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27/03/2015

Tard en mai, de Tomas Tranströmer

cherry-tree-in-bloom-1905.jpg!HD.jpg

 

Ferdinand Hodler, collection privée, 60 x 48 cm

 

 

 

Pommiers et cerisiers en fleur aident le village à planer dans la douce, la sale nuit de mai, gilet de sauvetage blanc, les pensées 

prennent le large. 

  

Herbes et mauvaises herbes aux coups d'ailes silencieux, obstinés. La boîte aux lettres luit paisiblement, on ne peut revenir sur ce qui est écrit. 

  

Un vent tiède frais traverse ma chemise et touche du doigt le cœur. 

Pommiers et cerisiers rient tout bas de Salomon, 

fleurissent dans mon tunnel. J'ai besoin d'eux, 

non pour oublier, mais pour me souvenir. 

  

  

  

 

Œuvres complètes (1954-1996), Traduit du suédois par Jacques Outin, Le castor astral, 1996

07/03/2015

Au printemps, de Jacques Roubaud

  

Matisse, the-riverbank-1907.jpg

Henri Matisse, The riverbank, 1907, Offentliche Kunstsammlung, Basel, Switzerland

 

 

Environ le printemps 

(le 21 mars, + ou - x jours 

(x variable - si x est proche de 365 on dit 

« y a plu' d'saizon ! » 

ou bien on dit 

« printemps pourri ! »)) 

  

environ le printemps, disais-je 

les arbres 

n'ont plus pour seul vêtement 

les moineaux 

les feuilles 

reviennent aux arbres 

ou les arbres 

retrouvent leurs feuilles 

ça verdit 

  

depuis quelques temps on les voyait 

hésiter, tâter l'air, 

ausculter les nuages 

regarder leurs voisins du coin de l'œil 

et puis d'un seul coup ça y est 

ils se décident 

  

environ le printemps 

(ce sont les « à feuilles caduques » qui se lancent 

que les Anglais appellent deciduous

à cause de leur esprit de décision 

les « à feuilles persistantes » 

qui n'ont plus rien à décider 

font la gueule 

avec leur pelage sale 

de toutes les années de suie 

urbaine) 

  

sur les arbres 

les bébés feuilles frissonnent 

les petites feuilles tâtonnantes, fragiles, lentement 

déplissées des bourgeons 

la brise     les retient     tendrement     sur leur tiges 

comme dit le powète 

  

oui ! 

les feuilles s'élancent, prolifèrent 

profuses 

les arbres s'étalent, se regardent dans les fontaines 

dans les fenêtres 

dans les flaques 

dans le bleu du ciel 

et voilà 

le printemps est fait 

  

c'est comme ça que ça s'est passé 

cette année-ci (mille neuf cent quatre-vingt -quatorze) 

à Paris 

au jardin des Tuileries 

au jardin du Luxembourg 

au parc Montsouris 

au square des Blancs-Manteaux 

au pied du Sacré-Cœur dans le square Saint-Pierre 

j'ai vérifié 

  

et je n'ai aucune raison de penser 

qu'il en a été différemment 

ailleurs 

  

  

  

  

 

La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains, Gallimard

10/05/2014

Printemps, de Victor Hugo

Emil Nolde.JPG

Emil Nolde, huile sur toile

 

 

 

Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire !

Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire,

Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis !
Les peupliers, au bord des fleuves endormis,
Se courbent mollement comme de grandes palmes ;
L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ;
Il semble que tout rit, et que les arbres verts
Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers.
Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ;
Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre,
A travers l’ombre immense et sous le ciel béni,
Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.

Victor Hugo, Toute la lyre