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29/10/2015

Lettre en Novembre, de Sylvia Plath

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La balle orange, Silvia Bar-am

 

Mon amour, le monde

Tourne, le monde se colore. Le réverbère

Déchire sa lumière à travers les cosses

Du cytise ébouriffé à neuf heures du matin.

C’est l’Arctique,

 

Ce petit cercle noir,

Ses herbes fauves et soyeuses — des cheveux de

bébé.

L’air devient vert, un vert

Très doux et délicieux.

Sa tendresse me réconforte comme un bon édre-

don.

 

Je suis ivre, bien au chaud.

Je suis peut-être énorme,

Si bêtement heureuse

Dans mes bottes en caoutchouc,

A patauger dans ce rouge si beau, à l’écraser.

 

Je suis ici chez moi

Deux fois par jour

J’arpente ma terre, je flaire

Le houx barbare,

Son fer viride et pur,

 

Et le mur des vieux cadavres

Je les aime.

Je les aime comme l’histoire.

Puis les pommes d’or,

Imagine —

 

Imagine mes soixante-dix arbres

Dans une épaisse et funèbre soupe grise

Occupés à retenir leurs balles d’or éclatant,

Leur million

De feuilles métalliques haletantes.

 

Ô amour, ô célibat.

Je suis seule avec moi,

Trempée jusqu’à la taille.

L’or irremplaçable

Saigne et s’assombrit, gorge des Thermopyles.

 

Ariel, p 62 et 63, présentation et traduction de Valérie Rouzeau, Collection Poésie, Editions Gallimard

23/01/2013

Répétition, de Valérie Rouzeau

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 Tableau de Marc Leonard - Séance n°286 - Bienvenue - Acrylique - 146x114 cm.  Lien sur son site

 

On ne connaît pas le cœur des gens

Il est tant mal visible que parfois

On cogne dedans

Quelle misère de prendre le train

Quand au bout i n'y a personne rien

On ne sait pas l'avais des anges

Non plus que des moulins à eau

On se sert un grand verre de vent

De source de pluie des yeux

On ignore comment vivre comme eux

On se sert un grand verre de vin

Dans une maison avec enfants avenir chien

Le quai fait des bruits de chaussures

Le quai fait des bruits de valises à roulettes et des

      bruits d'avant

Le quai est vide vide vide on bute dans l'air

Pardon messieurs dames j'ai cru à un nuage

Vous êtes innombrables qui ne m'êtes personne

Je suis innombrable et comme vous presque rien

Prenons donc un pot amical au lieu d'un pot au noir

       d'un mauvais coup

On ne connaît pas d'autre cœur dans le noir que le

        nôtre et encore

Ni dans le jour non plus alors à la bonne vôtre

Et nous débarquerons sous le soleil battant.

 


Valérie Rouzeau, Quand je me deux, Le temps qu'il fait,2009, p. 45-46.

Merci à Marc Léonard pour sa confiance.

Merci à Tristan Hordé et à son blog litteraturedepartout.hautetfort.com

04/03/2012

Coquelicots en juillet , de Sylvie Plath


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Petits coquelicots, petites flammes d’enfer, 
Vous ne faites pas mal ? 
 
Vous tremblez. Je ne sais pas vous toucher. 
Je mets les mains dans les flammes. Rien ne brûle. 
 
Et cela m’épuise de vous regarder 
Trembler comme ça, rouge vif et froissés comme une bouche. 
 
Une bouche que l’on vient d’ensanglanter. 
Oh petites jupes sanglantes ! 
 
Il y a des vapeurs que je ne peux toucher. 
Où est votre opium, où sont vos capsules écœurantes ?  
 
Si je pouvais saigner, ou dormir ! — 
Si ma bouche pouvait épouser une blessure pareille ! 
 
Ou vos sucs distiller pour moi, dans cette capsule de verre 
Une stupeur, un apaisement 
 
Mais pas de couleur. Pas de couleur 
 

 Ariel, présentation et traduction de Valérie Rouzeau, collection Poésie / Gallimard, n° 467, 2011

Poème à retrouver également sur le site http://poezibao.typepad.com/poezibao/

 Estampe d'Hokusai