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07/02/2012

Lichens 3, de Jacques Dupin

 

 

Ce que je vois et que je tais m'épouvante. Ce dont je parle, et que j'ignore, me délivre. Ne me délivre pas. Toutes mes nuits suffiront-elles à décomposer cet éclair? O visage aperçu, inoxerable et martelé par l'air aveugle et blanc!

 

A l'aplomb, Lichens 3. L'embrasure Poésie Gallimard p 54

Tableau de Tapiès

05/02/2012

La chevelure, de Baudelaire


O toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans les profondeurs, forêt aromatique!
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève!
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse!
Infinis bercements du loisir embaumé!

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde!
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir?

 

Les Fleurs du mal


© Pierre Gaudu.Dessin plume et encre, 65cm x 25 cm

http://www.flickr.com/photos/pierregaudu/6816344359/sizes...

http://www.artnova-connect.com/les-artistes/85-pierre-gau...

 

 

28/01/2012

La mélancolie (1532) de Lucas Cranach

 

(à propos de ce tableau La mélancolie (1532) de Lucas Cranach

"Vêtue de rouge, une femme ailée s'emploie à tailler une baguette. Pourquoi cette couleur, dans une œuvre placée sous le signe de la bile noire ? Je soutiens, après d'autres, que le peintre adopte une position anti-humaniste : loin de valoriser la mélancolie, il rejette l'idée ficinienne d'un mélancolique inspiré et génial. Son point de vue est religieux : nous sommes en pleine Réforme, et Cranach (comme Melanchthon ou Luther ) voit dans la mélancolie un péché. Plus qu'au génie, il faut penser au salut. À cette fin, l'artiste met en scène une séduction : sa Mélancolie est séductrice, ravissante et dangereuse, parce qu'elle nous détourne du droit chemin. Dans sa robe couleur de sang, la coquette nous fait de l'œil, avant de nous expédier – par un dispositif génial ! – au fond du tableau, vers un nuage noir qui préfigure l'enfer. La mélancolie, nous dit en somme Cranach, est une traîtresse qui se déguise en son contraire. Le rouge et le noir jouent ici, comme souvent, des rôles opposés et complémentaires.

 

Exttrait d'un entretien d' Yves Hersant dans Mag Philo  http://www2.cndp.fr/magphilo/philo16/hersant.htm

27/01/2012

Des yeux pour entendre, (extrait) Oliviers Sacks

 

 


Je n’entendais plus les sons, je les voyais. […] L’orchestre était comme un peintre. Il me submergeait de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Quand le violon jouait, j’étais soudain empli d’or et de feu, et de rouge si vif que je ne pouvais me souvenir l’avoir vu auparavant sur aucun objet. Quand c’était le tour du hautbois, un vert clair me traversait, si frais qu’il me semblait percevoir le souffle de la nuit.


Oliver Sacks (citant Jacques Lusseyran). Des yeux pour entendre. Seuil, 1996.

Tableau de Joan Mitchell (1925-1992)



26/01/2012

Proust et la couleur....


Geisha Walk


« Il n' y a que les femmes qui ne savent pas s'habiller qui craignent la couleur. On peut être éclatante sans vulgarité et douce sans fadeur.  »

Citation extraite de Sodome et Gomorrhe

Auteur de l'illustration inconnu...


24/01/2012

(Oriolidés) & Ictéridés, de Fabienne Raphoz

 

