelier pierre gaudu - peinture dessin photo: http://pierre-gaudu.over-blog.com/
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15/09/2012
La vie fragile, de Pierre Reverdy
Le 2 septembre 2012, à I.&H ses amis @pierre gaudu
Plus loin entre la plante grasse et le ride
Dresser l'échelle
Les formes qui remuent dans le fond du jardin
d'autres noires
Selon le mouvement brutal du réflecteur
Les maillots des arbres sont roses
Mais au premier plan une main tient la clef du cœur
Un couple ailé marche dans des couleurs qui changent
Celui qui vole bas c'est l'homme
Celui qui va à pied c'est l'ange
Les yeux luttent dans la lumière
La lampe fraîche du matin
Un fil cassé descend derrière
La tête nue s'incline et barre le chemin
Tout le reste est recouvert de feuilles mortes
Quant au ciel il s'ouvre par le fond et de côté mais en triangle
Pierre Reverdy, La Guitare endormie. [1919], dans Œuvres complètes I, édition préparée, présentée et annotée par Étienne-Alain Hubert, "Mille&unepages", Flammarion, 2010, p. 262.
Photo @pierre gaudu . Cette photo est propriété de son auteur et toute reproduction est interdite sans le consentement explicite de l'auteur.
http://www.artnova-connect.com/
http://pierre-gaudu.over-blog.com/
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06/09/2012
Carnets 1952-1956, d'André du Bouchet
un poème — qu’est-ce — rien
et pourtant le monde était là
comme le vent dans les tiges
le monde est là — comme le
vent dans les tiges
et aux confins bleus du monde
André du Bouchet, Carnets 1952-1956,Plon, 1990, p.75
Illustration: ©pierre gaudu , "giboulée", encre, 16x12 cm, 1986
tous droits réservés... Avant toute diffusion, échange ou partage merci de bien vouloir demander
l'accord de Pierre Gaudu.
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18/07/2012
L'amoureuse, de Paul Eluard
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s’évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
Paul Éluard, Mourir de ne pas mourir, 1924, repris dans Capitale de la douleur, Gallimard, 1926, p. 55, et Pléiade, Gallimard, 1968, tome I, p. 140. Encre "Incomplétude boréale" de Pierre Gaudu, que je remercie. Vous pouvez retrouver son travail sur les sites suivants:
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27/06/2012
A la mystérieuse, de Robert Desnos
Non, l'amour n'est pas mort en ce coeur et ces yeux et cette bouche qui proclamait ses funérailles commencées.
Écoutez, j'en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme.
J'aime l'amour, sa tendresse et sa cruauté.
Mon amour n'a qu'un seul nom, qu'une seule forme.
Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche.
Mon amour n'a qu'un nom, qu'une forme.
Et si quelque jour tu t'en souviens
Ô toi, forme et nom de mon amour,
Un jour sur la mer entre l'Amérique et l'Europe,
À l'heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues, ou bien une nuit d'orage sous un arbre dans la campagne, ou dans une rapide automobile,
Un matin de printemps boulevard Malesherbes,
Un jour de pluie,
À l'aube avant de te coucher,
Dis-toi, je l'ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t'aimer davantage et qu'il est dommage que tu ne l'aies pas connu.
Dis-toi qu'il ne faut pas regretter les choses: Ronsard avant moi et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes qui méprisèrent le plus pur amour,
Toi, quand tu seras morte,
Tu seras belle et toujours désirable.
Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l'éternité, mais si je vis
Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,
L'odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d'autres choses encore vivront en moi,
En moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,
Moi qui suis Robert Desnos et qui, pour t'avoir connue et aimée,
Les vaux bien.
Moi qui suis Robert Desnos, pour t'aimer
Et qui ne veux pas attacher d'autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable.
Corps et biens, 1926
Photo de Pierre Gaudu (Regards Croisés, présenté dans le cadre de l'Exposition au Musée Hébert - Grenoble/la Tronche du qui s'est déroulé du 1er Oct. au 31 Déc 2011. http://pierregaudu.over-blog.com/
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16/05/2012
Il n'y a que la voix qui reste, de Forough Farrokhzâd
Pourquoi m'arrêterai-je, pourquoi ?
