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18/12/2012

Mettons, de Jacques Roubaud

 

poésie,poème,poésie et couleurs,mettons,jacques roubaud,gris

 

 

mettons de la couleur dans les angles calmes

où le gris d’arche s’étale posément
vérifions le comput des éléments
l’équilibre du dessin et de la trame

contre les bords de chaque page une flamme
souligne de sa fumée, beau condiment
bougie ou filament incandescent griment
les murs du pinceau du stylet du calame

mettons de la permutation dans les lignes
descente des césures vers les débuts
des vers petit à petit circonférences

vers refermés au centre spirale. signes
d’un paraphe-gribouille. le crayon n’eut
besoin que d’un verre d’eau sans incidences.

Rome, octobre 2003

Jacques Roubaud, Churchill 40 et autres sonnets de voyage, 2000-2003, Gallimard, 2004, p. 61.

Dessin d'Henri Michaux

 

16/12/2012

Matin, de Charles Cros


 

Voici le matin bleu. Ma rose et blonde amie
Lasse d'amour, sous mes baisers, s'est endormie. 
Voici le matin bleu qui vient sur l'oreiller 
Éteindre les lueurs oranges du foyer.

L'insoucieuse dort. La fatigue a fait taire 
Le babil de cristal, les soupirs de panthère. 
Les voraces baisers et les rires perlés. 
Et l'or capricieux des cheveux déroulés 
Fait un cadre ondoyant à la tête qui penche. 
Nue et fière de ses contours, la gorge blanche 
Où, sur les deux sommets, fleurit le sang vermeil, 
Se soulève et s'abaisse au rhythme du sommeil.

La robe, nid de soie, à terre est affaissée. 
Hier, sous des blancheurs de batiste froissée 
La forme en a jailli libre, papillon blanc. 
Qui sort de son cocon, l'aile collée au flanc.

A côté, sur leurs hauts talons, sont les bottines
Qui font aux petits pieds ces allures mutines,
Et les bas, faits de fils de la vierge croisés, 
Qui prennent sur la peau des chatoiements rosés.

Epars dans tous les coins de la chambre muette
Je revois les débris de la fière toilette 
Qu'elle portait, quand elle est arrivée hier 
Tout imprégnée encor des senteurs de l'hiver.


Recueil le Coffret de Santal

Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901) : « Femme nue allongée » ,Huile sur carton, signée en bas à gauche. Dim. 22 x 30 cm. Provenance : Collection particulière

15/12/2012

Sonia de Georg Trakl

Denise Eyer-Oggier 100x100cm.jpg

                  © Denise Eyer-Oggier 100x100cm 2010, Garden of full illusions III


« Le soir qui revient dans le vieux jardin ;
Vie de Sonia, bleu du silence.
Le vol lointains des migrateurs;
Arbre nu, automne et  silence.

Tournesol tendrement penché
Sur Sonia et sa blanche vie.
Plaie sanglante jamais montrée r
Éveille en les chambres la vie

Où résonnent le bleu des cloches ;
Pas de Sonia tendre silence.
Bête qui meurt salue et passe
Arbre nu, automne et  silence.

Soleil des jours anciens rayonne
Sur Sonia et ses blancs sourcils 
Neige qui humecte ses joues,
Et le fourré de ses sourcils. »

 

Trakl Poème II traduction par Jacques Legrand GF Flammarion

Denise Eyer-Oggier :

09/12/2012

Le tramway, de Claude Simon

                      P1040450

                             

Personne ne ramassait les olives tombées de l’arbre et dont les pulpes écrasées parsemaient de taches noires les trois marches de brique par lesquelles, tournant brusquement à droite, se terminait la première rampe du sentier bordé de ces buissons d’un bleu pâle, personne non plus, sauf les enfants, ne faisait attention aux figues trop mûres, à la peau ratatinée et ridée, presque noire, à la chair éclatée, pourpre, granuleuse et sucrée, éparpillées quelques mètres plus loin parmi les touffes d’herbe encore vertes du pré roussi par l’été et qu’il fallait dans l’odorant et lourd parfum des feuilles disputer aux fourmis. Au bout de l’allée bordée de mûriers, le tramway s’arrêtait au pied du grand pin parasol dont le tronc penché par le vent, presque couché à sa base, était recouvert non pas exactement d’écorce mais d’épaisses écailles encastrées l’une dans l’autre en losanges, d’un gris soyeux, légèrement teinté de rose en leur centre et bordées d’un rugueux bourrelet brun. Entre deux d’entre elles sourdait en permanence une coulée de résine qui formait d’abord une grosse bulle, à peu près de la taille d’une groseille, d’un jaune d’or étincelant au soleil et dont la base se couvrait d’une sorte de taie avant de finir par s’écouler en une longue traînée de larmes grises, peu à peu blanchâtre, comme une fiente d’oiseau. 

