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06/12/2010

Nicolas Poussin, (1594-1565)par Philippe Sollers

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Nous arrivons maintenant à Nicolas Poussin en faisant, je crois, par rapport aux Vénus italiennes, un pas de plus et tout à fait décisif, extraordinaire, dans la représentation de la sensualité féminine. Celle-ci n'apparaît que très tardivement, je dirais, pratiquement grâce au christianisme, parce que la grande sensualité grecque est oblitérée et copiée de façon un peu rigide par les Romains, et que cela resurgit en plein 17e siècle. 

Je crois que Poussin ajoute quelque chose à l'auto-érotisme de la représentation féminine, avec l'une des plus belles Vénus jamais peintes, peut-être la plus belle, pour moi. Je pense à la volupté d'être soi, ce qui est suffisamment souligné par le linge qui vient légèrement caresser, plutôt que couvrir, la région qui se trouve entre les jambes - de même que vous aviez dans une célèbre « Vénus » de Titien le regard de l'organiste qui va se porter sur cet endroit, cet endroit encore une fois terrifiant pour nos préhistoriques, qui est l'objet de toutes les peurs, de tout le sacré. Là vous avez un engouement pour ce que le petit amour vous indique, et une sorte de volupté totale dans le sommeil. C'est, à mon avis, un tableau de délectation tellement extraordinaire qu'il me semble que toute la peinture française ultérieure en sort, et que ni Watteau, ni même Fragonard, n'atteindront ce niveau. 

Il y a là comme une avance vers ce 19e siècle, ce siècle de Manet et Courbet qui vont faire tellement sensation. Poussin est le géniteur de cette volupté énigmatique, même si l'on considère par ailleurs Vélasquez ou Rubens. Je crois qu'il faut insister sur cette « Vénus », qui traduit si pleinement ce à quoi Goya, Manet, tous, regardez-les, essayent de penser, même Ingres, le vieil Ingres du « Bain Turc ». 

 

Philippe Sollers
Connaissance des Arts, n°512- Décembre 1994.   

Venus et Cupidon (1626) par Nicolas Poussin (1594-1565)