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28/09/2012

Florence Olmi, artiste mosaïste, ou l'Art d'embellir nos jardins

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Florence Olmi est une artiste mosaïste qui a un talent fou et elle à l'art d'embellir nos jardins ! Ces Atm'0'Sphères me font rêver...A utiliser sans médération dans tous les bassins d'eau!

 http://florenceolmi.canalblog.com/albums/mosaique_pour_le_jardin/index.html

 

26/09/2012

Rue du regard, de Jean Frémont

Les Époux Arnolfini ,peinture sur bois (82 x 60 cm) de Jan van Eyck datant de 1434. Il représente Giovanni Arnolfini, riche marchand toscan établi à Bruges et son épouse Giovanna Cenami. 

 

 La très étroite bande verticale de paysage qui se découpe entre le mur et le volet à demi fermé de la fenêtre qui éclaire la chambre nuptiale où les époux Arnolfini se tiennent , debout, par la main, est très irréelle. Très imaginaire.


   Par une effet de métonymie, on a coutume d'appeler Figure un tableau plus haut que large, parce qu'il est plutôt approprié au portrait, buste, mi-corps ou en pied, et Paysage un tableau plus large que haut. (Par la vertu d'une seule ligne horizontale, un sol et un ciel sont là, c'est un paysage, le reste est facultatif. Il serait amusant de chercher les exceptions — Corot, il peint les arbres comme des figures, Constable aussi.)


   Verticale, la bande de paysage des Arnolfini est plus une figure qu'un paysage, c'est l'intrusion, à dose infinitésimale, comme par une meurtrière, du mythe du paradis perdu dans le rite matrimonial. Adam et Éve, chassés par Mantegna, ont retrouvé un bercail. Il est cossu, il est même sacré, on est près de se déchausser !


   Sur l'appui de la fenêtre, comme oubliée là par mégarde, une pomme, en pleine lumière, avec sa petite ombre portée, vient opportunément rappeler l'innocence d'avant la chute.


   Jan Van Eyck était là.

 

Jean Frémon, Rue du Regard, P. O. L, 2012, p. 199-200.

 

22/09/2012

Je m'embête, de Francis Jammes

 

Je m'embête; cueillez-moi des jeunes filles
et des iris bleus à l'ombre des charmilles
où les papillons bleus dansent à midi,
parce que je m'embête
et que je veux voir de petites bêtes
rouges sur les choux, les ails (on dit aulx), les lys.
Je m'embête.

Ces vers que je fais m'embêtent aussi,
et mon chien se met à loucher, assis,
en écoutant la pendule
qui l'embête comme je m'embête.
Vraiment ces trois cils de ce chien de chasse,
de ce chien de poète,
sont cocasses.

Je voudrais savoir peindre. Je peindrais
une prairie bleue, avec des mousserons,
où des jeunes filles nues danseraient en rond
autour d'un vieux botaniste désespéré,
porteur d'un panama et d'une boîte verte
et d'un énorme filet à papillons
vert.

Car j'apprécie les jeunes filles
et les gravures excessivement coloriées
où l'on voit un vieux botaniste éreinté
qui longe un torrent et se dirige
vers l'auberge.



De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir (1898)

Tableau d'Henri Matisse,Danse 1, 1909, MoMA

19/09/2012

Marc Chagall et la couleur

 

La couleur est tout. quand la couleur est juste, la forme est juste. la couleur est chaque chose, la couleur est vibration comme la musique; chaque chose est vibration.

Marc Chagall

Les Trois Bougies, 1938

18/09/2012

Le bleu, Joachim Patinir, John Ruskin


Joachim Patinir (1475-1524), Paysage au bord du lac, Huile sur cuivre, 18,2 cm x 24 cm, Musée de Cahors Henri-Martin


"La couleur bleue est éternellement vouée par les dieux à être une source de délices".

John Ruskin (1819-1900)

 

17/09/2012

Les Yeux d'Elsa , d'Aragon

 

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa


Extrait des" yeux d'Elsa, Editions Seguers

Photo d'Edward Weston : Portrait de Cela Olin Nahui (vers 1920)

16/09/2012

Ophélie, d'Arthur Rimbaud

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Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte trés lentement, couchée en ses longs voiles...
On entend dans les bois lointains des hallalis.
 
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
 
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
 
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
 
ô pale Ophélia! belle comme la neige!
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
C'est que les vents tombant des grands monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;
 
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton coeur écoutait le chant de la nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits;
 
C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux!
 
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
Et l'infini terrible effara ton oeil bleu !
 
Et le poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.


