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02/03/2013

Quand le ciel se sépara de la terre: légende autour de l'indigo

 

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Eugène Boudin, Nuages blancs, ciel bleu vers 1854-1859, pastel sur papier 14,8 x 21 cm,                                                  Honfleur musée Eugène Boudin/ photo H.Brauner


Ce pastel d'Eugène Boudin m’évoque cette belle légende du Ghana sur l’indigo.  

Jadis le ciel épousait étroitement la terre et nourrissait les hommes. Chacun pouvait attraper un petit morceau de nuage pour le consommer. Cette nourriture céleste permettait à chacun de flotter et de rêver, de retrouver la paix et la gaieté du temps où le dieu suprême vivait avec les humains. Mais il ne fallait pas trop en manger, savoir rester raisonnable...Asi, était affamée de ciel, avec l'espoir que si elle mangeait un gros morceau,  sa peau et ses cheveux deviendraient bleu profond. Elle dévora le ciel et à peine avait-elle fini de manger qu’elle s'évanouit. A son réveil, elle retrouva sa fille morte et sur le lange blanc dans lequel elle était enveloppée,  s’étendait une grosse tâche bleue à l’endroit que l’enfant avait mouillé. Asi recouvrit son visage et ses cheveux de cendres. Les esprits alors  lui parlèrent. « Cette tâche est de l’indigo et elle vient des feuille que tu as rassemblées pour coucher ton enfant. Pour que le bleu survienne , il fallait l’urine de ta fille et les cendres que tu as renversées sur son corps. Maintenant l’indigo sacré colorera la terre mais seules les mères pourront le faire naitre. »

 Asi de retour au village enseigna l’art de la teinture. L’indigo était descendu du ciel, et se sépara de la terre. Plus jamais les humains furent tentés d’en dévorer des morceaux. Depuis la couleur bleue est associée à l’amour et à la tendresse féminine.

En Afrique occidentale, l’indigo teint la majorité des cotonnades. Le tissu saturé de pigment déteint sur la peau et pénètre dans les pores. Les touaregs qui portent des vêtements teintés en indigo sont ainsi surnommé les « hommes bleus »

 

L’indigo trouve son origine dans une famille d’arbustes (le genre indigoera) qui contient de l’indican. On utilise les feuilles qu’on fait fermenter. Ensuite, suivant les pays, les recettes divergent!

 

(Référence bibliographique : Couleurs, pigments et teintures dans les mains des peuples, d’Anne Varichon, Seuil)


 

21/02/2013

Âme d'automne, de Georg Trakl

 

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Dans du vert, profond fauche la faux

Bleu de l'air et jaune des gerbes

Envol de voix qui se moururent

Seule s'écoule une vieille eau.

 

Le soir le noir voyage passe

Sur les brunes collines d'automne

Salut d'argent du miroir d'un étang

Lance le vautour son cri clair et dur.

 

 

Âme  d'automne (première version), Trakl, Poème 1, traduction Jacques Legrand, Flammarion, p 257

Lesser Ury, 34,9 × 49,5 cm  (1900)

20/01/2013

La poussière des tamis..., de Francis Jammes

 

village-de-presles-vers1850-jean-baptiste-corot.jpg

Jean-Baptiste Corot . Le Village de Presles, près de Beaumont-sur-Oise (vers 1850) Huile sur toile . Beden (Suisse), Museum Langmatt 


La poussière des tamis chante au soleil et vole. 
Mets ton épaule et tes cheveux sur mon épaule 
et mes cheveux. L'air est comme l'eau, et les boeufs 
passent dans le matin froid des chemins boueux. 
Les cloches des coteaux verts sonnent le dimanche. 
Tu viens de te lever. Tu es toute blanche. 
Le silence est grand et très doux comme la ligne 
qui monte et descend, dans le ciel, sur les collines. 
On sent qu'on est sain et dans mon esprit bleu, 
je prie, parce que dans le ciel il y a Dieu. 
 
 
Extrait de Vers. (1894), Francis Jammes.(1868-1938)

 

Ma Mère Et Les Livres (Extrait de La maison de Claudine), de Colette

 

Grounded (2005), Julia Ciccarone.jpg

 

Tableau de 2005 de Julia Ciccarone http://www.juliaciccarone.com


La lampe, par l’ouverture supérieure de l’abat-jour, éclairait une paroi cannelée de dos de livres, reliés. Le mur opposé était jaune, du jaune sale des dos de livres brochés, lus, relus, haillonneux. Quelques « traduits de l’anglais » -un franc vingt-cinq -rehaussaient de rouge le rayon du bas.

