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13/07/2013

Toujours je me réveille, de Fernando Pessoa

 

PaulGauguin-Mahana_no_atua-Day_of_the_Gods.jpg

Paul Gauguin- Levée du jour


Toujours je me réveille avant le point du jour,
et j'écris lourd de ce sommeil que j'ai perdu.
Puis dans cette torpeur où le froid gagne l'âme,
je guette l'aurore, tant de fois déjà vue.
                  
Je la fixe sans attention, gris-vert
qui se bleuit du chant des coqs.
Quel mal à ne pas dormir ? Nous perdons
ce que la mort nous donne en avant-goût.
                  
Ô printemps apaisé, aurore,
enseigne à ma torpeur où le froid gagne l'âme,
ce qui en mon âme livide la colore
de ce qui va se passer dans le jour.


Note : Je suis à la recherche des références de ce texte, relevé une nuit sans sommeil...)

11/07/2013

La fatigue a des couleurs, de Jacques Ancet

Frederick Childe Hassam.jpg

Frederick Childe Hassam, Thunderstorm on the Oregon Trail,1908, watercolor on paper mounted on paperboard, Collection privée


La fatigue a des couleurs
comme les saisons. Elle a
ses douceurs et ses éclats,
ses silences. Mais surtout
ce qu’elle permet de voir :
d’une chose à son image,
imperceptible, une sorte
de distance sans distance.
L’incertitude du monde.
Comme un vacillement bref.

 

Entre corps et pensée, coédition Écrits des Forges / le Dé bleu (l’idée bleue), 2007 p 79

28/06/2013

Agate 1, de Roger Callois

 

Este MacLeod.jpg

Este Macleod 'fantasy garden' acrylic on canvas. http://www.estemacleod.com/

(…)

Plus rarement, des festons minéraux, des points de dentelle, des éclaboussures de pistils et des projections de pollen ; des explosions de chrysanthèmes, des pyrotechnies immobiles dans une nuit pétrifiée ; la transparence longtemps promise, longtemps différée, et qui surgit à l’improviste comme spectre ou météore ; des larmiers  et leurs pleurs, d’une résine fabuleuse ; l’astre blanc marqué comme au chanfrein de l’arzel ; des fenêtres luisantes couleur cyclamen ou églantine ; des tentures et des rideaux suspendus en pleine pierre à des crochets invisibles et dont les plis retombent avec solennité, à distance les uns des autres tels des cimes de montagnes impraticables, des draperies d’aurore boréale ; des fosses banales, profondes comme poches à bitume, où se sont déposés la lie et les déchets d’anciens fluides quintessenciés ; des rubans donnés à voir sur la mince épaisseur de leur tranche et dont la traîne somptueuse s’étale, ondule dans une opacité de miel ou d’ambre ardent ou de lessive azurée, comme ailes ou nageoires de chauves-souris marines, de raies.

 

 Roger Caillois, Agate I, in Pierres (Poésie/Gallimard)

Merci à Isabelle S.

02/06/2013

Ecole buissonnière, de Charles Cros

EglantineWilliam Jabez Muckley (1883)

 

Ma pensée est une églantine
Eclose trop tôt en avril,
Moqueuse au moucheron subtil
Ma pensée est une églantine ;
Si parfois tremble son pistil
Sa corolle s’ouvre mutine.
Ma pensée est une églantine
Eclose trop tôt en avril.

Ma pensée est comme un chardon
Piquant sous les fleurs violettes,
Un peu rude au doux abandon
Ma pensée est comme un chardon ;
Tu viens le visiter, bourdon ?
Ma fleur plaît à beaucoup de bêtes.
Ma pensée est comme un chardon
Piquant sous les fleurs violettes.

Ma pensée est une insensée
Qui s’égare dans les roseaux
Aux chants des eaux et des oiseaux,
Ma pensée est une insensée.
Les roseaux font de verts réseaux,
Lotus sans tige sur les eaux
Ma pensée est une insensée
Qui s’égare dans les roseaux.

Ma pensée est l’âcre poison
Qu’on boit à la dernière fête
Couleur, parfum et trahison,
Ma pensée est l’âcre poison,
Fleur frêle, pourprée et coquette
Qu’on trouve à l’arrière-saison
Ma pensée est l’âcre poison
Qu’on boit à la dernière fête.

Ma pensée est un perce-neige
Qui pousse et rit malgré le froid
Sans souci d’heure ni d’endroit
Ma pensée est un perce-neige.
Si son terrain est bien étroit
La feuille morte le protège,
Ma pensée est un perce-neige
Qui pousse et rit malgré le froid.