Arthur Rimbaud, Poésies, Livre de poche
Tableau de John Everett Millais, Ophelia (1852), Canvas 76 x 102 cm, Tate Gallery, London.  

15/09/2012

La vie fragile, de Pierre Reverdy

 

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Le 2 septembre 2012, à I.&H ses amis @pierre gaudu


Plus loin entre la plante grasse et le ride

Dresser l'échelle

Les formes qui remuent dans le fond du jardin

d'autres noires

Selon le mouvement brutal du réflecteur

              Les maillots des arbres sont roses

Mais au premier plan une main tient la clef du cœur

Un couple ailé marche dans des couleurs qui changent

                     Celui qui vole bas c'est l'homme

                          Celui qui va à pied c'est l'ange

Les yeux luttent dans la lumière

                      La lampe fraîche du matin

Un fil cassé descend derrière

                      La tête nue s'incline et barre le chemin

                      Tout le reste est recouvert de feuilles mortes

Quant au ciel il s'ouvre par le fond et de côté mais en triangle

 

Pierre Reverdy, La Guitare endormie. [1919], dans Œuvres complètes I, édition préparée, présentée et annotée par Étienne-Alain Hubert, "Mille&unepages", Flammarion, 2010, p. 262.

Photo  @pierre gaudu . Cette photo est propriété de son auteur et toute reproduction est interdite sans le consentement explicite de l'auteur. 

http://www.artnova-connect.com/

http://pierre-gaudu.over-blog.com/


 

 


13/09/2012

Fernand Léger et la couleur


"La couleur est une nécessité vitale. C'est une matière première indispensable à la vie, comme l'eau et le feu. On ne peut concevoir l'existence des hommes sans une ambiance colorée. Les plantes, les animaux se colorent naturellement: l'homme s'habille en couleurs. Son action n'est pas que décorative; elle est psychologique. Liée à la lumière, elle devient intensité; elle devient un besoin social et humain».


La grande parade,1954. Oil on canvas, (299.1 x 400.1 cm). Solomon R. Guggenheim Museum, New York  62.1619. © 2012 Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris

http://www.musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/

Pour les enfants et les raffinés (extrait), de Max Jacob

Queen of Cuddles (2010), Rina Banerjee.jpg

 

Et à Paris papa chéri
Fais à Paris 
Qu'est-ce que tu me donnes à Paris?
Je te donne pour ta fête 
Un chapeau noisette
Un petit sac en satin
Pour le tenir à la main 
Un parasol en soie blanche
Avec des glands 
sur le manche 
Un habit doré sur tranche 
Des souliers couleur orange
Ne les mets que le dimanche
Un collier des bijoux 
Tiou!


Les Oeuvres burlesques et mystiques de Frère Matorel

Tableau de Rina Banerjee , Queen of cuddles (2010)

 

 

09/09/2012

Liberté, de Norge

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A quoi bon semer des miettes blanches
derrière soi
comme Petit-Poucet
pour retrouver sa route
puisque les oiseaux les mangeront.

 

Sois plus sage, ô moi-même
et apprends à aimer
ton incertitude et ta détresse

 

Marin de la mer nue,
marin ivre de la mer périlleuse
aux routes sans souvenir, 
aux dures bises salines.

 

Sois donc sage, puisque des oiseaux
avides mangeraient quand même
tes miettes blanches.

 

Et maintenant, tu peux bâtir
au style de ta fantaisie
tes fluides châteaux de carte,

 

poète.

 

Norge, Poésie, 1923-1988, Poésie/Gallimard, 1990, p. 20

Aquarelle d'Emil Nolde http://www.nolde-stiftung.de/

 

08/09/2012

Coin de tableau, de Charles Cros

 

 

Tiède et blanc était le sein.
Toute blanche était la chatte.
Le sein soulevait la chatte.
La chatte griffait le sein.

Les oreilles de la chatte
Faisaient ombre sur le sein.
Rose était le bout du sein,
Comme le nez de la chatte.

Un signe noir sur le sein
Intrigua longtemps la chatte ;
Puis, vers d’autres jeux, la chatte
Courut, laissant nu le sein.


Le coffret de santal, Gallimard Poésie

Félix Vallotton. La paresse. Xylogravure, 1897.

