Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/01/2016

Cet être devant soi, extrait 2, de Claude Chambard

Encre d'Anne-Flore LabrunieAnne-Flore Labrunie.jpg

 

 

Le merle a mordu la feuille, déchiré le fruit, le bleu devient noir, les drapeaux de prières éclairent le soir, je vois grandir tes yeux dans la pénombre, j'entends ton souffle régulier, j'entre dans la chambre, les pinceaux sont par terre, l'encre renversée, le papier maculé, derrière le mur blanc tout est noir, le jardin est silencieux, deux corps s'appellent, se cherchent dans cette fin d'été ancien & futur, comment est-ce possible demande l'enfant qui n'est pas né & qui pourtant en sait autant que nous. Je tombe à tes pieds nus, je suis pris de vertige, tu parles de douceur & de silence, tu poses ton pied frais sur ma tempe, à quelle heure le malheur a-t-il commencé demande une voix que nous ne connaissons pas, est-ce la nuit qui parle, ou un ancêtre qui ne peut s'extraire du noir, un trait s'anime sur le papier qui ondule près de ma tête, j'ai perdu mon carnet, je ne sais plus écrire ce soir dis-je, nous sommes nus dans la chambre, derrière le miroir, hors du cadre, hors du tain, tu pénètres mes yeux, j'entre dans ta langue.

 

Cet être devant soi, encres de Anne-Flore Labrunie, éditions Æncrages &C°, 2012

 

19/10/2015

Gris lumière, de Jean-Claude Burgart

 

twomb-1971-0004.jpg

 

Cy Twombly, la peinture de Nini (1971) 
Courtesy Gagosian Gallery. Photographie par Robert McKeever

 

Ignorant de ma fin et de mon commencement, j’écris aveuglément

pour apprendre de l’encre des signes

ce qui ordonne et croise

la trame des images et la chaîne des mots

 

J’écris pour que la blancheur irrévocable

qui ajoure et cerne les mots saisis par l’encre

se souvienne du souffle qui les assemble

en les mêlant à l’air qui me traverse.

 

Je veux qu’entraîné par la nappe de silence

qui sourd et s’étend quand la page se détache de moi

soient abolis regrets, désirs, attente

et que, même fragment, l’écrit s’achève

dans le deuil blanc qui le suit, alors

je serai libre, écrire serait naître.

 

Jean-Pierre Burgart, Gris lumière, La Lettre volée, 2014, p 46.