Le collier de griffes, Poésies Gallimard

19/05/2013

Cousant une robe, de Lorine Niedecker

Emil Nolde, fleurs 2.jpg

Emil Nolde, Pensées, uile sur toile (73x89 cm)

 

Le besoin 

en ces jours plus courts

 

de bouger devant toi

drapée de douceur

ivre de couleur

 

au vent favorable

 

Louange du lieu et autres poèmes, traduit par Abigail Lang, Maitreyi & Nicolas Pesquès, p 146, Editions Corti

 

23/03/2013

Le poème sait bien que le malheur du monde est grand, de James Sacré

Marc Léonard, La plage sous l'orage.jpg

              Marc Léonard. La plage sous l'orage. A retrouver sur ses sites,  et 

 

On finit toujours par aimer le bruit des mots

Ce qui tremble et qui chante en leur malheur

    qu'on oublie

Treblinka Chatilla, l'amour et le vin doux, scandale!

Et le plaisir qu'un film prend à des endroits d'une Pologne

    ou d'ailleurs

Le noir du temps qui se transforme en couleur tendre

Débris campagne qui s'est installée traveling

Pour aller où?

Le malheur du monde est sans âge

Sabra Cambodge la frange au loin du Chili Saquiet

Hiroshima Bézier sacs de Rome et de Bizance on s'habitue,

  les mots

Sans rien d'assez vrai poème qui les musique en mensonges

Pour que le bonheur soit encore possible

Pour caresser le peu qui reste;

Ecrire est un geste de vivant

Qui pense au mot bonheur dans le bruit de la mort.

 

Une fin d'après-midi à Marrakech, Le poème sait bien que le malheur du monde est grand, p156, Editions Ryôan-ji


16/03/2013

Chronique d'un égarement, de Jacques Ancet


La beauté recommence. À chaque fois, c’est comme si elle m’ôtait les mots de la bouche. Le ciel fume sur la montagne, l’eau scintille hors de son nom. Dans la bouteille de celle qui boit brille un infime soleil. Petite nature, dit la voix. Tais-toi, répond l’autre. Le vent ressemble à un visage.

   Qu’est-ce que tu cherches ?

   Ce que je trouve.

Les corps multiplient l’instant. Jeux d’ombre et de lumière. Puis le soir vient dans les couleurs. Je suis perdu. Serait-ce la beauté ?



Jacques Ancet, Chronique d’un égarement, Lettres vives.

Photo de Daniel Weisser, http://danielweisser.com/


06/10/2012

Poésie I, de Georges Schéhadé

 


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Chaque été il y aura donc pour moi

Une nouvelle mélancolie

Et je vous aime comme ce que je vous dis

Pour un cheval blanc comme l'hiver

Les brises se dépouillent des rosées

Et les oiseaux meurent des blessures de la mer

Couronnez l'amour qui tient un arc

Une hirondelle a longé le soir

Elle est sans couleur sans force

Cette saison ne passera pas sans un nouvel astre

Son azur est chaud de toutes les nuits

 

Poésie Gallimard. Extrait de "Les Poésies"

Aquarelle d'Emil Nolde


29/09/2012

La couleur de l'ombre, de Catherine Delhom



Sur les pétales d’un lys blanc, effleurer d’un bleu d’outremer très dilué
Nuancer de sépia dans les creux près du cœur, juste un peu
Laisser le papier vierge, rien que du clair
Les profondeurs d’une rose rouge aimeront mieux un zeste de vert émeraude
Du bleu de prusse parfois, mais rien de plus
Le coquelicot est plus délicat, il vaut mieux rester dans des tons chauds
Du carmin ou du rose thyrien sur du vermillon…
Les feuilles vertes sont une terreur, parfois diluer du bleu, ou un soupçon de rose
Une pomme tombée fera sur le papier un halo doux de ceruleum et ombre brûlée
Un arbre un jour de soleil tâche l’herbe d’un ton lavande
Comme celui des montagnes un soir d’été

Elle est là pour la lumière qu’on ne verrait pas sans elle
Jamais de brun, de gris, de noir trop tristes

Elle est froide, chaude, sombre, légère

L’ombre n’existe pas, elle est une illusion


Aquarelle et texte de Catherine Delhom . Tous droits réservés. http://catherinedelhom.over-blog.com/

05/02/2012

La chevelure, de Baudelaire


O toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans les profondeurs, forêt aromatique!
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève!
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse!
Infinis bercements du loisir embaumé!

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde!
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir?

 

Les Fleurs du mal


© Pierre Gaudu.Dessin plume et encre, 65cm x 25 cm

http://www.flickr.com/photos/pierregaudu/6816344359/sizes...

http://www.artnova-connect.com/les-artistes/85-pierre-gau...