Jan Van Kessel I (1626-1679)
Bird Tree, 17th century


(Oriolidés) & Ictéridés

Le sphécothère est un loriot

Tous les loriots piquent rouge sauf le Loriot ensanglanté le Loriot pourpré

Et le Loriot argenté – qui portent rouge – et les trois sphécothères – qui

voient rouge

Penser loriot c’est penser jaune or comme en latin pour un Européen un

Africain un Philippin un Indien un Chinois mais par pour un Australien

qui pensera vert comme en grec ni un Papou un Moluquais un Timorais

qui pensera brun

Le Loriot d’Europe est un court pendu un orgelet un lirou ar glazaour un

pendulo un pirol un rigogolo ein Herr von Bülau ein Schulz von Taran ein

Koch von Kulan eine Bierule  ein Regenvogel

Pour tout le vieux Continent siffler loriot c’est siffler beau


Jeux d'oiseaux dans un ciel vide augures, Ediditions Héros-Limite, p 181

Tableau de Jan  Van Kessel I (1626-1679), l'Arbre à oiseaux

21/01/2012

« Il faut regarder toute la vie avec des yeux d'enfants », d'Henri Matisse

CRÉER, c'est le propre de l'artiste ; - où il n'y a pas de création, l'art n'existe pas. Mais on se tromperait si l'on attribuait ce pouvoir créateur à un don inné. En matière d'art, le créateur authentique n'est pas seulement un être doué, c'est un homme qui a su ordonner en vue de leur fin tout un faisceau d'activités, dont l'œuvre d'art est le résultat. C'est ainsi que pour l'artiste, la création commence à la vision. Voir, c'est déjà une opération créatrice, ce qui exige un effort. Tout ce que nous voyons, dans la vie courante, subit plus ou moins la déformation qu'engendrent les habitudes acquises, et le fait est peut-être plus sensible en une époque comme la nôtre, où cinéma, publicité et magazines nous imposent quotidiennement un flot d'images toutes faites, qui sont un peu, dans l'ordre de la vision, ce qu'est le préjugé dans l'ordre de l'intelligence. L'effort nécessaire pour s'en dégager exige une sorte de courage ; et ce courage est indispensable à l'artiste qui doit voir toutes choses comme s'il les voyait pour la première fois: il faut voir toute la vie comme lorsqu'on était enfant ; et la perte de cette possibilité vous enlève celle de vous exprimer de façon originale, c'est-à-dire personnelle. 

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15/01/2012

Salomé, (extrait), d'Oscar Wilde

 

samomé,osacar wilde,rouge,andrew wyeth,overflow 1978

 

Ta bouche est comme une bande écarlate sur une tour d'ivoire. Elle est comme une pomme de grenade coupée par un couteau d'ivoire. Les fleurs de grenade qui fleurissent dans les Jardins de Tyr et qui sont plus rouges que les roses, ne sont pas aussi rouges. Les cris rouges des trompettes qui annoncent l'arrivée des rois, et font peur à l'ennemi, ne sont pas aussi rouges. Ta bouche est plus rouge que les pieds de ceux qui foulent le vin dans les pressoirs. Elle est plus rouge que les pieds des colombes qui demeurrent dans les temples et sont nourries par les prêtres Elle est plus rouge que les pieds de celui qui revient d'une forêt où il a tué un lion et vu des tigres dorés. Ta bouche est comme une branche de corail que les pêcheurs ont trouvé dans le crépuscule de la mer et qu'ils réservent pour les rois...!(...) Il n'y a rien au monde d'aussi rouge que ta bouche...

 

 

Extrait de Salomé, d'Oscar Wilde

Gallhof, Wilhelm (1878 - 1918 ) The Coral Chain


04/01/2012

Les Lettres d’Idumée (extrait), de Marie Etienne

 

 

C-aspar David -Friedrich-peinture.jpg



Je vis d’un monde vide, couleur de sable, on m’y attend, on m’y contente. J’y suis la proie et la traverse, la beauté rouge le mécompte, votre perte l’a fait, a fait de moi cette passante au soir couchée dans l’encre mauve, dans la fraîcheur dans les jardins le froid, dans la buée la lune, derrière l’église.

Au bord de mon voyage des silhouettes brunes ont l’immobilité de ces statues de terre qu’interdisent les lois. Ce sont des hommes morts qui ne le savent pas.

Je suis l’arbre parfait mais je n’ai plus de chant.

Plaignez-moi car je vous en prie. 