À mi-hauteur, Musset, Voltaire, et les Quatre Évangiles brillaient sous la basane feuille-morte. Littré, Larousse et Becquerel bombaient des dos de tortues noires. D’Orbigny, déchiqueté par le culte irrévérencieux de quatre enfants, effeuillait ses pages blasonnées de dahlias, de perroquets, de méduses à chevelures roses et d’ornithorynques.

Camille Flammarion, bleu, étoilé d’or, contenait les planètes jaunes, les cratères froids et crayeux de la lune, Saturne qui roule, perle irisée, libre dans son anneau. 

Deux solides volets couleur de glèbe reliaient Élisée Reclus. Musset, Voltaire, jaspés, Balzac noir et Shakespeare olive. 

Je n’ai qu’à fermer les yeux pour revoir, après tant d’années, cette pièce maçonnée de livres. Autrefois, je les distinguais aussi dans le noir. Je ne prenais pas de lampe pour choisir l’un d’eux, le soir, il me suffisait de pianoter le long des rayons. Détruits, perdus et volés, je les dénombre encore. Presque tous m’avaient vue naître.

Il y eut un temps où, avant de savoir lire, je me logeais en boule entre deux tomes du Larousse comme un chien dans sa niche. Labiche et Daudet se sont insinués, tôt, dans mon enfance heureuse, maîtres condescendants qui jouent avec un élève familier. Mérimée vint en même temps, séduisant et dur, et qui éblouit parfois mes huit ans d’une lumière inintelligible. Les Misérables aussi, oui, les Misérables -malgré Gavroche; mais je parle là d’une passion raisonneuse qui connut des froideurs et de longs détachements. Point d’amour entre Dumas et moi, sauf que le Collier de la Reine rutila, quelques nuits, dans mes songes, au col condamné de Jeanne de la Motte. Ni l’enthousiasme fraternel, ni l’étonnement désapprobateurs de mes parents n’obtinrent que je prisse de l’intérêt aux Mousquetaires. . .


Colette, La maison de Claudine, Livre de poche

 

13/01/2013

Madonna mia, d'Oscar Wilde

 

Dante Gabriel Rossatti, Jane Morris, la robe de soie bleue, 1868

 Jane Morris, la robe de soie bleue, peint en 1868 par Dante Gabriel Rossetti, huile sur toile (110,5 x 90,2 cm), Musée d'Orsay,The Society of Antiquaries, Londres,Kelmscott Manor Collection


Une fillette, un lis, inapte à la douleur du monde,

Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,

Aux yeux charmeurs voilés de larmes folles,

Telle une eau d'un bleu pur dans un brouillard de pluie,

 

Et des joues pâles ignorantes des baisers,

Lèvres rouges qui ont toujours craint l'amour,

Gorge aussi blanche que gorge de colombe,

Sur le marbre de laquelle s'inscrit une veine de pourpre.

 

Pourtant, bien que mes lèvres ne cessent de te louer,

Je n'ose même pas embrasser ton pied,

Tant je suis assombri par les ailes de la peur,

 

Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,

Sous le poitrail en feu du Lion, lorsqu'il vit

La septième splendeur et l'escalier d'or (1).

 

Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille, dans op. cité., p. 13.

1 Allusion à un passage de Dante (Le Paradis, XXI, 13-15) : « Nous sommes élevés à la septième splendeur, / qui, sous le poitrail du lion ardent, / mêle maintenant ses rayons au siens » (traduction de Jacqueline Risset, Flammarion, 1996) [Note de la Pléiade, p. 1576].


01/01/2013

Connais-tu le pays, air de Mignon, musique de Ambroise Thomas, d'après un texte de Goethe

fenetre_ouverte_sur_la_seine_1911_pierre_bonnard1.jpg

Connais-tu le pays où fleurit l'oranger? 

Le pays des fruits d'or et des roses merveilles, 

Où la brise est plus douce et l'oiseau plus léger, 

Où dans toute saison butinent les abeilles, 

Où rayonne et sourit, comme un bienfait de Dieu, 

Un éternel printemps sous un ciel toujours bleu! 

Hélas! Que ne puis-je te suivre 

Vers ce rivage heureux d'où le sort m'exila!

C'est là! C'est là que je voudrais vivre,

Aimer, aimer et mourir! 

C'est là que je voudrais vivre, c'est là, oui, c'est là! 


Connais-tu la maison où l'on m'attend là-bas? 

La salle aux lambris d'or, où des hommes de marbre 

M'appellent dans la nuit en me tendant les bras? 

Et la cour où l'on danse à l'ombre d'un grand arbre? 

