25/05/2012
Mobile de camions couleurs (extrait), de James Sacré
Blanc à bas orange, caisse blanche - rouge à
longue ligne rouge dans le bas de la caisse. Le mot
"Central", à l'avant en haut - bleu et blanc à charge-
gement à claire-voie, grande masse grise -
"National Carries" en bleu sur la caisse blanche
j'oublie quelle couleur emporte le tout - noir et
caisse blanche la cabine motrice en escalier ramassé
collé à la caisse -
Toute une gamme de couleurs fortes som-
bres : dans les bleus, verts, violets, des rouges, des
marrons riches, les noirs ;
Toute une gamme de couleurs claires, bleu
beige, jaune et tant de blanc, ocre, violet clair;
D'autres : bistre, ocre beige, gris métalliques
gris- blanc
Un bleu-vert avec caisse orange
Petit nez bleu pétrole suivi d'une volumi-
neuse élévation de tôle même couleur et la caisse
blanche
Extrait de : Mobile de camions couleurs, p 49 , photographies de Michel Butor, éditons Virgile, 2010.
Eric Tabuchi, Alphabet Truck., Paris, 2008, 26 cartes sous étui, 15,5 x 19,2 cm.
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03/02/2011
Extraits de Poésies, 1946-1967, de Philippe Jaccottet
Toute fleur n’est que de la nuit
qui feint de s’être rapprochée
Mais là d’où son parfum s’élève
je ne puis espérer entrer
c’est pourquoi tant il me trouble
et me fait si longtemps veiller
devant cette porte fermée
Toute couleur, toute vie
naît d’où le regard s’arrête
Ce monde n’est que la crête
d’un invisible incendie.
Philippe Jaccottet, Poésies, 1946-1967, préface de Jean Starobinski, Poésie / Gallimard, n° 71, 1971, réimpression de 2001, p. 108
Tableau de Dominique Hordé
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26/01/2011
Une vie ordinaire (extrait), de Georges Perros
Si j’écris au plus près des mots
leur laissant toute latitude
de me trahir (c’est ce qu’ils font
dès qu’on leur ouvre un peu la porte)
c’est évidemment volontaire
Je pourrais sans doute de biais
t’interrompre banal discours
et prêter à penser aux jours
qui donneraient sens aux ténèbres
Je n’en suis pas là quoique aimant
ceux dont le langage inspiré
demandait pour mieux respirer
d’être ainsi traité Espérons
que cela me sera possible
c’est si beau une page blanche
Et tous ces mots prêts à sortir
du dictionnaire on n’a qu’à prendre
Vrai tous les mots de Moby Dick
ou de la Bible pourquoi pas
sont à portée de toute tête
et l’aphorisme de Pascal
Tout est là Malheureusement
chacun d’entre nous n’a pouvoir
que de parler son seul langage
A quoi bon vouloir être un autre
qui nous fascina par ses mots
il en a souffert la richesse
assumons notre pauvreté
Beaucoup d’écrivains d'aujourd’hui
sont gosses de riches ainsi
Ils choisissent dans la vitrine
le dernier cri sans pour autant
perdre leur bonne mine Allant
de fleur en fleur très littéraires
butinant au gré de leur goût
très sûr au reste mais vicieux.
Georges Perros, Une vie ordinaire, Poésie / Gallimard, 1988, p.90
Tableau de Jonathan Wolstenholme
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22/01/2011
Nouvelles notes pour la semaison, de Philippe Jaccottet
Maintenant la terre s’est dévoilée
et la lumière du soleil en tournant comme un phare
fait les arbres tantôt roses tantôts noirs.
Puis elle écrit sur l’herbe avec une encre légère.
Un soir, le ciel resta plus longtemps clair
sur les grands jardins verts et noirs
couleur des pluies de la veille.
Les globes luirent trop tôt.
Alors dans le nid des branches
apparut le chant du merle
et ce fut comme si l'huile de la lumière
brûlait doucement dans cette faible lampe noire,
ou la voix même de la lune
venue prédire la nuit de mars aux passagers...
Philippe Jaccottet ("L'ignorant", Gallimard, 1957 - réédité en Poésie/Gallimard, 1971 sous le titre "Poésie, 1946-1967")
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18/01/2011
Inspiration(I), d'Octavio Paz
Ombres du jour blanc
Contre mes yeux. Je ne vois
Rien hormis le blanc.