 

Le Livre des recels, Collection Poésie chez Flammarion

 

Le blog de Marie Etienne http://leblogdemarieetienne.wordpress.com/   

Tableau de Caspar David Friedrich, (1775 1842L'abbaye dans le bois, 1809/1810 

03/01/2012

Ballade en rêve, de Paul verlaine

Irving Ramsey Wiles  - The Green Cushion 1895



J'ai rêvé d'elle, et nous nous pardonnions
Non pas nos torts, il n'en est en amour,

Mais l'absolu de nos opinions
Et que la vie ait pour nous pris ce tour.
Simple elle était comme au temps de ma cour,
En robe grise et verte et voilà tout,
(J'aimai toujours les femmes dans ce goût),
Et son langage était sincère et coi.
Mais quel émoi de me dire au débout :
J'ai rêvé d'elle et pas elle de moi.

Elle ni moi nous ne nous résignions
À plus souffrir pas plus tard que ce jour.
Ô nous revoir encore compagnons,
Chacun étant descendu de sa tour
Pour un baiser bien payé de retour !
Le beau projet ! Et nous étions debout,
Main dans la main, avec du sang qui bout
Et chante un fier 'donec gratus'. Mais quoi ?
C'était un songe, ô tristesse et dégoût !
J'ai rêvé d'elle et pas elle de moi.

Et nous suivions tes luisants fanions,
Soie et satin, ô Bonheur vainqueur, pour
Jusqu'à la mort, que d'ailleurs nous niions.
J'allais par les chemins, en troubadour,
Chantant, ballant, sans craindre ce pandour
Qui vous saute à la gorge et vous découd.
Elle évoquait la chère nuit d'Août
Où son aveu bas et lent me fit roi.
Moi, j'adorais ce retour qui m'absout.
J'ai rêvé d'elle et pas elle de moi !


Recueil "Chair" (1896)

Tableau de Irving Ramsey Wiles  - The Green Cushion 1895 

02/01/2012

Fleurs, d'Arthur Rimbaud

 

Alexis Anne Mackenzie.jpg

D'un gradin d'or, - parmi les cordons de soie, les gazes grises, les velours verts et les disques de cristal qui noircissent comme du bronze au soleil, - je vois la digitale s'ouvrir sur un tapis de filigranes d'argent, d'yeux et de chevelures.

Des pièces d'or jaune semées sur l'agate, des piliers d'acajou supportant un dôme d'émeraudes, des bouquets de satin blanc et de fines verges de rubis entourent la rose d'eau.

Tels qu'un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses.

 

Recueil Illuminations (1874)

Collage d''Alexis Anne Mackenzie. "Short Night of the Glass Dolls" (2010). Hand-cut collage on found paper, 12 x 14 inches.  Site internet : http://news.alexisanne.com/

 

 

01/01/2012

Iris, c'est votre bleu d'Ariane Dreyfus


                 George Lawrence Bulleid 1858-1933
Iris
watercolor
via rwa.org



Mais Dieu, surtout pas.
Ne mettez pas de mots vides dans votre bouche,
Hommes, regardez
Iris, malgré le mur,
Debout
C’est votre bleu.


Votre ligne, imaginons
Une plaie vivement recousue.


Votre broderie, sa joie se gonflant,
Quelques secondes d’amour par miracle successives.


Ici,
Du balancement le velours dressé,
Iris.

Je m’endors les mains sur toi.

Tu m’aimes si profondément qu’en dormant
Il y a ton visage pour le dire.


La nuit n’est pas noire.
Reconnaître ton sexe
A mon bonheur touché,
Fleur de l’infinie sculpture, fleur.


Plus rien de multiple.
La simplicité qui serait violente de te perdre,
qui serait d’un coup.


La vie simple vite tranchée
Serait mon visage dans la sciure.


Tu fermes les yeux pour que je les embrasse aussi,
C’est en confiance le ciel.


La langue dans le baiser, je dis la vérité.