Claude Simon, Le tramway, les éditions de Minuit, 2001, p. 139-140

Photographie non libres de droit : © Coline Termash  http://colinetermash.canalblog.com/  que je remercie.

 


08/12/2012

Rondeau, de Georg Trakl

Denise Eyer-Oggier 100x100cm 12 avril 2012.jpg

"J'aime surtout ceux qu'il est difficile d'aimer" Léonard Valette, 100 x 100 cm, 12 avril 2012, © Denise Eyer-Oggier


Il s'est enfui l'or de nos jours,

Enfuis les bruns, les bleus du soir :

Mortes les flûtes du pastour

Enfuis les bleus, les bruns du soir

Il s'est enfui l'or de nos jours.


Trakl, Poèmes II, GF flammarion, page 67

Denise Eyer-Oggier :

01/12/2012

Gauguin (Lettre à Jacques Brel), de Barbara

gauguin44.jpg
Près de la mer, 1892, huile sur toile, 67,9 × 91,5 cm, National Gallery of Art 


Il pleut sur l'île d'Hiva-Oa.
Le vent, sur les longs arbres verts
Jette des sables d'ocre mouillés.
Il pleut sur un ciel de corail
Comme une pluie venue du Nord
Qui délave les ocres rouges
Et les bleus-violets de Gauguin.
Il pleut.
Les Marquises sont devenues grises.
Le Zéphir est un vent du Nord,
Ce matin-là,
Sur l'île qui sommeille encore.

Il a dû s'étonner, Gauguin,
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord.
Il a dû s'étonner, Gauguin,
Comme un grand danseur fatigué
Avec ton regard de l'enfance.

Bonjour monsieur Gauguin.
Faites-moi place.
Je suis un voyageur lointain.
J'arrive des brumes du Nord
Et je viens dormir au soleil.
Faites-moi place.

Tu sais,
Ce n'est pas que tu sois parti
Qui m'importe.
D'ailleurs, tu n'es jamais parti.
Ce n'est pas que tu ne chantes plus
Qui m'importe.
D'ailleurs, pour moi, tu chantes encore,
Mais penser qu'un jour,

 

Les vents que tu aimais
Te devenaient contraire,
Penser
Que plus jamais
Tu ne navigueras
Ni le ciel ni la mer,

Plus jamais, en avril,
Toucher le lilas blanc,
Plus jamais voir le ciel
Au-dessus du canal.
Mais qui peut dire ?
Moi qui te connais bien,
Je suis sûre qu'aujourd'hui
Tu caresses les seins
Des femmes de Gauguin
Et qu'il peint Amsterdam.
Vous regardez ensemble
Se lever le soleil
Au-dessus des lagunes
Où galopent des chevaux blancs
Et ton rire me parvient,
En cascade, en torrent
Et traverse
la mer
Et le ciel et les vents
Et ta voix chante encore.
Il a dû s'étonner, Gauguin,
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord.
Il a dû s'étonner, Gauguin.

Souvent, je pense à toi
Qui a longé les dunes
Et traversé le Nord
Pour aller dormir au soleil,
Là-bas, sous un ciel de corail.
C'était ta volonté.
Sois bien.
Dors bien.
Souvent, je pense à toi.

Je signe Léonie.
Toi, tu sais qui je suis,
Dors bien.

25/11/2012

Eugène Delacroix et la couleur

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"La couleur est par excellence la partie de l'art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s'adressent d'abord à la pensée, la couleur n'a aucun sens pour l'intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité."


suite  ICI


24/11/2012

Le ventre de Paris, (extrait 2), d'Emile Zola

 

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Jan Brueghel le Jeune  1601-1678  Une corbeille de fleurs -  - Metropolitan Museum of Art- Huile sur panneau 53 x 80,5 cm.

