08/07/2011
Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, de James Sacré
Le sexe rose et roux veille dans les jambes longues
C'est cela la lumière du visage; la hanche dessine autour
le voulume doux, le renflement du ventre
Le coeur du violencelle est noir! Oh! mes broussailles,
mes vipères! et l'argile!
Extraits de La femme et le violoncelle
Passage d'une pluie sur le sexe vert irrigué
des jardins; l'air est tout gonflé comme
une poitrine d'oiseau
Extrait de la Transparence du prénom elle
Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, James Sacré, poèmes, vignette de Yvon Vey, coll. Marine, 14x21.5, 60 p., 2006
Tableau de Pierre Bonnard . La sieste 1899
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02/06/2011
L'escale portugaise, de Jules Supervielle
L'escale fait sécher ses blancheurs aux terrasses
où le vent s'évertue
Les maisons roses eu soleil qui les enlace
Sentent l'algue et la rue.
Les femmes de la mer, des paniers de poissons
Irisés sur la tête,
Exposent au soleil bruyant de la saison
La sous-marine fête.
Le feuillage strident a débordé le vert
Sous la crue de la lumière
Les roses printanières
Ont fait irruption par les grilles de fer.
Le plaisir matinal des boutiques ouvertes
Au maritime été
Et des fenêtres vertes
Qui se livrent au ciel, les volets écartés.
S'écoule vers la Place où stagnent les passants
Jusqu'à ce que soit ronde
L'ombre des orangers qui simule un cadran
Où le doux midi grogne.
Extrait de Gravitations
Tableau de Nicolas de Stael
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02/03/2011
Choeur d'enfants, de Jean Tardieu
Tout ça qui a commencé
il faut bien que ça finisse
la maison zon sous l'orage
le bateau dans le naufrage
le voyageur chez les sauvages.
Ce qui s'est manifesté
il faut que ça disparaisse
feuilles vertes de l'été
espoir jeunesse et beauté
anciennes vérités.
MORALITÉ
Si vous ne voulez rien finir
évitez de rien commencer.
Si vous ne voulez pas mourir,
quelques mois avant de naître
faites-vous décommander.
Recueil "Monsieur, Monsieur" Gallimard 1951
Tableau de Janda Dzenek
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06/11/2010
Justine, de Lawrence Durell
« Je repense à cette époque où le monde connu existait à peine pour nous quatre ; les jours n’étaient que des espaces entre des rêves, des espaces entre les paliers mouvants du temps, des occupations, des bavardages… Un flux et reflux d’affaires insignifiantes, qui ne nous conduisait nulle part, ne nous apportait rien, une existence qui n’attendait rien d’autre de nous que l’impossible : être nous-mêmes. Justine disait que nous étions pris dans la projection d’une volonté trop puissante et trop délibérée pour être humaine, le champ d’attraction qu’Alexandrie dirigeait sur ceux qu’elle avait élus pour être ses vivants symboles…
Six heures. Le piétinement des silhouettes blanches aux abords de la gare. Les magasins qui se remplissent et se vident comme des poumons dans la rue des Sœurs. Les pâles rayons du soleil d’après-midi qui s’allongent et éclaboussent les longues courbes de l’esplanade, et les pigeons ivres de lumière, qui se pressent sur les minarets pour baigner leurs ailes aux derniers éclats du couchant. Tintement des pièces d’argent sur les comptoirs des changeurs. Les barreaux de fer aux fenêtres de la banque, encore trop brûlants pour qu’on puisse y poser la main. Roulement des attelages emmenant les fonctionnaires coiffés de leur pot de fleurs rouge vers les cafés de la Corniche. C’est l’heure la plus pénible à supporter, et, de mon balcon, je l’aperçois qui s’en va vers la ville, d’une démarche nonchalante, en sandales blanches, encore mal éveillée. La ville sort lentement de sa coquille, comme une vieille tortue et risque un coup d’œil au-dehors. Pour un moment elle abandonne les vieux lambeaux de sa chair, tandis que d’une ruelle cachée près de l’abattoir, dominant les beuglements et les bêlements, montent les bribes nasillardes d’une chanson d’amour syrienne. Quarts de ton suraigus, tel un sinus réduit en poudre dans un moulin à poivre.
Lawrence Durrell, Justine, Buchet-Chastel, Paris, 1959; Le Livre de Poche, 1963, pp. 25 à 27.
