29/01/2016
Cet être devant soi, extrait 2, de Claude Chambard
Encre d'Anne-Flore Labrunie
Le merle a mordu la feuille, déchiré le fruit, le bleu devient noir, les drapeaux de prières éclairent le soir, je vois grandir tes yeux dans la pénombre, j'entends ton souffle régulier, j'entre dans la chambre, les pinceaux sont par terre, l'encre renversée, le papier maculé, derrière le mur blanc tout est noir, le jardin est silencieux, deux corps s'appellent, se cherchent dans cette fin d'été ancien & futur, comment est-ce possible demande l'enfant qui n'est pas né & qui pourtant en sait autant que nous. Je tombe à tes pieds nus, je suis pris de vertige, tu parles de douceur & de silence, tu poses ton pied frais sur ma tempe, à quelle heure le malheur a-t-il commencé demande une voix que nous ne connaissons pas, est-ce la nuit qui parle, ou un ancêtre qui ne peut s'extraire du noir, un trait s'anime sur le papier qui ondule près de ma tête, j'ai perdu mon carnet, je ne sais plus écrire ce soir dis-je, nous sommes nus dans la chambre, derrière le miroir, hors du cadre, hors du tain, tu pénètres mes yeux, j'entre dans ta langue.
Cet être devant soi, encres de Anne-Flore Labrunie, éditions Æncrages &C°, 2012
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23/11/2013
Cet être devant soi (extrait) de Claude Chambard
Alexandre Calder, Spirals and petals, sérigraphie, 80x60 cm
Une fois
l’enfant a trouvé
dans la Montée des Couardes
une façon de grotte
où il s’est faufilé
à peine un trou de lapin
tapissé de mousse & de feuilles
— est-ce un endroit pour vivre —
il attendait un lutin
un elfe une fée Alice
que sais-je
mais au fond du petit terrier
il discernait à peine quelques couleurs
du bleu turquoise du brun roux
du vert sombre du jaune bordé de noir
quelques plumes
un cadeau une couvée
de guêpier d’Europe (Merops apiaster)
Cet être devant soi, Aencrages & Co
Le site de poésie et de littérature de Claude Chambard : un nécessaire malentendu
07:27 Publié dans Bleu, Jaune, Noir, Poésie et couleurs, Vert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cet être devant soi, claude chambard, alexandre calder, bleu turquoise, vert sombre | Facebook | Imprimer | | |
02/02/2013
Cet être devant soi (extrait 2), de Claude Chambard
Dessin à la plume d'Henri Michaux
Le crayon est le chemin par lequel je peux parcourir le monde. Il me faut y arriver vivant. Ce n’est pas une mince affaire. J’ai toujours pensé que, dans le livre, le monde ne pouvait être vu qu’à hauteur d’enfance. L’écriture commence & prend fin dans une classe de cours préparatoire, pour toute la vie & pour tous les livres, dans toutes les bibliothèques. De même la lecture. Manipulations, transgressions, interprétations, variations —— archaïques. Encre violette & papier réglé à grandes marges, encrier en porcelaine, plumes Sergent-Major, buvards publicitaires… Apprendre à dessiner — les caractères — apprendre à dessiner — les traits portraits &c. — lisibilité, blanc, équilibre, approche, chasse, ce qu’on ne voit pas permet ce que l’on perçoit — comme on oublie la ponctuation lorsqu’elle est juste, lorsqu’elle va de soi la lecture va de soi — l’écriture jamais. Ton corps est dans le livre, personne ne le voit, même pas moi, mais je le reconnais, aussi les oiseaux dans le ciel & le corps des écrivains dans leur écriture.
pour Pascal Quignard
Claude Chambard, extrait de Cet être devant soi , Æncrages & cie, 2012.
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01/02/2013
Cet être devant soi (extrait), de Claude Chambard
Nakamura Hôchû, The Korin Album, 1802 Source
Un chant d’hiver :
les oiseaux au sol picorent les graines tombées de ta main
je me gave de la couleur du ciel
j’ai piétiné la cage
& caressé la hulotte qui niche dans le chêne troué
le rouge-gorge est revenu — toujours
La lumière est si blanche ce matin que tu ne peux te lever
qu’est-ce qu’un souvenir m’as tu demandé
noir sur blanc
une prière qui tinte éternellement t’ai-je dit
moi qui ne suis sûr de rien
qui ne sais rien de rien juste que nulle part
est le lieu où nous nous tenons serrés
avec nos blessures nos signes de ponctuation
nos conjonctions de coordination
devant —— devant
tout commence
Claude Chambard, extrait de Cet être devant soi , Æncrages & cie, 2012.
14:18 Publié dans Blanc, Noir | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : claude chambard, cet être devant soi, nakamura hôchû, blanc, noir, couleur | Facebook | Imprimer | | |