Si j’ai la voix grave ?
Tantôt basse, tantôt soulevée dans le corps que tu cherches au milieu de tes mains.
Mes enfants grandissent, l’air passe. Serre-moi, toi qui es l’amour amour.

La vie éternelle n’est que mort, la vie veut seulement que les épaules frémissent l’une et l’autre et s’il fait froid, c’est qu’il n’y a pas de lumière sans qu’elle change.


La nuit les mains dansent obscurément.

Parfois le jour tu pars,
Je ramasse de l’invisible à plein courage.


 

Extrait de Iris, c'est votre bleu, éditions: Le Cahier astral

George Lawrence Bulleid 1858-1933 , Iris, huile sur toile

30/12/2011

Blanc seing, de Robert Desnos

 

poème;poésie,blanc seing,robert desnos

 

Hommes mangés aux mythes
il est trop tard pour soupeser vos tares
            aux cinq blancs seins si saints de n'être pas sains
            nous sommes soumis.
            L'appeau ? La peau, peau-pierre.
Aimez-vous la paupière des seins ?
Ces pots de peau simulent la pierre blanchie par les flots.
Pour mesurer ces seins p
r est inutile.
Ces pots de lait sont laids, je les abandonne aux faiseurs de lais.
Moi, j'aime l'épaule de la femme
                   les pôles de l'affame
                   et ses reins froids comme les cailloux du Rhin.



Corps et biens (1922)

Tableau de Steven Kenny à retrouver sur son site : 

http://wwww.stevenkenny.com 

28/12/2011

Sentier du nord, de Kenneth White

 
1.  
Eaux noires, où 
l’oie cendrée, le plongeon gris 
le saumon, la perche, la truite 
sont chez eux…. 
après dix jours sans nuage 
la pluie est revenue 
une bruine grise 
qui assombrit le lac 
et voile les collines 
 
2.  
Air froid de l’aurore 
ce rocher : 
traces de l’époque glaciaire 
et là un tertre 
poste de guet d’un renard 
(l’herbe a verdi  
sous ses excréments) 
 
3.  
Un bosquet de bouleaux 
brouillés de pluie 
le tronc 
blanchi 
d’un pin mort 
sur le sol tourbeux 
l’empreinte d’un cerf 
 
4.  
Un ruisseau gris 
des lichens
agrippés à une pierre 
et, solitaire 
une fleur 
arctique : 
étamines noires 
pétales blancs 
 
5.  
Là-bas 
parmi les rocs et les éboulis 
un ptarmigan 
franchit la crête. 
 

 
 
Kenneth White, Les rives du silence, traduit de l’anglais par Marie-Claude White, édition bilingue, Mercure de France 1997, p. 64 à 67  
 
Poème à retrouver également sur http://poezibao.typepad.com/

Photo de Pierre Gaudu 

 

25/12/2011

La Vierge à l'enfant, de Jean Fouquet

Fichier:Fouquet Madonna.jpg

 

Jean Fouquet, Vierge à l'Enfant entourée d'Anges (La Vierge du Diptyque de Melun, volet droit), 1450, bois (chêne), 94,5 x 85,5 cm, Antwerpen/Anvers, coll. Koninklijk Museum voor Schone Kunsten.


22/12/2011

Poème XXVIII, L'amour la poésie, de Paul Eluard

 

 

Rouge amoureuse

Pour prendre part à ton plaisir

Je me colore de douleur.

 

J'ai vécu tu fermes les yeux

Tu t'enfermes en moi

Accepte donc de vivre.

 

Tout ce qui se répète est incompréhensible

Tu nais dans un miroir

Devant mon ancienne image. 

 

Extrait de L'amour la poésie

Tableau de Francis Picabia

 

17/12/2011

Madonna mia , Oscar Wilde

474px-William-Adolphe_Bouguereau_(1825-1905)_-_Head_Of_A_Young_Girl_(1898).jpg

Une fillette, un lis, inapte à la douleur du monde,

Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,

Aux yeux charmeurs voilés de larmes folles,

Telle une eau d'un bleu pur dans un brouillard de pluie,

 

Et des joues pâles ignorantes des baisers,

Lèvres rouges qui ont toujours craint l'amour,

Gorge aussi blanche que gorge de colombe,

Sur le marbre de laquelle s'inscrit une veine de pourpre.