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11/10/2010
Si tu savais, de Robert Desnos
Loin de moi et semblable aux étoiles et à tous les accessoires de la mythologie poétique,
Loin de moi et cependant présente à ton insu,
Loin de moi et plus silencieuse encore parce que je t'imagine sans cesse,
Loin de moi, mon joli mirage et mon rêve éternel, tu ne peux pas savoir.
Si tu savais.
Loin de moi et peut-être davantage encore de m'ignorer et m'ignorer encore.
Loin de moi parce que tu ne m'aimes pas sans doute ou, ce qui revient au même, que j'en doute.
Loin de moi parce que tu ignores sciemment mes désirs passionnés
Loin de moi parce que tu es cruelle.
Si tu savais.
Loin de moi, ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir dans les champignonnières.
Loin de moi silencieuse encore ainsi qu'en ma présence et joyeuse encore comme l'heure en forme de cigogne qui tombe de haut.
Loin de moi à l'instant où chantent les alambics, l'instant où la mer silencieuse et bruyante se replie sur les oreillers blancs.
Si tu savais.
Loin de moi, ô mon présent tourment, loin de moi au bruit magnifique des coquilles d'huîtres qui se brisent sous le pas du noctambule, au petit jour, quand il passe devant la porte des restaurants.
Si tu savais.
Loin de moi, volontaire et matériel mirage.
Loin de moi, c'est une île qui se détourne au passage des navires.
Loin de moi un calme troupeau de boeufs se trompe de chemin, s'arrête obstinément au bord d'un profond précipice, loin de moi, ô cruelle.
Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète. Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l'étoile enclose dans le verre, il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi, tu es loin de moi.
Si tu savais.
Loin de moi une maison achève d'être construite.
Un maçon en blouse blanche au sommet de l'échafaudage chante une petite chanson très triste et, soudain, dans le récipient empli de mortier apparaît le futur de la maison : les baisers des amants et les suicides à deux et la nudité dans les chambres des belles inconnues et leurs rêves- à minuit, et les secrets voluptueux surpris par les lames de parquet.
Loin de moi,
Si tu savais.
Si tu savais comme je t'aime et, bien que tu ne m'aimes pas, comme je suis joyeux, comme je suis robuste et fier de sortir avec ton image en tête, de sortir de l'univers.
Comme je suis joyeux à en mourir.
Si tu savais comme le monde m'est soumis.
Et toi, belle insoumise aussi, comme tu es ma prisonnière.
Ô toi, loin de moi, à qui je suis soumis.
Si tu savais.
Extrait de Corps et biens
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10/10/2010
Vert, 2 d'Antoine Emaz
la lumière tourne
lente
c’est un jardin l’hiver
en fin d’après-midi
la maison calme
il faudrait que les mots ne fassent pas plus de bruit que les choses qu’on les entende à peine dire la table l’herbe le verre de vin comme une vaguelette une ride de son sur la vie silencieuse quasi rien
le frigo vibre
entre vert et jaune
la glycine hésite
pour son restant de feuilles
tout se tient
et tremble
Extrait de Peau, Edition Tarabuste
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08/10/2010
Aube d'octobre, de Philippe Jaccottet
Il fait un peu plus froid.
Le rouge-queue chante dans l'aube qui se dissipe.
C'est comme si chantait un charbon.
En plein midi, soudain, deux martinets très haut dans le ciel à côté d'un nuage en forme de tour blanche, légère — comme je ne sais quelle apparition foudroyante, énigmatique, ou quelle mesure de la hauteur de l'air, quelle révélation de l'espace aérien, quelle flèche de fer dans le cœur. Une joie bizarre, d'à peine une seconde — et en me relisant, je me rappelle le gerfaut des Solitudes, « scandale bizarre de l'air » —, une lettre tracée sur le bleu puis effacée, un trait — ou le crochet d'un hameçon ? Sait-on qui a pu vous ferrer ainsi ?
La fauvette dans le tilleul : chant extraordinairement, mystérieusement clair, comme s'il traversait, transperçait une enveloppe, franchissait une limite.
Fauvette
dernier oiseau parleur en plein été
de quoi me parles-tu ainsi de loin en loin
dans le feuillage du tilleul ?
De quoi peut donc parler voix si limpide ?
Philippe Jaccottet, Autres journées, Fata Morgana, 1987,
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