16/12/2012
Matin, de Charles Cros
Voici le matin bleu. Ma rose et blonde amie
Lasse d'amour, sous mes baisers, s'est endormie.
Voici le matin bleu qui vient sur l'oreiller
Éteindre les lueurs oranges du foyer.
L'insoucieuse dort. La fatigue a fait taire
Le babil de cristal, les soupirs de panthère.
Les voraces baisers et les rires perlés.
Et l'or capricieux des cheveux déroulés
Fait un cadre ondoyant à la tête qui penche.
Nue et fière de ses contours, la gorge blanche
Où, sur les deux sommets, fleurit le sang vermeil,
Se soulève et s'abaisse au rhythme du sommeil.
La robe, nid de soie, à terre est affaissée.
Hier, sous des blancheurs de batiste froissée
La forme en a jailli libre, papillon blanc.
Qui sort de son cocon, l'aile collée au flanc.
A côté, sur leurs hauts talons, sont les bottines
Qui font aux petits pieds ces allures mutines,
Et les bas, faits de fils de la vierge croisés,
Qui prennent sur la peau des chatoiements rosés.
Epars dans tous les coins de la chambre muette
Je revois les débris de la fière toilette
Qu'elle portait, quand elle est arrivée hier
Tout imprégnée encor des senteurs de l'hiver.
Recueil le Coffret de Santal
Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901) : « Femme nue allongée » ,Huile sur carton, signée en bas à gauche. Dim. 22 x 30 cm. Provenance : Collection particulière
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09/12/2012
Le tramway, de Claude Simon
Personne ne ramassait les olives tombées de l’arbre et dont les pulpes écrasées parsemaient de taches noires les trois marches de brique par lesquelles, tournant brusquement à droite, se terminait la première rampe du sentier bordé de ces buissons d’un bleu pâle, personne non plus, sauf les enfants, ne faisait attention aux figues trop mûres, à la peau ratatinée et ridée, presque noire, à la chair éclatée, pourpre, granuleuse et sucrée, éparpillées quelques mètres plus loin parmi les touffes d’herbe encore vertes du pré roussi par l’été et qu’il fallait dans l’odorant et lourd parfum des feuilles disputer aux fourmis. Au bout de l’allée bordée de mûriers, le tramway s’arrêtait au pied du grand pin parasol dont le tronc penché par le vent, presque couché à sa base, était recouvert non pas exactement d’écorce mais d’épaisses écailles encastrées l’une dans l’autre en losanges, d’un gris soyeux, légèrement teinté de rose en leur centre et bordées d’un rugueux bourrelet brun. Entre deux d’entre elles sourdait en permanence une coulée de résine qui formait d’abord une grosse bulle, à peu près de la taille d’une groseille, d’un jaune d’or étincelant au soleil et dont la base se couvrait d’une sorte de taie avant de finir par s’écouler en une longue traînée de larmes grises, peu à peu blanchâtre, comme une fiente d’oiseau.
Claude Simon, Le tramway, les éditions de Minuit, 2001, p. 139-140
Photographie non libres de droit : © Coline Termash http://colinetermash.canalblog.com/ que je remercie.
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15/09/2012
La vie fragile, de Pierre Reverdy
Le 2 septembre 2012, à I.&H ses amis @pierre gaudu
Plus loin entre la plante grasse et le ride
Dresser l'échelle
Les formes qui remuent dans le fond du jardin
d'autres noires
Selon le mouvement brutal du réflecteur
Les maillots des arbres sont roses
Mais au premier plan une main tient la clef du cœur
Un couple ailé marche dans des couleurs qui changent
Celui qui vole bas c'est l'homme
Celui qui va à pied c'est l'ange
Les yeux luttent dans la lumière
La lampe fraîche du matin
Un fil cassé descend derrière
La tête nue s'incline et barre le chemin
Tout le reste est recouvert de feuilles mortes
Quant au ciel il s'ouvre par le fond et de côté mais en triangle
Pierre Reverdy, La Guitare endormie. [1919], dans Œuvres complètes I, édition préparée, présentée et annotée par Étienne-Alain Hubert, "Mille&unepages", Flammarion, 2010, p. 262.
Photo @pierre gaudu . Cette photo est propriété de son auteur et toute reproduction est interdite sans le consentement explicite de l'auteur.
http://www.artnova-connect.com/
http://pierre-gaudu.over-blog.com/
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08/09/2012
Coin de tableau, de Charles Cros
Tiède et blanc était le sein.
Toute blanche était la chatte.
Le sein soulevait la chatte.
La chatte griffait le sein.