 

Pourtant, bien que mes lèvres ne cessent de te louer,

Je n'ose même pas embrasser ton pied,

Tant je suis assombri par les ailes de la peur,

 

Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,

Sous le poitrail en feu du Lion, lorsqu'il vit

La septième splendeur et l'escalier d'or (1).

 

Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille, dans op. cité., p. 13.

William-Adolphe Bouguereau (1825-1905) - Head Of A Young Girl (1898)

1 Allusion à un passage de Dante (Le Paradis, XXI, 13-15) : « Nous sommes élevés à la septième splendeur, / qui, sous le poitrail du lion ardent, / mêle maintenant ses rayons au siens » (traduction de Jacqueline Risset, Flammarion, 1996) [Note de la Pléiade, p. 1576].

Merci à Tristan Hordé pour cette contribution.

12/12/2011

Je suis né un jour bleu, de Daniel Tammet

 

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Je suis né le 31 janvier 1979 – un mercredi. Je sais que c’était un mercredi, parce que la date est bleue, dans mon esprit et les mercredis sont toujours bleus, comme le nombreneuf ou le son des voix bruyantes en train de se disputer. […] 

Les nombres sont mes amis et ils sont toujours présents autour de moi. Chacun est unique et a sa propre personnalité. Onze est amical et cinq est bruyant, alors que quatre est à la fois timide et silencieux – c’est mon nombre préféré. […] Certains nombres sont très beaux, comme trois cent trente-trois. […] Quatre-vingt-neuf me rappelle la neige qui tombe. […] 

Les émotions peuvent être difficiles pour moi, elles peuvent être difficile à comprendre alors j’utilise souvent les chiffres pour m’aider. Si un ami me dit qu’il se sent triste, je l’imagine en train d’être assis dans l’obscurité du nombre six et ça m’aide à ressentir ce même sentiment de tristesse. […] Les nombres m’aident à mieux comprendre les autres. […] 

Quand je regarde une séquence de chiffres, ma tête commence à se remplir de couleurs, de formes et de textures, qui se tissent ensemble spontanément pour former un paysage visuel. Ils sont toujours très beaux pour moi ; quand j’étais enfant je passais des heures à explorer les paysages de nombres dans mon esprit. 


Je suis né un jour bleu , édition J'ai lu (Plus d'information sur Daniel Tammet :   http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Tammet 

Illustration d' Elisabeth Coulognier," Panorama végetal", que je remercie .A retrouver sur ses  sites

 http://l-ivredematieresetdecouleurs.blogspot.com/ 

 http://l-ivredelettresetdecouleurs.blogspot.com/


'ai découvert ce texte en écoutant  l'émission de Jean-Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin du 10 décembre 2011, consacrée à la synesthésie :http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-dar...

09/12/2011

La vigne et la maison (Extrait), de Lamartine

       

la vigne et la maison,lamartine,corot

         Le mur est gris, la tuile est rousse,

        L’hiver a rongé le ciment;

        Des pierres disjointes la mousse

        Verdit l’humide fondement;

        Les gouttières, que rien n’essuie,

        Laissent, en rigoles de suie,

        S’égoutter le ciel pluvieux,

        Traçant sur la˙ vide demeure

        Ces noirs sillons par où l’on pleure,

        Que les veuves ont sous les yeux.

 

        La porte où file l’araignée,

        Qui n’entend plus le doux accueil,

        Reste immobile et dédaignée

        Et ne tourne plus sur son seuil;

        Les volets que le moineau souille,

        Détachés de leurs gonds de rouille,

        Battent nuit et jour le granit;

        Les vitraux brisés par les grêles

        Livrent aux vieilles hirondelles

        Un libre passage à leur nid.