Et le lac transparent où glissent sur les eaux 

Mille bateaux légers pareils à des oiseaux? 

Hélas! Que ne puis-je te suivre 

Vers ce pays lointain d'où le sort m'exila! 

C'est là! C'est là que je voudrais vivre,

Aimer, aimer et mourir! 

C'est là que je voudrais vivre, c'est là, oui, c'est là!


Mignon est une tragédie lyrique en 3 actes et 5 tableaux, musique d'Ambroise Thomas,  livret de Jules Barbier  et Michel Carré d'après Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de Goethe.

Tableau de Pierre Bonnard, "Fenêtre ouverte sur la Seine" (Vernon), 1911/12. Huile sur toile, 78 × 105,5 cm. Musée des Beaux-Arts de Nice. (PHOTO: MURIEL ANSSENS © VILLE DE NICE© 2012, PROLITTERIS, ZURICH)

 

27/12/2012

Larme, d'Arthur Rimbaud

 

ZAO WOU-KI, GRAVURE ET AQUATINTE N ° 252.jpg

ZAO WOU-KI, Eau-forte et aquatinte numéro 252, 56 x 76 cm, 1974 

 

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d’après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.
Que tirais-je à la gourde de colocase ?
Quelque liqueur d’or, fade et qui fait suer.

Tel, j’eusse été mauvaise enseigne d’auberge.
Puis l’orage changea le ciel, jusqu’au soir.
Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L’eau des bois se perdait sur des sables vierges,
Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares…
Or ! tel qu’un pêcheur d’or ou de coquillages,
Dire que je n’ai pas eu souci de boire !

Mai 1872

Arthur Rimbaud, Derniers vers

 

16/12/2012

Matin, de Charles Cros


 

Voici le matin bleu. Ma rose et blonde amie
Lasse d'amour, sous mes baisers, s'est endormie. 
Voici le matin bleu qui vient sur l'oreiller 
Éteindre les lueurs oranges du foyer.

L'insoucieuse dort. La fatigue a fait taire 
Le babil de cristal, les soupirs de panthère. 
Les voraces baisers et les rires perlés. 
Et l'or capricieux des cheveux déroulés 
Fait un cadre ondoyant à la tête qui penche. 
Nue et fière de ses contours, la gorge blanche 
Où, sur les deux sommets, fleurit le sang vermeil, 
Se soulève et s'abaisse au rhythme du sommeil.

La robe, nid de soie, à terre est affaissée. 
Hier, sous des blancheurs de batiste froissée 
La forme en a jailli libre, papillon blanc. 
Qui sort de son cocon, l'aile collée au flanc.

A côté, sur leurs hauts talons, sont les bottines
Qui font aux petits pieds ces allures mutines,
Et les bas, faits de fils de la vierge croisés, 
Qui prennent sur la peau des chatoiements rosés.

Epars dans tous les coins de la chambre muette
Je revois les débris de la fière toilette 
Qu'elle portait, quand elle est arrivée hier 
Tout imprégnée encor des senteurs de l'hiver.


Recueil le Coffret de Santal

Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901) : « Femme nue allongée » ,Huile sur carton, signée en bas à gauche. Dim. 22 x 30 cm. Provenance : Collection particulière

15/12/2012

Sonia de Georg Trakl

Denise Eyer-Oggier 100x100cm.jpg

                  © Denise Eyer-Oggier 100x100cm 2010, Garden of full illusions III


« Le soir qui revient dans le vieux jardin ;
Vie de Sonia, bleu du silence.
Le vol lointains des migrateurs;
Arbre nu, automne et  silence.

Tournesol tendrement penché
Sur Sonia et sa blanche vie.
Plaie sanglante jamais montrée r
Éveille en les chambres la vie

Où résonnent le bleu des cloches ;
Pas de Sonia tendre silence.
Bête qui meurt salue et passe
Arbre nu, automne et  silence.

Soleil des jours anciens rayonne
Sur Sonia et ses blancs sourcils 
Neige qui humecte ses joues,
Et le fourré de ses sourcils. »

 

Trakl Poème II traduction par Jacques Legrand GF Flammarion

Denise Eyer-Oggier :

08/12/2012

Rondeau, de Georg Trakl

Denise Eyer-Oggier 100x100cm 12 avril 2012.jpg

"J'aime surtout ceux qu'il est difficile d'aimer" Léonard Valette, 100 x 100 cm, 12 avril 2012, © Denise Eyer-Oggier


Il s'est enfui l'or de nos jours,

Enfuis les bruns, les bleus du soir :

Mortes les flûtes du pastour

Enfuis les bleus, les bruns du soir

Il s'est enfui l'or de nos jours.