Les oreilles de la chatte
Faisaient ombre sur le sein.
Rose était le bout du sein,
Comme le nez de la chatte.
Un signe noir sur le sein
Intrigua longtemps la chatte ;
Puis, vers d’autres jeux, la chatte
Courut, laissant nu le sein.
Le coffret de santal, Gallimard Poésie
Félix Vallotton. La paresse. Xylogravure, 1897.
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25/05/2012
Avril, de Gérard de Nerval
Déjà les beaux jours, - la poussière,
Un ciel d'azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ;
- Et rien de vert : - à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !
Ce beau temps me pèse et m'ennuie.
- Ce n'est qu'après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l'eau.
Extrait du recueil "Odelettes"
Tableau d'Emmanuelle Bollack à retrouver sur son site http://bollack.carbonmade.com/about
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05/04/2012
Inspirations couleurs: rouge, rose, vert, jaune...
Félix Vallotton, Sur la plage, 1899.
Paul Gauguin, 1891 Femmes de Tahiti, Sur la plage, Oil on canvas, 69 x 91 cm Musee d'Orsay
Edgar Degas (1834-1917)
Hôtel Bellechasse, aménagé par Christian Lacroix, 2007
En matière de décoration, tout est question de proportion, de rythmes, de nature même de chacune des couleurs. Et cette proportion, ce rythme vont être guidés par l'histoire que je vais raconter avec et pour mon client. A partir de mêmes couleurs, le ressenti va être très différent.
Cette histoire a de multiples sources d'inspiration. La peinture à travers les siècles en fait partie.
Dernièrement, une de mes clientes me demandait si elle pouvait associer du rose, du rouge et du jaune....Cela lui paraissait violent et ne correspondant pas à l'idée qu'elle se faisait d'un décor équilibré et harmonieux.
Je l'ai rassuré imédiatement, et lui ai montré le travail de Christian Lacroix, qui a joué sur l'acidité de chacune de ces couleurs. C'est un parti pris , mais qu'autres ont apporté plus de douceur et de légérété.
Le vert, et plus plus particulièrement un vert jaune est un excellent lien entre ses couleurs gourmandes. Pour exemple, FélixVallotton, Paul Gauguin, Edgar Degas ont nourri cette palette de couleurs, chacun avec leur style et leur personnalité.
19:24 Publié dans Art et poésie en couleurs, Conseil en couleurs, Jaune, Peintres et couleurs, Rose, Rouge, Vert, Vivre la couleur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : félix vallotton, edgar degas, paul gauguin, christain lacroix, rose, rouge, vert, jaune | Facebook | Imprimer | | |
09/10/2011
La réponse, de Carl August Sandburg
Tu as donné la réponse.
Un enfant cherche loin parfois
Dans la poussière rouge
Sur une feuille rose foncée
Et donc tu es parti loin
Car la réponse est:
Le silence.
Dans la république
Des étoiles clignotantes et des cataclysmes taris
Sûr que nous y sommes la réponse est là-bas
cachée et repliée,
Endormie sous le soleil, se fichant pas mal que
l’on soit dimanche ou un autre jour
de la semaine,
Sachant que le silence apportera tout d’une façon
ou d’une autre. .
N’avons-nous pas vu
Le pourpre de la pensée
sortir du paillis
et de l’humus
ramper
sous un crépuscule
de velours ?
tache de jaune?
Nous pensions presque qu’elle venait de nulle part c’était
le silence,
le futur,
à l’oeuvre.
Chicago Poems Le Temps des cerises publient, traduction et présentation de Thierry Gillyboeuf (édition bilingue), Le Temps des cerises, 2001
Tableau de Franz Kline (1910-1962) ,
22:38 Publié dans Art et poésie en couleurs, Jaune, Poésie et couleurs, Rose, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la réponse, carl august sandburg, franz kline, rose, jaune, rouge | Facebook | Imprimer | | |
15/05/2011
Orient, de Nizar Kabbani
Brisées les jarres
Les jarres de couleurs
Notre rendez-vous
Est dans les nuages
Sous les fenêtres de l'Orient.
Notre voyage
Dans les ports de turquoise
Et sur les stores bleus
De l'Occident.
Avec les parfums
Notre couche voyage
Rose
Changeante aux horizons.
Nourrissons-nous
Aux surplis de la rose
A tout ce que la nuit recèle
De rythmes et d'amour.