 

        Leur gazouillement sur les dalles

        Couvertes de duvets flottants

        Est la seule voix de ces salles

        Pleines des silences du temps.

        De la solitaire demeure

        Une ombre lourde d’heure en heure

        Se détache sur le gazon:

        Et cette ombre, couchée et morte,

        Est la seule chose qui sorte

        Tout le jour de cette maison!


La vigne et la maison (1857)

Photo de Coline Termarsh, Photographe et écrivain que je remercie et dont on peut retrouver le travail sur son blog : http://colinetermash.canalblog.com 

 

 

08/12/2011

« Des mots comme du rouge qui respire », d'Angèle Paoli

 

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Que reste-t-il ce soir de tout ce vécu de mots qu’on a engrangé
Chacun pour soi ?

Un peu de poème « avec toute sa guenille de mots ».

« Des mots
comme du rouge qui respire ».


.Le rouge des bleus de Matisse      intérieurs et jardins
qui viennent à la rencontre
et le rouge du feu qui poudroie dans les mots.

.des mots comme du rouge qui respire
dans le vieux broc tout émaillé
comme posé là en attente d’un bouquet de cicindèles
ou même des flammes anacoluptères
que les mots grésillent
d’une bûche à l’autre
la respiration comme un souffle de vie à peine
retenu dans le silence gris du jour
et la promesse de la neige peut-être sous la vitre.

.et devant moi encore le rouge d’une étole
en jeté sur l’épaule et autour de la nuque aussi
comme un abandon de plis qu’on ne saurait dire.

.et celui plus carminé de la passion
d’un pendentif au lobe d’une oreille
que tellement ça bouge pour un rien
pour un mot qui passe tout au plus.

qui saura dire un jour quel fleuve
traverse le géant christophore
surgi à la croisée des rues dans le blanc de la roche rongée
et pourquoi au bou du bou du bou
le nom du village interrompu coupé
par qui pourquoi le sait-on ?
panneau sans fléchage et il faut inventer le chemin taillé
dans le gris lent de l’encoule
dans l’à-vif de la montagne blanche mêlé aux ocres chaudes
des pisés forteresses du Maroc.


.Sidi Slimane n’est jamais bien loin.


.le vieux campanile monte dans le peu de lumière derrière la vitre
au plus serré de la rencontre de ce jour


et le mot rouge un peu plus rouge pris dans les nappes et les tentures
et soudain dans celui plus doré du pain d’épices de Noël
qui effrite ses tranches sous les doigts
le rouge des couleurs mélange de bleu et d’oranger
la couleur rouge dans quel mot la retrouver
la rendre à sa rondeur première
à son origine dans la rouille
rouge pâle des tuiles sur les toits qui étirent
leur feuilleté dans la fraîcheur
et les murets décrépis
à quel temps abandonné depuis tant.


.le feu crépite rouge sang d’elfe chaude et d’éventail
que dis-tu en écrivant ces mots sinon le vide des images
qui ne parlent à personne
que lisent les regards sous les paupières closes
derrière la pluie des mots qui tombe en gouttes
de pétales rouges


quelque chose se vit comme un peu de souvenir
effacé que chacun garde au creux de sa propre chaleur
quelque chose se dit de l’intime
coule sa langue douce sous la langue autre
comme une odeur d’enfance à cueillir sous les mots
dans un jardin d’hier une langue d’avant
de Vendée ou d’ailleurs tendue aux quatre coins
d’une lessive fraîche.



crire comme une affaire de désir
comme une affaire de rencontre
un désir de poussière
et de paradis minuscule
quelque chose du rouge dans le grain de la voix.





Angèle Paoli   D.R

Merci à Angèle Paoli, qui anime un blog de poésie très riche,  Terres de Femmes

Tableau d'Henri Matisse. Statuette et pichet roses sur un coffre des tiroirs rouge. 1910. Huile sur la toile. L'Ermitage, Rue Petersburg, Russie.