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06/02/2016

Forêt blonde, de Rémy de Gourmont

 

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gerda steiner & jörg lenzlinger : the connection, paul klee centre bern, 2008

 

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Falling Garden by Gerda Steiner and Jörg Lenzlinger

 

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes herbes sont des cils trempés de larmes claires
Et mes liserons blancs s'ouvrent comme des paupières.
Voici les bourraches bleues dont les yeux doux fleurissent
Pareils à des étoiles, à des désirs, à des sourires,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes lierres sont les lourds cheveux et mes viournes
Contournent leurs ourlets, ainsi que des oreilles.
Ô muguets, blanches dents ! églantines, narines !
Ô gentianes roses, plus roses que les lèvres !
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes saules ont le profil des tombantes épaules,
Mes trembles sont des bras tremblants de convoitise,
Mes digitales sont les doigts frêles, et les oves
Des ongles sont moins fins que la fleur de mes mauves,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes sveltes peupliers ont des tailles flexibles,
Mes hêtres blancs et durs sont de fermes poitrines
Et mes larges platanes courbent comme des ventres
L'orgueilleux bouclier de leurs écorces fauves,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Boutons rouges, boutons sanglants des pâquerettes,
Vous êtes les fleurons purs et vierges des mamelles.
Anémones, nombrils ! Pommeroles, aréoles !
Mûres, grains de beauté ! Jacinthes, azur des veines !
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse,
Mes ormes ont la grâce des reins creux et des hanches,
Mes jeunes chênes, la forme et le charme des jambes,
Le pied nu de mes aunes se cambre dans les sources
Et j'ai des mousses blondes, des mystères, des ombres,
Je suis le corps tout plein d'amour d'une amoureuse.

31/05/2015

Mer matinale, de Constantin Cavafis

TERRE AIR #002.jpg

Tableau de Katia Chaix,Terre air, Toile #002, huile sur toile, format 30M, 91cm x 60 cm 

©Katia Chaix, à joindre et

 

 

Que je m'arrête aussi, pour une fois, 
contempler la nature. Mauves scintillants 
d'une mer matinale, bleu translucide du ciel, 
jaune du littoral - noyés de lumière. 

Que je m'arrête surtout avec l'illusion 
que je les vois vraiment (ils m'ont paru ainsi 
l'espace d'un instant) et point encore 
les mêmes phantasmes et souvenirs, 
mirages de volupté.

http://www.cavafis-pourquoi.eu/mer-matinale.html traduction de François Sommaripas

 

12/10/2014

Les vrilles de la vigne (extrait), de Colette

Colette, nature, jardin, mauve, noi

Tableau de Claire Basler

 

 

J'appartiens à un pays que j'ai quitté. Tu ne peux empêcher qu'à cette heure s'y épanouisse au soleil toute une chevelure embaumée de forêts. Rien ne peut empêcher qu'à cette heure l'herbe profonde y noie le pied des arbres, d'un vert délicieux et apaisant dont mon âme a soif...

Viens, toi qui l'ignores, viens que je te dise tout bas : le parfum des bois de mon pays égale la fraise et la rose ! Tu jurerais, quand les taillis de ronces y sont en fleurs qu'un fruit mûrit on ne sait où – là-bas, ici, tout près – un fruit insaisissable qu'on aspire en ouvrant les narines. Tu jurerais, quand l'automne pénètre et meurtrit les feuillages tombés, qu'une pomme trop mûre vient de choir, et tu la cherches et tu la flaires, ici, là-bas, tout près...

Et si tu passais, en juin, entre les prairies fauchées, à l'heure où la lune ruisselle sur les meules rondes qui sont les dunes de mon pays, tu sentirais, à leur parfum, s'ouvrir ton cœur. Tu fermerais les yeux, avec cette fierté grave dont tu voiles ta volupté, et tu laisserais tomber ta tête, avec un muet soupir...

Et si tu arrivais, un jour d'été, dans mon pays, au fond d'un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, si tu regardais bleuir, au lointain, une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu m'oublierais, et tu t'assoirais là, pour n'en plus bouger jusqu'au terme de ta vie.

 

Les vrilles de la vigne, Le livre de Poche

08/03/2014

Sido (Extrait), de Colette

 

Claire Basler. Fleurs rouges.jpg

Claire Basler à découvrir sur son site

 

O géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumée au long de la terrasse, c'est de votre reflet que ma joue d'enfant reçue un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la croix-de-Malte, des hortensias et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu'elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais... A contre-cœur, elle faisait parte avec l'Est : « Je m'arrange avec ..lui, » disait-elle . Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître, aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules.

Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junko-biloba - je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d'école, qui les séchaient entre les pages de l'atlas - tout le chaud jardin se nourrissait d'une lumière jaune, à tremblements rouges et violets mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet dépendaient, dépendent encore d'un sentimental bonheur ou d'un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits... 

 

Sido, suivi des vrilles de la vigne, Livre de poche

04/01/2012

Les Lettres d’Idumée (extrait), de Marie Etienne

 

 

C-aspar David -Friedrich-peinture.jpg



Je vis d’un monde vide, couleur de sable, on m’y attend, on m’y contente. J’y suis la proie et la traverse, la beauté rouge le mécompte, votre perte l’a fait, a fait de moi cette passante au soir couchée dans l’encre mauve, dans la fraîcheur dans les jardins le froid, dans la buée la lune, derrière l’église.

Au bord de mon voyage des silhouettes brunes ont l’immobilité de ces statues de terre qu’interdisent les lois. Ce sont des hommes morts qui ne le savent pas.

Je suis l’arbre parfait mais je n’ai plus de chant.

Plaignez-moi car je vous en prie. 

 

Le Livre des recels, Collection Poésie chez Flammarion

 

Le blog de Marie Etienne http://leblogdemarieetienne.wordpress.com/   

Tableau de Caspar David Friedrich, (1775 1842L'abbaye dans le bois, 1809/1810 

11/02/2011

Idéale maitresse, de Robert Desnos

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Je m'étais attardé ce matin-là à brosser les dents d'un joli animal que, patiemment, j'apprivoise. C'est un caméléon. Cette aimable bête fuma, comme à l'ordinaire, quelques cigarettes, puis je partis.

Dans l'escalier je la rencontrai. "Je mauve", me dit-elle, et tandis que moi-même je cristal à pleine ciel-je à son regard qui fleuve vers moi. Or il serrure et, maîtresse! Tu pitchpin qu'a joli vase je me chaise si les chemins tombeaux.

L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche.

Remontons! mais en vain, les souvenirs se sardine! à peine, à peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez! En voici le verdict: "La danseuse sera fusillée à l'aube avec ses bijoux immolés au feu de son corps. le sang des bijoux, soldats!"

Eh quoi, déjà je miroir. Maîtresse tu carré noir et si les nuages de tout à l'heure myosotis, ils moulins dans la toujours présente éternité.

 
Tableau de Keith Harring (1958-1990)

25/01/2011

Mer, d'Alain Bosquet

 

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La mer écrit un poisson bleu,

efface un poisson gris.

La mer écrit un croiseur qui prend feu,

efface un croiseur mal écrit.

Poète plus que les poètes,

musicienne plus que les musiciennes,

elle est mon interprète,

la mer ancienne,

la mer future,

porteuse de pétales,

porteuse de fourrure.

Elle s’installe

au fond de moi

La mer écrit un soleil vert,

efface un soleil mauve.

La mer écrit un soleil entrouvert

sur mille requins qui se sauvent.

 

Tableau d'Eugène Boudin