Les oiseaux sont partis en quête d'un chemin bleu
L'horizon est vertical
L'horizon est vertical et le mouvement : jaillissant
et dans les tréfonds du regard
Les planètes lumineuses tournoient
La terre dans les hauteurs se répète
Et les puits emplis d'air
Se transforment en galeries de liaison
Et le jour est une étendue
Que ne saurait contenir le rêve étroit
Du vermisseau qui ronge le journal
Pourquoi m'arrêterai-je ?
Le chemin passe à travers les vaisseaux de la vie
L'atmosphère de la matrice lunaire
Tuera les humeurs
Et dans l'espace chimique après le lever du soleil
Il n'y aura que la voix
Infiltrée par les particules du temps
Pourquoi m'arrêterai-je ?
[...]
Forough Farrokhzâd (1933-1968), traduction Sara Saïdi Boroujeni, dans Europe, "Littérature d'Iran", n° 997, mai 2012, p. 286."le poids de l'absence""
acrylique 30x40 de Pierre Gaudu, 1 juin 2010, (collection particulière Paris)
http://www.artnova-connect.com/
http://pierre-gaudu.over-blog.com/
http://gauduphoto.blogspot.fr/
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24/03/2012
Le noir et le blanc chez Delacroix, par Charles blanc
"Une des ressources les plus précieuses d'Eugène Delacroix c'est l’introduction du noir et du blanc. Le noir et le blanc sont, pour ainsi parler, des non-couleurs qui servent, en séparant les autres, à reposer l’oeil, à le rafraîchir, alors surtout qu’il pourrait être aussi fatigué par l’extrême variété que par l’extrême magnificence. Suivant les proportions qu’on leur donne, suivant le milieu où on les emploie, le blanc et le noir atténuent ou rehaussent les tons voisins ; quelquefois, le rôle du blanc dans un tableau sinistre est celui que joue en plein orchestre un coup de tam-tam."
"D’autres fois, le blanc est employé par Delacroix pour corriger ce qu’aurait de brutal la contiguïté de deux couleurs franches telles que le rouge et le bleu."*
* Charles Blanc fait référence au tableau d'Eugène Delacroix, La barque de Dante (1822, musée du Louvre)
Les artistes de mon temps, Par Charles Blanc p 71 et 72
http://books.google.fr/books?id=mcZw6O_jahoC&printsec...
Tableau de Pierre Gaudu, "Chasse au lion", inspiré par Delacroix, huile sur toile 80x80 cm, 1994.
http://www.flickr.com/photos/pierregaudu/sets/72157621910...
http://www.artnova-connect.com/
http://pierre-gaudu.over-blog.com/
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21/02/2012
Pays sous les continents (extrait), de Dominique Sorrente
Seul,
ce pourrait être cette pierre à partage.
Le souffle du non-retour
du vent,
le premier logement du soleil
au sommet,
à rendre rose la montagne.
Ou bien seul,
la transparence d’un pas perdu, gagné,
tout blanc sur noir
comme une voyelle intermittente.
( extrait de Pays sous les continents, MLD, 2009 )
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05/02/2012
La chevelure, de Baudelaire
O toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans les profondeurs, forêt aromatique!
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.
J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève!
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse!
Infinis bercements du loisir embaumé!
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde!
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir?
Les Fleurs du mal
© Pierre Gaudu.Dessin plume et encre, 65cm x 25 cm
http://www.flickr.com/photos/pierregaudu/6816344359/sizes...
http://www.artnova-connect.com/les-artistes/85-pierre-gau...
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28/12/2011
Sentier du nord, de Kenneth White
1.
Eaux noires, où
l’oie cendrée, le plongeon gris
le saumon, la perche, la truite
sont chez eux….
après dix jours sans nuage
la pluie est revenue
une bruine grise
qui assombrit le lac
et voile les collines
2.
Air froid de l’aurore
ce rocher :
traces de l’époque glaciaire
et là un tertre
poste de guet d’un renard
(l’herbe a verdi
sous ses excréments)
3.
