27/03/2015
Tard en mai, de Tomas Tranströmer
Ferdinand Hodler, collection privée, 60 x 48 cm
Pommiers et cerisiers en fleur aident le village à planer dans la douce, la sale nuit de mai, gilet de sauvetage blanc, les pensées prennent le large.
Herbes et mauvaises herbes aux coups d'ailes silencieux, obstinés. La boîte aux lettres luit paisiblement, on ne peut revenir sur ce qui est écrit.
Un vent tiède frais traverse ma chemise et touche du doigt le cœur. Pommiers et cerisiers rient tout bas de Salomon, fleurissent dans mon tunnel. J'ai besoin d'eux, non pour oublier, mais pour me souvenir. |
Œuvres complètes (1954-1996), Traduit du suédois par Jacques Outin, Le castor astral, 1996
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20/03/2015
Qui passe ainsi par le bois vert, de James Joyce
Édouard Vuillard, Misia dans un bois, 1897-1899, huile sur carton, 42,1 x 56 cm, Paris, collection Anisabelle Berès-Montanari - RMN (musée d’Orsay) / Patrice Schmidt
Qui passe ainsi par le bois vert,
Toute parée par le printemps ?
Qui va par le joyeux bois vert
Le rendre plus joyeux encore ?
Suivant au soleil des sentiers
Qui connaissent son pas léger,
Qui passe dans le doux soleil
Avec un port si virginal ?
Toutes les allées du sous-bois
Brillent d’un feu tendre et doré —
Pour qui le bois ensoleillé
Revêt-il si riche appareil ?
Oh, c’est pour mon unique amour
Que les bois vêtent leur richesse,
Oh, c’est pour mon amour, mon bien,
Elle qui est si jeune et belle.
♦
Who goes amid the green wood
With springtide all adorning her?
Who goes amid the merry green wood
To make it merrier?
Who passes in the sunlight
By ways that know the light footfall?
Who passes in the sweet sunlight
With mien so virginal?
The ways of all the woodland
Gleam with a soft and golden fire ̶
For whom does all the sunny woodland
Carry so brave attire?
O, it is for my true love
The woods their rich apparel wear ̶
O, it is for my own true love,
That is so young and fair.
Poèmes, Chamber Music, Pomes Penyeach, Traduit de l'anglais par Jacques Borel, Gallimard, 1979
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19/03/2015
Sonnet d'été, de Germain Nouveau
Nous habiterons un discret boudoir,
Toujours saturé d'une odeur divine,
Ne laissant entrer, comme on le devine,
Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.
Une blonde frêle en mignon peignoir
Tirera des sons d'une mandoline,
Et les blancs rideaux tout en mousseline
Seront réfléchis par un grand miroir.
Quand nous aurons faim, pour toute cuisine
Nous grignoterons des fruits de la Chine,
Et nous ne boirons que dans du vermeil ;
Pour nous endormir, ainsi que des chattes
Nous nous étendrons sur de fraîches nattes ;
Nous oublirons tout, — même le soleil !
Poésies d'Humilis et vers inédits et tableau de Paul Delvaux
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18/03/2015
Dans la forêt, de Germain Nouveau
Dans la forêt étrange c’est la nuit ;
C’est comme un noir silence qui bruit ;
Dans la forêt, ici blanche et là brune,
En pleurs de lait filtre le clair de lune.
Un vent d’été, qui souffle on ne sait d’où,
Erre en rêvant comme une âme de fou ;
Et, sous des yeux d’étoile épanouie,
La forêt chante avec un bruit de pluie.
Parfois il vient des gémissements doux
Des lointains bleus pleins d’oiseaux et de loups ;
Il vient aussi des senteurs de repaires ;
C’est l’heure froide où dorment les vipères,
L’heure où l’amour s’épeure au fond du nid
Où s’élabore en secret l’aconit ;
Où l’être qui garde une chère offense,
Se sentant seul et loin des hommes, pense.
- Pourtant la lune est bonne dans le ciel
Qui verse, avec un sourire de miel,
Son âme calme et ses pâleurs amies
Au troupeau roux des roches endormies.
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14/03/2015
Amandiers, de Lorand Gaspar
Les amandiers en fleurs, 1918, Theo van Rysselberghe
Que la joie est simple au bout du cheminement obscur !
Comme ces minces pellicules donnent corps à la lumière !
Regarde comme il fond ce peu
de blanc tombé au fond de l'œil !
Les amandiers dans la nuit !
Ô les dents de clarté !
Pulsation sourde d'étoiles
dans l'épaisseur de la terre —
Patmos et autres poèmes, Gallimard, 2004
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07/03/2015
Au printemps, de Jacques Roubaud
Henri Matisse, The riverbank, 1907, Offentliche Kunstsammlung, Basel, Switzerland
Environ le printemps
(le 21 mars, + ou - x jours
(x variable - si x est proche de 365 on dit
« y a plu' d'saizon ! »
ou bien on dit
« printemps pourri ! »))
environ le printemps, disais-je
les arbres
n'ont plus pour seul vêtement
les moineaux
les feuilles
reviennent aux arbres
ou les arbres
retrouvent leurs feuilles
ça verdit
depuis quelques temps on les voyait
hésiter, tâter l'air,
ausculter les nuages
regarder leurs voisins du coin de l'œil
et puis d'un seul coup ça y est
ils se décident
environ le printemps
(ce sont les « à feuilles caduques » qui se lancent
que les Anglais appellent deciduous
à cause de leur esprit de décision
les « à feuilles persistantes »
qui n'ont plus rien à décider
font la gueule
avec leur pelage sale
de toutes les années de suie
urbaine)
sur les arbres
les bébés feuilles frissonnent
les petites feuilles tâtonnantes, fragiles, lentement
déplissées des bourgeons
la brise les retient tendrement sur leur tiges
comme dit le powète
oui !
les feuilles s'élancent, prolifèrent
profuses
les arbres s'étalent, se regardent dans les fontaines
dans les fenêtres
dans les flaques
dans le bleu du ciel
et voilà
le printemps est fait
c'est comme ça que ça s'est passé
cette année-ci (mille neuf cent quatre-vingt -quatorze)
à Paris
au jardin des Tuileries
au jardin du Luxembourg
au parc Montsouris
au square des Blancs-Manteaux
au pied du Sacré-Cœur dans le square Saint-Pierre
j'ai vérifié
et je n'ai aucune raison de penser
qu'il en a été différemment
ailleurs
La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains, Gallimard
06:58 Publié dans Bleu, Poésie et couleurs, Vert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacues roubaud, printemps, moineaux, henri matisse | Facebook | Imprimer | | |