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28/06/2013

Sept amandiers en fleurs ou le retour vers la maison, de Paul Fort

 Almond Trees in Provence - Paul Cezanne

Amandiers en provence, Paul Cezanne, Aquarelle, 58.5 x 47.5 cm, Collection privée


Savais-je aux fins de jour où mon destin chemine que j’aurais pour amis sept amandiers en fleurs ?

Sept amandiers en fleurs, du haut de la colline, se penchent et saluent mes joies et mes douleurs.

Ce soir où des nuées rouges aux lointains voiles se disputent la lune et tout le firmament,

blancs et roses filets à recevoir le vent, sept amandiers en fleurs ont capté mon étoile.

 

 L’Arlequin de plomb.

 

 

Extrait de  Ballades du beau hasard, p 160, Editions Flammarion

 

 

Agate 1, de Roger Callois

 

Este MacLeod.jpg

Este Macleod 'fantasy garden' acrylic on canvas. http://www.estemacleod.com/

(…)

Plus rarement, des festons minéraux, des points de dentelle, des éclaboussures de pistils et des projections de pollen ; des explosions de chrysanthèmes, des pyrotechnies immobiles dans une nuit pétrifiée ; la transparence longtemps promise, longtemps différée, et qui surgit à l’improviste comme spectre ou météore ; des larmiers  et leurs pleurs, d’une résine fabuleuse ; l’astre blanc marqué comme au chanfrein de l’arzel ; des fenêtres luisantes couleur cyclamen ou églantine ; des tentures et des rideaux suspendus en pleine pierre à des crochets invisibles et dont les plis retombent avec solennité, à distance les uns des autres tels des cimes de montagnes impraticables, des draperies d’aurore boréale ; des fosses banales, profondes comme poches à bitume, où se sont déposés la lie et les déchets d’anciens fluides quintessenciés ; des rubans donnés à voir sur la mince épaisseur de leur tranche et dont la traîne somptueuse s’étale, ondule dans une opacité de miel ou d’ambre ardent ou de lessive azurée, comme ailes ou nageoires de chauves-souris marines, de raies.

 

 Roger Caillois, Agate I, in Pierres (Poésie/Gallimard)

Merci à Isabelle S.

22/06/2013

La solitude visitée, d'Armel Guerne



claude monet, Paysages, prunes fleurs

Pruniers en fleurs, Claude Monet, 1879 (Origine et Musée NC)


Regarder seulement et enfin ne rien dire,

Noyé dans la beauté vivante du matin

Vernissant tous les verts de la tapisserie

Ou recreusant ses bleus au-dessous des lointains

Tremblants de volupté et frémissants de joie

Sous la caresse imprévisible du soleil.

Le brouillard incertain se relève en panaches

Aux découpes bizarres parmi les coteaux

Qui paressent encore et par endroit se voilent

D'une fine blancheur plus souple que le vent

Virginal et doré, délicieux et clair.

La vue est une ivresse heureuse de se perdre.

Même le cri le plus secret de cette extase

Est refoulé jusqu'aux sources de la parole.

 

Rhapsodie des fins dernières.  Paris, Phébus, 1977

http://www.armelguerne.eu/

et merci à une de mes lectrices : http://en-paraison.hautetfort.com/archive/2010/12/08/pour...

Les papillons, de Pierre-Jean Jouve

Degas-Femme-nue-étendue.jpg

Femme nue étendue Edgar Degas (Edgar degas et le nu. Musée d'orsay)


Les papillons sont enfermés

Papillons roses et noirs papillons gras
Les papillons ont une chaleur inhumaine
Leurs ailes sont des malentendus de la mémoire
Ces fauves ont l'accent et la fatalité de deux visages
Quand ils s'enferment dans les plis sévères d'en-bas

Les papillons de la chair du bas
Quand on les avise en leurs ténèbres
Ils montent roses gras
Ils montent mais ils battent
Ils battent mais ils bandent
L'odeur l'égarement la nudité le poids.


 Les papillons, Matière céleste, Poésie/Gallimard, 1995, p 146

20/06/2013

Aquarelliste, de Guillaume Apollinaire

 

aquarelliste,de guillaume apollinaire

Papiers collés/50x70 cm/Dominique Hordé


À Mademoiselle Yvonne M…

Yvonne sérieuse au visage pâlot
A pris du papier blanc et des couleurs à l’eau
Puis rempli ses godets d’eau claire à la cuisine.
Yvonnette aujourd’hui veut peindre. Elle imagine
De quoi serait capable un peintre de sept ans.
Ferait-elle un portrait ? Il faudrait trop de temps
Et puis la ressemblance est un point difficile
À saisir, il vaut mieux peindre de l’immobile
Et parmi l’immobile inclus dans sa raison
Yvonnette a fait choix d’une belle maison
Et la peint toute une heure en enfant douce et sage.
Derrière la maison s’étend un paysage
Paisible comme un front pensif d’enfant heureux,
Un paysage vert avec des monts ocreux.
Or plus haut que le toit d’un rouge de blessure
Monte un ciel de cinabre où nul jour ne s’azure.
Quand j’étais tout petit aux cheveux longs rêvant,
Quand je stellais le ciel de mes ballons d’enfant,
Je peignais comme toi, ma mignonne Yvonnette,
Des paysages verts avec la maisonnette,
Mais au lieu d’un ciel triste et jamais azuré
J’ai peint toujours le ciel très bleu comme le vrai.


 Alcools, Collection Poésie, Galimard

Exposition de Dominique Hordé du 7 au 29 juin 2013 à Nanterre

 

Découvrez l’exposition de

Dominique Hordé

dans vos agences Société Générale de Nanterre

 

Paysages imaginaires

 

Avril 2013 Paysages Imaginaires D.Hordé safran et noir.jpg

Compositions de papiers de soie sur bois

 

Agence de Nanterre Ville, 48 rue Maurice Thorez (Fermeture le lundi, ouverte le samedi matin).  