Un bosquet de bouleaux
brouillés de pluie
le tronc
blanchi
d’un pin mort
sur le sol tourbeux
l’empreinte d’un cerf
4.
Un ruisseau gris
des lichens
agrippés à une pierre
et, solitaire
une fleur
arctique :
étamines noires
pétales blancs
5.
Là-bas
parmi les rocs et les éboulis
un ptarmigan
franchit la crête.
Kenneth White, Les rives du silence, traduit de l’anglais par Marie-Claude White, édition bilingue, Mercure de France 1997, p. 64 à 67
Poème à retrouver également sur http://poezibao.typepad.com/
Photo de Pierre Gaudu
07:11 Publié dans Art et poésie en couleurs, Blanc, Gris, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sentier du nord, kenneth white, pierre gaudu | Facebook |
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06/11/2011
Les planches courbes, (extraits) d'Yves Bonnefoy
Une autre fois.
Il faisait nuit encore. De l’eau glissait
Silencieusement sur le sol noir,
Et je savais que je n’aurais pour tâche
Que de me souvenir, et je riais,
Je me penchais, je prenais dans la boue
Une brassée de branches et de feuilles,
J’en soulevais la masse, qui ruisselait
Dans mes bras resserrés contre mon cœur.
Que faire de ce bois où de tant d’absence
Montait pourtant le bruit de la couleur,
Peu importe, j’allais en hâte, à la recherche
D’au moins quelque hangar, sous cette charge
De branches qui avaient de toute part
Des angles, des élancements, des pointes, des cris.
Et des voix, qui jetaient des ombres sur la route,
Ou m’appelaient, et je me retournais,
Le cœur précipité sur la route vide.
Les planches courbes, Poésies Gallimard
Photo de Pierre Gaudu
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29/09/2011
Un peu de bleu dans le paysage, (extrait) de Pierre Bergounioux
Montaigne, qui était un seigneur disert de la riche Aquitaine, dit que philosopher, c'est apprendre à mourir. C'est donc que mourir s'apprend, que nous ne savons pas. Nous devons accéder, pour partir, pour accepter, à une vérité qui nous est d'abord dérobée. Ce long chemin a nom philosophie. J'en connais un autre. Il n'est que de s'engager sur la route tortueuse qui s'élève entre les sapinières. Quand elle débouche sur le plateau, que les arbres, pris de crainte, s'arrêtent, et qu'on voit la bruyère et l'ajonc, le roc, le dôme vertigineux de la nue, qu'on entre dans le silence, on sait. Le sensible est intelligible, l'essence et le phénomène se confondent. On est dispensé des incertitudes et des longueurs de l'étude, des abstractions et du raisonnement, des doutes qui assaillent le penseur méditant, à l'étroit, dans une chambre.
Le granit qu'on peut toucher du doigt, a mille millions d'années. Le ciel est le même, d'un bleu trop pur, vide et glacé, le silence éternel. Nous ne sommes jamais sur cette scène immuable, intemporelle, qu'un accident passager, un émoi négligeable. Cela force l'évidence. Il n'y a pas lieu d'argumenter.
Un peu de bleu dans le paysage, Verdier 2001, p. 78. Texte à retrouver également sur le site http://poezibao.typepad.com/
llustration: photos de Pierre Gaudu, carnet de pierres. http://gauduphoto.blogspot.com/
22:11 Publié dans Bleu, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : un peu de bleu dans le paysage, pierre bergounioux, pierre gaudu | Facebook |
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26/08/2011
Cinéma muet (extrait) de Jacques Ancet
La lumière se nourrit du noir. Il la révèle. Comme le sang révèle la vie et son envers, la voix, le silence qui l'engendre. Ce qui commence est sa propre fin et l'immuable le devenir. Il n'y a d'autre au-delà que le seul mouvement d'une même matière. Ca vient, ça s'en va, c'est toujours là.
Cinéma muet, Journal de l'air, p 82, Editions Arfuyen
Dessin de Pierre Gaudu à retrouver sur
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