Extrait du Poème Orient, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, éditions du seuil, p150
Tableau de Matisse (L'escargot, 1952)
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14/04/2011
Dialogue entre le rouge et le vert (Opus 1)
06:09 Publié dans Conseil en couleurs, Rouge, Vert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rouge, rose, vert, conseil en couleurs, palettes, nuanciers, couleurs, décoration | Facebook | Imprimer | | |
03/04/2011
L'étoile a pleuré rose, d'Arthur Rimbaud (1871)
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.
Tableau de Paul Bouchard
22:04 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arthur rimbaud, l'étoile a pleuré rose, rose, blanc, rousse, noir | Facebook | Imprimer | | |
22/01/2011
Nouvelles notes pour la semaison, de Philippe Jaccottet
Maintenant la terre s’est dévoilée
et la lumière du soleil en tournant comme un phare
fait les arbres tantôt roses tantôts noirs.
Puis elle écrit sur l’herbe avec une encre légère.
Un soir, le ciel resta plus longtemps clair
sur les grands jardins verts et noirs
couleur des pluies de la veille.
Les globes luirent trop tôt.
Alors dans le nid des branches
apparut le chant du merle
et ce fut comme si l'huile de la lumière
brûlait doucement dans cette faible lampe noire,
ou la voix même de la lune
venue prédire la nuit de mars aux passagers...
Philippe Jaccottet ("L'ignorant", Gallimard, 1957 - réédité en Poésie/Gallimard, 1971 sous le titre "Poésie, 1946-1967")
05:22 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, poésie et couleurs, vert, noir, rose, nouvelles notes pour la semaison, philippe jaccottet, rose, noir | Facebook | Imprimer | | |
Nouvelles notes pour la semaison, de Philippe Jaccottet
Maintenant la terre s’est dévoilée
et la lumière du soleil en tournant comme un phare
fait les arbres tantôt roses tantôts noirs.
Puis elle écrit sur l’herbe avec une encre légère.
Un soir, le ciel resta plus longtemps clair
sur les grands jardins verts et noirs
couleur des pluies de la veille.
Les globes luirent trop tôt.
Alors dans le nid des branches
apparut le chant du merle
et ce fut comme si l'huile de la lumière
brûlait doucement dans cette faible lampe noire,
ou la voix même de la lune
venue prédire la nuit de mars aux passagers...
Philippe Jaccottet ("L'ignorant", Gallimard, 1957 - réédité en Poésie/Gallimard, 1971 sous le titre "Poésie, 1946-1967")
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16/12/2010
Le Christ voilé (extrait), de Patrice de la Tour du Pin
C'est un jardin secret et tranquille où s'amassent
Les iris blancs et les hautes touffes d'asters
Et les tapis serrés de campanules basses.
Aucun vent n'y pénètre du ciel grand ouvert ;
Les voix mêmes des oiseaux passants se sont tues
Qui volent vite et très haut dans le ciel clair.
Ombrée, et finement travaillée, et vêtue
De la seule caresse amoureuse des fleurs,
Une femme, de la chair froide des statues.
Et le maître ancien qui fut son ciseleur,
A l'étrange figure ajouta son mystère,
Le signe de l'ellipse inscrit dans sa pâleur.
Un mur de pierre enclôt cette Eve solitaire
Qui ne tend pas l'oreille aux rumeurs d'au-delà,
Mais à celles, sourdes et profondes, de la terre.
Ce serait la plus haute des fleurs, si son bras
Le long d'un corps gonflé de sève végétale,
Sur son ventre de nacre ne descendait pas ;
Si ses deux seins n'étaient striés de veines pâles,
S'ils ne se gonflaient pas soudain de volupté,
Caressés seulement en rêve par un mâle.
C'est un jardin secret, cerclé d'un mur, hanté
Comme un damier, d'oiseaux noirs et blancs qui reposent :
On leur a coupé les ailes par cruauté.
Dehors le ciel est tout enluminé de rose,
Sur les collines, des nuages clairsemés,
Et "Quête de joie" est inscrit sur toutes choses :
L'archange noir, veillant sur ce jardin fermé.
21:00 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, le christ voilé (extrait), patrice de la tour du pin, noir, blanc, rose | Facebook | Imprimer | | |
08/12/2010
Rêve pour l'hiver, d'Arthur Rimbaud
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…
Et tu me diras : "Cherche !", en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...
7 octobre 1870
22:04 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rêve pour l'hiver, arthur rimbaud, poème, poésie, rose, bleu, noir | Facebook | Imprimer | | |
02/12/2010
Au cabaret-vert, d'Arthur Rimbaud
Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi.
- Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! -
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
07:01 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, au cabaret-vert, d'arthur rimbaudau cabaret-vert, d'arthur rimbaud, vert, blanc, rose | Facebook | Imprimer | | |