Comme ils longeaient toujours la grande rue, ils marchèrent dans une odeur exquise qui traînait autour d’eux et semblait les suivre. Ils étaient au milieu du marché des fleurs coupées. Sur le carreau, à droite et à gauche, des femmes assises avaient devant elles des corbeilles carrées, pleines de bottes de roses, de violettes, de dahlias, de marguerites. Les bottes s’assombrissaient, pareilles à des taches de sang, pâlissaient doucement avec des gris argentés d’une grande délicatesse. Près d’une corbeille, une bougie allumée mettait là, sur tout le noir d’alentour, une chanson aiguë de couleur, les panachures vives des marguerites, le rouge saignant des dahlias, le bleuissement des violettes, les chairs vivantes des roses. Et rien n’était plus doux ni plus printanier que les tendresses de ce parfum rencontrées sur un trottoir, au sortir des souffles âpres de la marée et de la senteur pestilentielle des beurres et des fromages.

 

Le ventre de Paris, Emie Zola. Livre de poche.

17/11/2012

Noir: ton doigt sur ma lèvre, de Michel Gerbal

Paul Gauguin, Te Arii Vahine (La femme du roi), 1896, Huile sur toile, 139 cm x 100 cm,  Te Arii Vahine/P.Gauguin/1896, Moscou, Musée Pouchkine

 

Noir: ton doigt sur ma lèvre.
Rouge, la miette: de piment sur ta lèvre.
Noire, noire, ta lèvre.
Natifs: l'or et l'argent à tes doigts.
Blanches tes dents et terre tes tresses.
Femme: ton ventre.
Vert: le fruit dedans.
Orange ta langue: ta langue.
Sombre, violette, ta lagune, la parole, lancéolée à chacun de tes doigts, la caresse.
Nous avons décrit ce que nous savions décrire,
- et le reste, n'est-ce pas cela qui nous écrit:
le bien, le mal, et la caresse.
Et maintenant, nous émigrons à l'intérieur de toi.

 

Texte de Michel Gerbal, inédit  © 2012 Michel Gerbal - TOUS DROITS RÉSERVÉS (que je remercie).

http://feudesouffles.blogspot.com/

 

14/11/2012

Salamandre, de Pascal Commère

 

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Dessin couleur de reptile d'après "Dictionnaire universel d'histoire naturelle" Atlas Zoologie Tome 2 reptiles et poissons par C. d'Orbigny - Paris


Un autre jour sur le canal – on dit 
cela ici pour dire le halage : 
une salamandre morte, out peut-être pas 
et quand je la prends dans ma main, elle bouge 
très faiblement. Et moi je pense 
dans le monde fragile à toutes les choses 
comme ça presque mortes ou pas encore, 
et cela dans le froid remue – ventre étroit, 
pâte pleine la couleur prise, le jaune très épais 
dans sa propre couleur. Ou c’est peut-être 
de la bave, ou le gris lentement qui vient,  
ciel et cailloux – le froid 
 

Pascal Commère, Des Laines qui éclairent, anthologie (1978-2009), co-édition Obsidiane/Le Temps qu’il fait, 2012 p. 166 . Merci à Poézibao

11/11/2012

Le monde vert, d'Henry Bauchau

 

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Ta musique était de feuilles légères

Ton amour était l'habitant de l'air 

Et quand tu voulais revenir à terre

Tu reprenais pied dans le monde vert


Poésies complètes, La pierre sans chagrin, L'été, p 142

Illustration: source

 

10/11/2012

Leonard de Vinci et la couleur

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vinci - Annunciation. 1472-1475. Tempera on wood. 98 x 217 cm. Uffizi Gallery, Florence, Italy.

Le noir a sa beauté dans les ombres, le blanc dans ses lumières, le bleu, le vert et le brun dans les ombres moyennes, le jaune et le rouge dans la lumière, l'or dans les reflets, et la laque dans les ombres moyennes."

Suite ICI

Léonard de Vinci, Les carnets, trad. Louise Servicen, Paris, Gallimard, 1942, coll. « Tel », 1987

04/11/2012

De nuit, de Georges Trakl

 

Le bleu de mes yeux s’est éteint dans cette nuit,
L’or rouge de mon cœur. O ! Le silence de la lampe allumée.
Ton manteau bleu enveloppa celui qui tombait.
Tes lèvres rouges scellèrent l’enténèbrement de l’ami.