06/09/2012

Carnets 1952-1956, d'André du Bouchet

 

un poème — qu’est-ce — rien

et pourtant le monde était là

comme le vent dans les tiges

le monde est là — comme le

vent dans les tiges

et aux confins bleus du monde


André du Bouchet, Carnets 1952-1956,Plon, 1990, p.75

Illustration: ©pierre gaudu , "giboulée", encre, 16x12 cm, 1986

tous droits réservés... Avant toute diffusion, échange ou partage merci de bien vouloir demander

l'accord de Pierre Gaudu. 

http://www.artnova-connect.com/

 

04/09/2012

Lumière du Nord (Extrait), de Heather Dohollau

   

 


    Près d'une lampe une femme lit dans la nuit
    Tout semble attendre, les chaises, le poêle, la table
    Protègent la suite, un rideau blanc
    Retient sa chute pour laisser à l'obscur
    De l'autre côté des vitres, droit de regard
    Une scène muette de vie où les présences parlent
    Des mots de silence, traversant de leur souffle
    Le poids du réel et aux miroir des yeux
    Les couleurs de la chambre habillent les êtres
    D'un lointain proche au cercle naissant de l'ombre

.
.

                                                              Le soir 

 

Extrait de  Lumière du nord, Recueil  Pages Aquarellées, 1989, Edition Folle Avoine

Tableau d'Edouard Vuillard, Scène d'intérieur, Huille sur toile, 1896/1897, Collection privée

27/07/2012

La vagabonde (extrait), de Colette

 

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Je palpe amoureusement la pierre chaude au temple ruiné, et la feuille vernie des fusains, qui semble mouillée. Les bains de Diane, où je me penche, mirent encore et toujours des arbres de Judée, de térébinthes, des pins, des paulownias fleuris de mauve et des épines doubles purpurines. Tout un jardin de reflets se renverse au-dessus de moi et tourne décomposé dans l'eau d'aigue-marine au bleu obscur, au violet de pêche meurtrie, au marron de sang sec...Le beau jardin, le beau silence, où seule se débat sourdement l'eau impérieuse et verte, transparente, sombre, bleue et brillante comme un vif dragon!...

Une double allée harmonieuse monte vers la tour Magne entre les murailles ciselée d'ifs, et je me repose une minute au bord d'une auge de pierre, où l'eau ternie est verte de cresson fin et de rainettes bavardes aux petites mains délicates...Là haut, tout en haut, un lit sec d'aiguilles nous reçoit, moi et mon tourment.


La vagabonde, Collection Bouquins, page 929

Photo de Coline Termash

 

18/07/2012

L'amoureuse, de Paul Eluard

 

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Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

 

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s’évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.

 

Paul Éluard, Mourir de ne pas mourir, 1924, repris dans Capitale de la douleur, Gallimard, 1926, p. 55, et Pléiade, Gallimard, 1968, tome I, p. 140.               Encre "Incomplétude boréale" de Pierre Gaudu, que je remercie. Vous pouvez retrouver son travail sur les sites suivants:

07/07/2012

Testament, de Maria Elena VIEIRA DA SILVA


" Je lègue à mes amis
un bleu céruléum pour voler haut
un bleu de cobalt pour le bonheur
un bleu d'outremer pour stimuler l'esprit
un vermillon pour faire circuler le sang allègrement
un vert mouse pour apaiser les nerfs
un jaune d'or : richesse
un violet de cobalt pour la rêverie
une garance qui fait entendre le violoncelle
un jaune barite : science-fiction, brillance, éclat
un ocre jaune pour accepter la terre
un vert Véronèse pour la mémoire du printemps
un indigo pour pouvoir accorder l'esprit à l'orage
un orange pour exercer la vue d'un citronnier au loin
un jaune citron pour la grâce
un blanc pur : pureté
terre de sienne naturelle : la transmission de l'or
un noir somptueux pour voir Titien
une terre d'ombre naturelle pour mieux accepter la mélancolie noire
une terre de sienne brûlée pour le sentiment de la durée. "

Née à Lisbonne en 1908, l’artiste portugaise s’est exilée en France dès 1928 où elle a été une des fondatrices de l’école de Paris. En 1930, elle épouse le peintre hongrois Arpad Szenes (mort en 1985). D’abord figurative, au milieu des années 1930, Maria Helena Vieira da Silva ébauche son style en forme de patchwork qui la rendra mondialement célèbre. En 1938, elle accueille dans son atelier parisien le jeune peintres, Nicolas de Staël. C’est dans les années 1950 qu’elle se positionne comme un peintre de premier plan. Elle est morte à paris en 1992.