L'heure blanche.L'âme
Affranchie du désir et de l'heure.
Blancheur des eaux mortes,
L'oeil ouvert, heure aveugle
Frotte ton silex, mémoire, flambe
Contre l'heure et son ressac,
Mémoire, flamme nageant.
Extrait d'Inspiration, recueil "Versant Est" Poésie Gallimard p 38
Tableau de Jean Fautrier
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15/01/2011
Matin, de Charles Cros
Voici le matin bleu. Ma rose et blonde amie
Lasse d'amour, sous mes baisers, s'est endormie.
Voici le matin bleu qui vient sur l'oreiller
Éteindre les lueurs oranges du foyer.
L'insoucieuse dort. La fatigue a fait taire
Le babil de cristal, les soupirs de panthère.
Les voraces baisers et les rires perlés.
Et l'or capricieux des cheveux déroulés
Fait un cadre ondoyant à la tête qui penche.
Nue et fière de ses contours, la gorge blanche
Où, sur les deux sommets, fleurit le sang vermeil,
Se soulève et s'abaisse au rythme du sommeil.
La robe, nid de soie, à terre est affaissée.
Hier, sous des blancheurs de batiste froissée
La forme en a jailli libre, papillon blanc.
Qui sort de son cocon, l'aile collée au flanc.
A côté, sur leurs hauts talons, sont les bottines
Qui font aux petits pieds ces allures mutines,
Et les bas, faits de fils de la vierge croisés,
Qui prennent sur la peau des chatoiements rosés.
Epars dans tous les coins de la chambre muette
Je revois les débris de la fière toilette
Qu'elle portait, quand elle est arrivée hier
Tout imprégnée encor des senteurs de l'hiver.
Charles CROS (1842-1888) (Recueil : Le coffret de santal)
Tableau de Pierre Bonnard
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02/01/2011
Sous la déferlante des voeux, de Dominique Sorrente
Sous la déferlante des vœux,
je vous souhaite
la liesse de la bulle,
la grandeur d’âme de la goutte d’eau,
les honneurs rendus à la flamme
pour l’ensemble de son œuvre,
le beau geste et l’instant décisif
d’une page de vent à l’écriture sympathique,
je vous souhaite aussi
des histoires fabuleuses de limaces
qui laisseront des traces après l’oubli,
un oiseau de toutes couleurs à ne plus avoir peur du noir,
des adieux
en forme d’antichambres de vie,
je vous souhaite de rencontrer
le souffle épique du papillon, la bonhomie cajolante du gouffre,
je vous souhaite des rires d’enfants si purs
que les ennemis ne pourront les atteindre,
une mélodie de pierres à feu
à offrir au chant fatigué de la terre,
je vous souhaite d’heureux midis
à loger la part nécessaire de l’ombre,
je vous souhaite des tournesols cherchant leur astre, toute la nuit,
et encore des danses qui virevoltent sous terre
à la bonne fortune du pot,
et des pensées d’amour qui auront si bon dos
qu’il leur poussera des ailes,
je vous souhaite de tendre l’arc en ciel
en plein milieu de la saison des pluies,
mais par dessus tout, je vous souhaite
de faire de votre rêve
le vrai héros irréprochable
qui vous tiendra compagnie, jours fériés
et même jours ouvrables.
Texte à retrouver sur le site qu'anime Dominique Sorrente http://www.scriptorium-marseille.fr/
Tableau de Wassily Kandinsky
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04/10/2010
La complainte du petit cheval blanc, de Paul Fort
Le petit cheval dans le mauvais temps,
qu'il avait donc du courage !
C'était un petit cheval blanc,
tous derrière et lui devant.
Il n'y avait jamais de beau temps
dans ce pauvre paysage.
Il n'y avait jamais de printemps,
ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content,
menant les gars du village,
à travers la pluie noire des champs,
tous derrière et lui devant.
Sa voiture allait poursuivant
sa belle petite queue sauvage.
C'est alors qu'il était content,
eux derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps,
un jour qu'il était si sage,
il est mort par un éclair blanc,
tous derrière et lui devant.
Il est mort sans voir le beau temps,
qu'il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps
ni derrière ni devant.
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