Poèmes, traduits et présentés par Guillevic, éditions Obsidiane, 1986, réédité (Vingt poèmes de Georg Trakl) en 2006, p. 35.

Pastel de 1879 de Giuseppe de Nittis (1846-1884) 

29/10/2012

Frantisek Kupka, (1871-1957), un des maîtres de l’abstraction

kupka 2.jpg

Plans verticaux I, 1912-1913 Huile sur toile 150 x 94 cm Acquisition en 1936 JP 807 P © Adagp, Paris 20, Centre Pompidou

 

 

« Adieu, pauvres peintres, obligés de voler des costumes dans les loges des comédiens pour parsemer vos toiles de quelques taches de couleurs osées ! Adieu, artistes-décorateurs, appliqués à l'instar des tapissiers et des modistes, à harmoniser matières et objets colorés ! Vous avez oublié que le sens des couleurs se trouve en vous-mêmes. C'est là qu'il faut aller le chercher. »


Suite ICI

23/10/2012

Confections, de Paul Eluard

 

lesser ury.jpg

Les arbres blancs les arbres noirs

Sont plus jeunes que la nature

Il faut pour retrouver ce hasard de naissance

Vieillir

 

A toute épreuve, Gérald Cramer éditeur édition de 1958

Tableau de Lesser Ury (1861-1931)

19/10/2012

La rose noire, Zbigniew Herbert

 [brett walker]


elle apparaît

noire

aux yeux aveuglés

par la chaux

 

elle effleure l'air

et se fige

diamant

rose noire

dans le chaos des planètes

 

jouant

du pipeau de l'imagination

fais sortir

les couleurs

de la rose

noire

comme un souvenir

de la ville calcinée

 

le violet — pour le poison et la cathédrale

le rouge — pour le bifteck et le roi

l'azur — pour l'horloge

le jaune — pour l'os et l'océan

le vert — pour la jeune fille changée en arbre

le blanc — pour le blanc

 

Zbigniew Herbert,  Corde de lumière, Œuvres poétiques complètes I, édition bilingue, traduit du polonais par Brigitte Gautier, Le Bruit du temps, 2011, p. 393.

Photo de Brett Walker

18/10/2012

Le point de rosée, de Heather Dohollau

 


Ce qui est là dans le là
Point à la ligne
Retour insurgé
D’un seuil de blanc
Et distance conçue
Comme parcours sans bord
Mais vrillé dans l’espace
D’une voie étroite
Main courant dans le temps
De l’arc-en-ciel
Chaque couleur a sa place
De simple appui

L’instant est le creux
Où tombent les choses
Ourlées de lumière
Bercées de l’ombre
Par la fenêtre
Le bleu se loge aux yeux
Les livres habitent leur marge
Et blanc sur noir
En créent un singulier
De présences réelles
Venus de loin
Les tableaux montent aux murs


Heather Dohollau, Le point de rosée, Folle Avoine 1999, p. 14.
Tableau de  Nicolas de Staël

 

06/10/2012

Poésie I, de Georges Schéhadé

 


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Chaque été il y aura donc pour moi

Une nouvelle mélancolie

Et je vous aime comme ce que je vous dis

Pour un cheval blanc comme l'hiver

Les brises se dépouillent des rosées

Et les oiseaux meurent des blessures de la mer

Couronnez l'amour qui tient un arc

Une hirondelle a longé le soir

Elle est sans couleur sans force

Cette saison ne passera pas sans un nouvel astre

Son azur est chaud de toutes les nuits

 

Poésie Gallimard. Extrait de "Les Poésies"

Aquarelle d'Emil Nolde


03/10/2012

Couleur et son, par le docteur Michel Cavay

sc arch11 ARCHITECTURE >>> Une école de musique à Tokyo

sc arch2 ARCHITECTURE >>> Une école de musique à Tokyo

La célèbre école de musique « Senzoku Kaguen College of Music’s » de Tokyo, vient de mettre la couleur au service de ses étudiants. Le studio Japonais Teradadesign & Architects est à l’origine de ce concept acidulé

 

Extrait d'un texte du docteur Michel Cavay dans le cadre d'une intervention sur Architecture et lieu de vie du dément.