Oil on marouflaged cardboard on canvas Size: 31 x 46,5 cm. 1949

27/06/2012

A la mystérieuse, de Robert Desnos

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Non, l'amour n'est pas mort en ce coeur et ces yeux et cette bouche qui proclamait ses funérailles commencées.
Écoutez, j'en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme.
J'aime l'amour, sa tendresse et sa cruauté.
Mon amour n'a qu'un seul nom, qu'une seule forme.
Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche.
Mon amour n'a qu'un nom, qu'une forme.
Et si quelque jour tu t'en souviens
Ô toi, forme et nom de mon amour, 
Un jour sur la mer entre l'Amérique et l'Europe,
À l'heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues, ou bien une nuit d'orage sous un arbre dans la campagne, ou dans une rapide automobile,
Un matin de printemps boulevard Malesherbes,
Un jour de pluie,
À l'aube avant de te coucher,
Dis-toi, je l'ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t'aimer davantage et qu'il est dommage que tu ne l'aies pas connu.
Dis-toi qu'il ne faut pas regretter les choses: Ronsard avant moi et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes qui méprisèrent le plus pur amour,
Toi, quand tu seras morte,
Tu seras belle et toujours désirable.
Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l'éternité, mais si je vis
Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,
L'odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d'autres choses encore vivront en moi,
En moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,
Moi qui suis Robert Desnos et qui, pour t'avoir connue et aimée,
Les vaux bien.
Moi qui suis Robert Desnos, pour t'aimer
Et qui ne veux pas attacher d'autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable. 

 

Corps et biens, 1926

Photo de Pierre Gaudu (Regards Croisés, présenté dans le cadre de l'Exposition au  Musée Hébert - Grenoble/la Tronche du qui s'est déroulé du 1er Oct. au 31 Déc 2011. http://pierregaudu.over-blog.com/

 

23/06/2012

Epoque de la couleur, de Jean-Claude Pinson

Considérée dans la longue durée, la variabilité historique laisse apercevoir, comme autant de basses continues jouant leur ostinato, des époques de la couleur. On dira ainsi que l'âge moderne, celui que définit, selon Heidegger, la domination planétaire de la technique, est d'abord caractérisé par un relatif effacement des couleurs. L'avènement de la modernité scientifique et technique, ayant pour conséquence l'apparition et le développement de la grande industrie, engendre un monde qui est d'abord celui du noir et blanc.

   Notre aujourd'hui, à l'inverse, voit la couleur triompher. Et ce triomphe témoigne de l'entrée dans une nouvelle époque, où l'image indéfiniment reproductible n'a cessé d'étendre son empire en même temps que le mode de vie consumériste s'étendait progressivement à toute la planète ou presque. Il témoigne d'un passage du moderne au post-moderne (du moins si l'on saisit cette césure sous l'angle de la logique  culturelle du capitalisme tardif et en des termes plus civilisationnels qu'étroitement esthétiques). — Dans l'ordre non seulement olfactif mais dans celui du goût (en tant que marqueur essentiel d'unéthos) la massive substitution du tabac blond au tabac brun traduit de façon significative ce passage.

   Toute proposition "épochale" est aventureuse, peu ou prou spéculative. Car sur quoi s'appuie-t-elle en dernier ressort, sinon sur une intuition, un sentiment d'époque, inévitablement subjectif et d'une factualité bien peu saisissable. Elle excède cependant la simple impression subjective, dès lors que le sentiment réfléchi sur lequel cette proposition se fonde procède d'une écoute de ce que Mandelstam appelait "le bruit du temps". « Je désire, écrit le poète russe dans le livre éponyme, non pas parler de moi, mais épier le siècle, le bruit et la germination du temps. » Alors peut-être entendra-t-on bruire, dans l'expérience individuelle et son vécu propre (Erlebnis) la rumeur d'une expérience commune et partageable (Erfahrung).

 

Jean-Claude Pinson, Habiter la couleur, suivi de De la mocheté, Nantes, éditions Cécile Defaut, 2011, p. 54-55.

Tableau Gerhard Richter.Claudius, 1986, huile sur toile, 311 x 406 cm, collection de Landesbank Baden-Württemberg. © Gerhard Richter

19/06/2012

Les trois soeurs (extrait) de René Char

 

Fichier:Vermeer, Johannes - Woman reading a letter - ca. 1662-1663.jpg


Mon amour à la robe de phare bleu,
je baise la fièvre de ton visage
où couche la lumière qui jouit en secret.

J'aime et je sanglote. Je suis vivant
et c'est ton coeur cette Etoile du Matin
à la durée victorieuse qui rougit avant
de rompre le combat des Constellations.

Hors de toi, que ma chair devienne la voile
qui répugne au vent.

 

Extrait des Trois soeurs

Tableau de Johannes Veermer (peint vers 1662, 1663) ? huile sur toile, 46,5x39 cm. Musée Rijksmuseum Amsterdam
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