Trakl, Poèmes II, GF flammarion, page 67

Denise Eyer-Oggier :

01/12/2012

Gauguin (Lettre à Jacques Brel), de Barbara

gauguin44.jpg
Près de la mer, 1892, huile sur toile, 67,9 × 91,5 cm, National Gallery of Art 


Il pleut sur l'île d'Hiva-Oa.
Le vent, sur les longs arbres verts
Jette des sables d'ocre mouillés.
Il pleut sur un ciel de corail
Comme une pluie venue du Nord
Qui délave les ocres rouges
Et les bleus-violets de Gauguin.
Il pleut.
Les Marquises sont devenues grises.
Le Zéphir est un vent du Nord,
Ce matin-là,
Sur l'île qui sommeille encore.

Il a dû s'étonner, Gauguin,
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord.
Il a dû s'étonner, Gauguin,
Comme un grand danseur fatigué
Avec ton regard de l'enfance.

Bonjour monsieur Gauguin.
Faites-moi place.
Je suis un voyageur lointain.
J'arrive des brumes du Nord
Et je viens dormir au soleil.
Faites-moi place.

Tu sais,
Ce n'est pas que tu sois parti
Qui m'importe.
D'ailleurs, tu n'es jamais parti.
Ce n'est pas que tu ne chantes plus
Qui m'importe.
D'ailleurs, pour moi, tu chantes encore,
Mais penser qu'un jour,

 

Les vents que tu aimais
Te devenaient contraire,
Penser
Que plus jamais
Tu ne navigueras
Ni le ciel ni la mer,

Plus jamais, en avril,
Toucher le lilas blanc,
Plus jamais voir le ciel
Au-dessus du canal.
Mais qui peut dire ?
Moi qui te connais bien,
Je suis sûre qu'aujourd'hui
Tu caresses les seins
Des femmes de Gauguin
Et qu'il peint Amsterdam.
Vous regardez ensemble
Se lever le soleil
Au-dessus des lagunes
Où galopent des chevaux blancs
Et ton rire me parvient,
En cascade, en torrent
Et traverse
la mer
Et le ciel et les vents
Et ta voix chante encore.
Il a dû s'étonner, Gauguin,
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord.
Il a dû s'étonner, Gauguin.

Souvent, je pense à toi
Qui a longé les dunes
Et traversé le Nord
Pour aller dormir au soleil,
Là-bas, sous un ciel de corail.
C'était ta volonté.
Sois bien.
Dors bien.
Souvent, je pense à toi.

Je signe Léonie.
Toi, tu sais qui je suis,
Dors bien.

04/11/2012

De nuit, de Georges Trakl

 

Le bleu de mes yeux s’est éteint dans cette nuit,
L’or rouge de mon cœur. O ! Le silence de la lampe allumée.
Ton manteau bleu enveloppa celui qui tombait.
Tes lèvres rouges scellèrent l’enténèbrement de l’ami.


Poèmes, traduits et présentés par Guillevic, éditions Obsidiane, 1986, réédité (Vingt poèmes de Georg Trakl) en 2006, p. 35.

Pastel de 1879 de Giuseppe de Nittis (1846-1884) 

18/10/2012

Le point de rosée, de Heather Dohollau

 


Ce qui est là dans le là
Point à la ligne
Retour insurgé
D’un seuil de blanc
Et distance conçue
Comme parcours sans bord
Mais vrillé dans l’espace
D’une voie étroite
Main courant dans le temps
De l’arc-en-ciel
Chaque couleur a sa place
De simple appui

L’instant est le creux
Où tombent les choses
Ourlées de lumière
Bercées de l’ombre
Par la fenêtre
Le bleu se loge aux yeux
Les livres habitent leur marge
Et blanc sur noir
En créent un singulier
De présences réelles
Venus de loin
Les tableaux montent aux murs


Heather Dohollau, Le point de rosée, Folle Avoine 1999, p. 14.
Tableau de  Nicolas de Staël

 

29/09/2012

La couleur de l'ombre, de Catherine Delhom



Sur les pétales d’un lys blanc, effleurer d’un bleu d’outremer très dilué
Nuancer de sépia dans les creux près du cœur, juste un peu
Laisser le papier vierge, rien que du clair
Les profondeurs d’une rose rouge aimeront mieux un zeste de vert émeraude
Du bleu de prusse parfois, mais rien de plus
Le coquelicot est plus délicat, il vaut mieux rester dans des tons chauds
Du carmin ou du rose thyrien sur du vermillon…
Les feuilles vertes sont une terreur, parfois diluer du bleu, ou un soupçon de rose
Une pomme tombée fera sur le papier un halo doux de ceruleum et ombre brûlée
Un arbre un jour de soleil tâche l’herbe d’un ton lavande
Comme celui des montagnes un soir d’été