"Les deux sens principaux de l'homme sont la vision et l'audition. Ce sont les deux sens qui lui permettent de connaître les choses qui sont à distance de lui. Mais il suffit de réfléchir pour constater qu'il existe entre les deux sens une différence importante.

Je ne vois en effet que ce qui passe sous mon regard, en simplifiant je dirais que pour voir il faut regarder. La vision est le sens qui me permet d'observer, de viser, d'épier, de surveiller, c'est le sens qui me sert à attaquer.

Mais si je ne peux rien savoir de ce qui se déroule derrière moi, par contre je peux fort bien entendre. Le bruit s'impose à moi, et le rôle de l'audition est avant tout un sens d'alerte. On a beau dire au guetteur : « Ouvrez l'œil » , ce qu'on attend de lui c'est qu'il tende l'oreille. Bref, si la vision est le sens de l'attaque, l'audition est le sens qui me sert à me défendre.

S'il est nécessaire de regarder pour voir il n'est pas nécessaire d'écouter pour entendre. C'est la conscience qui vient compliquer ce schéma en offrant des filtres : je peux ainsi refuser de voir ce que je regarde, ou d'écouter ce que j'entends. Mais du fait qu'en principe je dois regarder pour voir alors qu'il ne m'est pas nécessaire d'écouter pour entendre, la vision concerne davantage la conscience et l'audition davantage l'inconscient (quand je dis « ça me parle « , je ne suis pas dans le même registre que quand je dis « ça me regarde ») ; en caricaturant on pourrait dire que voir est une affaire de néocortex, entendre est une affaire de paléocortex.

Reprenons maintenant notre sujet : la vision. Voir, c'est voir des formes et des couleurs. Et de ce point de vue il y a deux choses à considérer.

La fonction la plus évidente de la couleur est d'attirer notre attention. Dans ce qui passe dans notre champ visuel ce que nous remarquons en premier ce sont les objets aux couleurs les plus vives. Il suffit de cette remarque pour concevoir que de ce point de vue la couleur a quelque chose à voir avec le son : une couleur intense s'impose au même titre qu'un bruit intense, et c'est bien pourquoi on parle de « couleur éclatante »  . Et on sait que la couleur est utilisée différemment dans le règne animal et dans le règne végétal : si les fleurs sont colorées, c'est pour attirer l'attention des insectes dont leur survie dépend ; les animaux, eux, ambitionnent davantage de passer inaperçus.

Parce que la couleur a à voir avec l'audition, elle a à voir avec l'inconscient. La manière dont les couleurs nous influencent est souvent très discrète, au point que bien souvent nous ne savons même pas de quelle couleur il s'agit. Ce langage n'en est pas moins très précis. C'est de cette manière qu'on cherche les cèpes : on ne peut se guider sur la forme car les cèpes sont souvent cachés sous la mousse ; pour les trouver il faut renoncer à chercher des formes, il faut se placer dans un état d' « attention flottante » superposable à celui dont parlent les psychanalystes, et s'intéresser aux couleurs. C'est alors certains tons de brun, des tons que pourtant on ne saurait même pas décrire, qui permettent de trouver son butin.

Docteur Michel Cavey 24/06/2004  Source: http://alois.a.free.fr/temoignages/couleurs.htm

29/09/2012

La couleur de l'ombre, de Catherine Delhom



Sur les pétales d’un lys blanc, effleurer d’un bleu d’outremer très dilué
Nuancer de sépia dans les creux près du cœur, juste un peu
Laisser le papier vierge, rien que du clair
Les profondeurs d’une rose rouge aimeront mieux un zeste de vert émeraude
Du bleu de prusse parfois, mais rien de plus
Le coquelicot est plus délicat, il vaut mieux rester dans des tons chauds
Du carmin ou du rose thyrien sur du vermillon…
Les feuilles vertes sont une terreur, parfois diluer du bleu, ou un soupçon de rose
Une pomme tombée fera sur le papier un halo doux de ceruleum et ombre brûlée
Un arbre un jour de soleil tâche l’herbe d’un ton lavande
Comme celui des montagnes un soir d’été

Elle est là pour la lumière qu’on ne verrait pas sans elle
Jamais de brun, de gris, de noir trop tristes

Elle est froide, chaude, sombre, légère

L’ombre n’existe pas, elle est une illusion


Aquarelle et texte de Catherine Delhom . Tous droits réservés. http://catherinedelhom.over-blog.com/