Agence principale dans laquelle  une vingtaine de tableaux sont exposés

Agence de Nanterre Préfecture, Esplanade Charles de Gaulle (Ouverte le lundi, fermeture le samedi)

Agence de Nanterre Balzac, Centre commercial Balzac, CI Marcellin Berthelot (Fermeture le lundi, ouverte le samedi matin)

Plus de photos ICI

 

16/06/2013

Chant III (extrait), de Jacques Ancet

Odilon Redon.jpg

Odilon Redon (référence inconnue)


Et pourtant, je reviens, & comment l’expliquer malgré tant de raisons d’abandonner, tant de raisons de s’enfermer, de disparaître, je reviens

comme après un jour de pluie dans le ciel obscur, la lumière soudain, & tout semble recommencer

les tasses brillent, le bois de la table, & sur la vitre un grand morceau de bleu où s’entrecroisent les branches noires 

un contre-jour où tu es là, & quand même, je dis oui au sourire, à la tendresse, à toutes ces années & leur ombre portée, oui à ce trop peu de temps qui reste

alors je reviens, je me dépêche,

je me dépêche pour chaque objet, la chaise, la table, le fauteuil, le tapis,

pour le jaune des pommes, le vert de l’hibiscus & du lierre, pour le livre entr’ouvert, le frémissement des feuilles

pour le mystère de ces deux-là, devant leur café, le brouhaha des voix, les soupirs du percolateur, le jour qui tombe & le clin d’œil des lampes

pour le matin de la blancheur & du givre, du bleu pâle des yeux au milieu des images,

pour le vent qu’on ne voit pas & qu’on voit pourtant dans les arbres secoués ou la dérive des nuages, & qu’on entend, parfois,

c’est un soupir comme glissé sous le silence, une sorte de voix sans mots qu’on écoute un instant


Ode au renoncement, Lettres Vives, 2013 

http://jacques.ancet.pagesperso-orange.fr/textes.htm

09/06/2013

Viens traverser le lac, (extrait) de Sarah Kirsch

Estampe d'Utamaro


Moi c’est comme ça : quand les cigognes

Finissent par s’endormir au sommet de leurs cheminées

Les grenouilles commencent

Leur âpre tapage.

Elles sortent de partout, la lumière de ma lampe

Tombe sur leur gosier jaune tout gonflé, leur dos

S’enfonce dans l’eau toute noire, l’eau çà et là étale

Dans l’enchevêtrement des plantes. Quand les chats

Toujours à la même heure et furtivement s’approchent

Les souris prennent peur

Pour leur chère nichée à cinq queues. Pour le moment

Je suis là dans un nuage on ne peut plus sombre à fumer et jurer

Toi belle peau de pauvre chiffe et de vive la baise

Et de ça n’aime que soi œil joli gris

Œil gris qui louche ah va-t-en et vite

 


Traduction inédite de Maurice Régnault http://poezibao.typepad.com/files/sarah-kirsch-traductions-de-maurice-regnaut.pdf

08/06/2013

Le devant de la nuit, d'Armel Guerne

peinture

Emmanuelle Bollack/Sans titre/peinture à l'huile/60x60 cm/2011 http://www.emmanuellebollack.com

Emmanuelle expose du 6 juin au 6 juillet chez Aroa, à Neuilly (http://www.aroa.fr)

 


Il y a dans le ciel orageux de ce soir
Des blondeurs sous le gris et des tonalités
Si tendres, tendrement, si tendrement rosées
Qu'on pense à d'improbables cuivres transparents
D'une musique exquisement confidentielle.
Il y a dans le gris comme une mélodie
Ineffable du bleu, des teintes ardoisées
Qui tirent sur le vert ; - et le vent suspendu
Là-bas, à l'horizon, laisse le gris trop lourd
S'écraser sur le sol et le ronger de nuit.

 

Rhapsodie des fins dernières, Editions Phébus

http://www.armelguerne.eu/


02/06/2013

Ecole buissonnière, de Charles Cros

EglantineWilliam Jabez Muckley (1883)

 

Ma pensée est une églantine
Eclose trop tôt en avril,
Moqueuse au moucheron subtil
Ma pensée est une églantine ;
Si parfois tremble son pistil
Sa corolle s’ouvre mutine.
Ma pensée est une églantine
Eclose trop tôt en avril.

Ma pensée est comme un chardon
Piquant sous les fleurs violettes,
Un peu rude au doux abandon
Ma pensée est comme un chardon ;
Tu viens le visiter, bourdon ?
Ma fleur plaît à beaucoup de bêtes.
Ma pensée est comme un chardon
Piquant sous les fleurs violettes.

Ma pensée est une insensée
Qui s’égare dans les roseaux
Aux chants des eaux et des oiseaux,
Ma pensée est une insensée.
Les roseaux font de verts réseaux,
Lotus sans tige sur les eaux
Ma pensée est une insensée
Qui s’égare dans les roseaux.

Ma pensée est l’âcre poison
Qu’on boit à la dernière fête
Couleur, parfum et trahison,
Ma pensée est l’âcre poison,
Fleur frêle, pourprée et coquette
Qu’on trouve à l’arrière-saison
Ma pensée est l’âcre poison
Qu’on boit à la dernière fête.

Ma pensée est un perce-neige
Qui pousse et rit malgré le froid
Sans souci d’heure ni d’endroit
Ma pensée est un perce-neige.
Si son terrain est bien étroit
La feuille morte le protège,
Ma pensée est un perce-neige
Qui pousse et rit malgré le froid.


Le collier de griffes, Poésies Gallimard