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08/12/2011

« Des mots comme du rouge qui respire », d'Angèle Paoli

 

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Que reste-t-il ce soir de tout ce vécu de mots qu’on a engrangé
Chacun pour soi ?

Un peu de poème « avec toute sa guenille de mots ».

« Des mots
comme du rouge qui respire ».


.Le rouge des bleus de Matisse      intérieurs et jardins
qui viennent à la rencontre
et le rouge du feu qui poudroie dans les mots.

.des mots comme du rouge qui respire
dans le vieux broc tout émaillé
comme posé là en attente d’un bouquet de cicindèles
ou même des flammes anacoluptères
que les mots grésillent
d’une bûche à l’autre
la respiration comme un souffle de vie à peine
retenu dans le silence gris du jour
et la promesse de la neige peut-être sous la vitre.

.et devant moi encore le rouge d’une étole
en jeté sur l’épaule et autour de la nuque aussi
comme un abandon de plis qu’on ne saurait dire.

.et celui plus carminé de la passion
d’un pendentif au lobe d’une oreille
que tellement ça bouge pour un rien
pour un mot qui passe tout au plus.

qui saura dire un jour quel fleuve
traverse le géant christophore
surgi à la croisée des rues dans le blanc de la roche rongée
et pourquoi au bou du bou du bou
le nom du village interrompu coupé
par qui pourquoi le sait-on ?
panneau sans fléchage et il faut inventer le chemin taillé
dans le gris lent de l’encoule
dans l’à-vif de la montagne blanche mêlé aux ocres chaudes
des pisés forteresses du Maroc.


.Sidi Slimane n’est jamais bien loin.


.le vieux campanile monte dans le peu de lumière derrière la vitre
au plus serré de la rencontre de ce jour


et le mot rouge un peu plus rouge pris dans les nappes et les tentures
et soudain dans celui plus doré du pain d’épices de Noël
qui effrite ses tranches sous les doigts
le rouge des couleurs mélange de bleu et d’oranger
la couleur rouge dans quel mot la retrouver
la rendre à sa rondeur première
à son origine dans la rouille
rouge pâle des tuiles sur les toits qui étirent
leur feuilleté dans la fraîcheur
et les murets décrépis
à quel temps abandonné depuis tant.


.le feu crépite rouge sang d’elfe chaude et d’éventail
que dis-tu en écrivant ces mots sinon le vide des images
qui ne parlent à personne
que lisent les regards sous les paupières closes
derrière la pluie des mots qui tombe en gouttes
de pétales rouges


quelque chose se vit comme un peu de souvenir
effacé que chacun garde au creux de sa propre chaleur
quelque chose se dit de l’intime
coule sa langue douce sous la langue autre
comme une odeur d’enfance à cueillir sous les mots
dans un jardin d’hier une langue d’avant
de Vendée ou d’ailleurs tendue aux quatre coins
d’une lessive fraîche.



crire comme une affaire de désir
comme une affaire de rencontre
un désir de poussière
et de paradis minuscule
quelque chose du rouge dans le grain de la voix.





Angèle Paoli   D.R

Merci à Angèle Paoli, qui anime un blog de poésie très riche,  Terres de Femmes

Tableau d'Henri Matisse. Statuette et pichet roses sur un coffre des tiroirs rouge. 1910. Huile sur la toile. L'Ermitage, Rue Petersburg, Russie.

03/03/2011

Carnets de Marche (extrait), d'Angèle Paoli

Un noir intense descend sur la mer. Les eaux brouillées du ciel rejoignent la ligne de crête des vagues, s'y plongent. Le triangle de lumière a encore retréci. Ciel et mer, immergés l'un dans l'autre , broient du noir.

Le petit coquelicot de novembre n'est plus. Il est mort ce matin, broyépar les vents d'hiver. Ses pétales gisent, recroquevillésdans les trous de rocaille. Nulle autre fleur tardive ne l'a remplacé. Météo, météo, météo. Le coquelicot de Zanzotto bat de l'aile dans sa tête. Elle rumine son refrain. Lallation de douleur. Un stylet planté dans le coeur. Rouge sang. Météo, météo, météo.

Carnets de Marche, les Editions du Petit Pois, p 19. Angèle Paoli anime un blog magnifique http://terresdefemmes.blogs.com/

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09/02/2011

Ombre portée du palmier bleu, d'Angèle Paoli

 

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A mon trisaïeul Dominique Baldassari revenu de Trinidad en 1840


Palmier de haute race
élégant élancé
tu étires tes voiles en partance
vers des rêves perdus
il ne te reste des terres
qui t’ont vu naître
que l’ombre portée de tes palmes
sur le mur chauffé à blanc
au creux de ta tour crénelée
tu balances au gré des vents
tes gréements effilés
dans le ciel transi de bleu

Dans le ciel transi de bleu
l’ombre portée du palmier
murmure les noms effacés
de ceux qui se sont embarqués
les Baldassari, Giraldi, Giuliani,
Gregori, Luigi, Mariani, Piccioni, Pieretti,
Vincentelli…
du Cap Corse aux Amériques
ils ont navigué bourlingué
travaillés durement par la houle
un matin de demi-brume caraïbe
ils ont touché terre ferme
c’était dans les marécages du llanos

Ils se sont dispersés
aux quatre découpes des côtes
dans les haciendas blanches
entre Venezuela et Trinidad
ils ont battu le pavé des villes
à Caracas ils se sont enivrés
de la moiteur des femmes
du vin de palmes et d’aloès
ils ont bâti leurs fortunes
au prix d’un exil sans fin
dans les champs de coton de café de tabac

Un jour de demi-brume caraïbe
ils ont réinventé la mer
portés par un mal obscur
dans leur île natale ils ont débarqué
leurs lourdes malles gonflées d’or
ils ont élevé palais et tombeaux
ils reposent seigneurs apaisés
en leur terre bercée par l’ombre portée
du palmier bleu


Angèle Paoli, Noir écrin, Poésie cap-corsaire, A Fior di Carta Éditions, 20228 Barrettali, 2007, pp. 47-48.
D.R. Ph. et texte angèlepaoli

Tableau de Paul Gauguin

Angèle Paoli écrivaine poètesse, anime un magnfique site de poésies Terres de Femmes http://terresdefemmes.blogs.com

 

03/12/2010

A l'aplomb du mur blanc, d'Angèle Paoli

Pas un crayon ici pas une lime pas
une lame seulement des
mots sans rime            en attente
de déraison — attente
veillée entrecoupée de
sommeil sans rêve ombres au bord
des voix diffuses dans le feu
attente — de réveil — enroulée je dessine
les cercles du matin dans la lumière blonde
funambule des deux rives du temps
couchée à même le sol
onglet du mètre — en attente de —
sa hauteur 34 fois 6
2 fois 17
éclairages sur rampe

l’araignée du soir
divague à l’aplomb
du mur blanc

porte étroite fermée
sur sa transparence (même)
rumeur sombre mugissement des vagues
encre minérale ciel — Ô — noire
toute chose dérobée invisible
vaste vaisseau de nuit              en attente d’étoiles
éclats diffractés dans la flamme
le froid me prend au rebours du réveil
bris de mots avalés par le feu

Au matin les derniers brûlages de l’hiver
montent dans l’air enneigé du
printemps.



Angèle Paoli

   Angèle Paoli anime un magnifique site de poèsie http://terresdefemmes.blogs.com/