Elle est là pour la lumière qu’on ne verrait pas sans elle
Jamais de brun, de gris, de noir trop tristes

Elle est froide, chaude, sombre, légère

L’ombre n’existe pas, elle est une illusion


Aquarelle et texte de Catherine Delhom . Tous droits réservés. http://catherinedelhom.over-blog.com/

22/09/2012

Je m'embête, de Francis Jammes

 

Je m'embête; cueillez-moi des jeunes filles
et des iris bleus à l'ombre des charmilles
où les papillons bleus dansent à midi,
parce que je m'embête
et que je veux voir de petites bêtes
rouges sur les choux, les ails (on dit aulx), les lys.
Je m'embête.

Ces vers que je fais m'embêtent aussi,
et mon chien se met à loucher, assis,
en écoutant la pendule
qui l'embête comme je m'embête.
Vraiment ces trois cils de ce chien de chasse,
de ce chien de poète,
sont cocasses.

Je voudrais savoir peindre. Je peindrais
une prairie bleue, avec des mousserons,
où des jeunes filles nues danseraient en rond
autour d'un vieux botaniste désespéré,
porteur d'un panama et d'une boîte verte
et d'un énorme filet à papillons
vert.

Car j'apprécie les jeunes filles
et les gravures excessivement coloriées
où l'on voit un vieux botaniste éreinté
qui longe un torrent et se dirige
vers l'auberge.



De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir (1898)

Tableau d'Henri Matisse,Danse 1, 1909, MoMA

18/09/2012

Le bleu, Joachim Patinir, John Ruskin


Joachim Patinir (1475-1524), Paysage au bord du lac, Huile sur cuivre, 18,2 cm x 24 cm, Musée de Cahors Henri-Martin


"La couleur bleue est éternellement vouée par les dieux à être une source de délices".

John Ruskin (1819-1900)

 

17/09/2012

Les Yeux d'Elsa , d'Aragon

 

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa


Extrait des" yeux d'Elsa, Editions Seguers

Photo d'Edward Weston : Portrait de Cela Olin Nahui (vers 1920)

16/09/2012

Ophélie, d'Arthur Rimbaud

ophelia-millais.jpg

 
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte trés lentement, couchée en ses longs voiles...
On entend dans les bois lointains des hallalis.
 
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
 
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
 
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
 
ô pale Ophélia! belle comme la neige!
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;
 
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton coeur écoutait le chant de la nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits;
 
C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux!
 
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
Et l'infini terrible effara ton oeil bleu !
 
Et le poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.


Arthur Rimbaud, Poésies, Livre de poche
Tableau de John Everett Millais, Ophelia (1852), Canvas 76 x 102 cm, Tate Gallery, London.  

09/09/2012

Les pigments bleus de Terre de Toscane

 

Du bleu pour rêver.... (aquarelle d'Emil Nolde) et les pigments bleus de Terre de Toscane pour donner vie à ses rêves.

Vous pouvez découvrir tous ces pigments aux noms évocateurs chez Matériaux Verts Houilles.  Ils font partie de ma collection de pigments. Je les utilise pour teinter mes enduits décoratifs (ils sont compatibles avec la chaux) et mes patines.

 

Pigment de terre

bleu cobalt.JPG bleu cobalt  

Pigment oxyde
OXYDE BLEU OUTREMER PUR.JPG OXYDE BLEU OUTREMER PUR
 
 
Les pigments organiques
BLEU AZUR.JPG


BLEU AZUR

BLEU ERCOLANO.JPG BLEU ERCOLANO
BLEU MINERAL.JPG BLEU MINERAL.
BLEU ORIENT.JPG BLEU ORIENT.
BLEU OUTREMER MOYEN.JPG BLEU OUTREMER MOYEN.
BLEU OUTREMER PROFOND.JPG BLEU OUTREMER PROFOND

 

06/09/2012

Carnets 1952-1956, d'André du Bouchet

 

un poème — qu’est-ce — rien

et pourtant le monde était là

comme le vent dans les tiges

le monde est là — comme le

vent dans les tiges

et aux confins bleus du monde


André du Bouchet, Carnets 1952-1956,Plon, 1990, p.75

Illustration: ©pierre gaudu , "giboulée", encre, 16x12 cm, 1986

tous droits réservés... Avant toute diffusion, échange ou partage merci de bien vouloir demander

l'accord de Pierre Gaudu. 

http://www.artnova-connect.com/