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09/10/2011

La réponse, de Carl August Sandburg

 

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Tu as donné la réponse. 
Un enfant cherche loin parfois 
Dans la poussière rouge 
                    Sur une feuille rose foncée 
Et donc tu es parti loin 
                    Car la réponse est: 
                              Le silence. 
 
     Dans la république 
Des étoiles clignotantes et des cataclysmes taris 
Sûr que nous y sommes la réponse est là-bas 
          cachée et repliée, 
Endormie sous le soleil, se fichant pas mal que 
          l’on soit dimanche ou un autre jour 
          de la semaine, 
 
Sachant que le silence apportera tout d’une façon 
          ou d’une autre. . 
 
N’avons-nous pas vu 
Le pourpre de la pensée 
               sortir du paillis 
               et de l’humus 
               ramper 
               sous un crépuscule 
               de velours ? 
               tache de jaune? 
Nous pensions presque qu’elle venait de nulle part c’était 
          le silence, 
               le futur, 
               à l’oeuvre.
 
 

 
Chicago Poems Le Temps des cerises publient, traduction et présentation de Thierry Gillyboeuf (édition bilingue), Le Temps des cerises, 2001 


Tableau de Franz Kline (1910-1962) , 

08/10/2011

Un peu de musique, de Germain NOUVEAU (1851-1920)


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Une musique amoureuse 
Sous les doigts d'un guitariste 
S'est éveillée, un peu triste, 
Avec la brise peureuse ;

Et sous la feuillée ombreuse 
Où le jour mourant résiste, 
Tourne, se lasse, et persiste 
Une valse langoureuse.

On sent, dans l'air qui s'effondre, 
Son âme en extase fondre ; 
- Et parmi la vapeur rose

De la nuit délicieuse 
Monte cette blonde chose, 
La lune silencieuse.

 

Œuvres complètes, jointes à celles de Lautréamont,GallimardBibliothèque de la Pléiade 

Tableau Nuit d'Odilon Redon

02/10/2011

Les colchiques, d'Apollinaire

 

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Le pré est vénéneux mais joli en automne

Les vaches y paissant

Lentement s'empoisonnent

Le colchique couleur de cerne et de lilas

Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la

Violatres comme leur cerne et comme cet automne

Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne


Les enfants de l'école viennent avec fracas

Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica

Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères

Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières




Qui battent comme les fleurs battent au vent dément




Le gardien du troupeau chante tout doucement

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent

Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne



Extrait d'Alcools. Poème écrit en 1901

Tableau de Gustav Klimt





29/09/2011

Un peu de bleu dans le paysage, (extrait) de Pierre Bergounioux

 

Pierre Gaudu, carnet de pierre.jpg

 

Pierre Gaudu Carnet de pierre 2.JPG

Montaigne, qui était un seigneur disert de la riche Aquitaine, dit que philosopher, c'est apprendre à mourir. C'est donc que mourir s'apprend, que nous ne savons pas. Nous devons accéder, pour partir, pour accepter, à une vérité qui nous est d'abord dérobée. Ce long chemin a nom philosophie. J'en connais un autre. Il n'est que de s'engager sur la route tortueuse qui s'élève entre les sapinières. Quand elle débouche sur le plateau, que les arbres, pris de crainte, s'arrêtent, et qu'on voit la bruyère et l'ajonc, le roc, le dôme vertigineux de la nue, qu'on entre dans le silence, on sait. Le sensible est intelligible, l'essence et le phénomène se confondent. On est dispensé des incertitudes et des longueurs de l'étude, des abstractions et du raisonnement, des doutes qui assaillent le penseur méditant, à l'étroit, dans une chambre. 
Le granit qu'on peut toucher du doigt, a mille millions d'années. Le ciel est le même, d'un bleu trop pur, vide et glacé, le silence éternel. Nous ne sommes jamais sur cette scène immuable, intemporelle, qu'un accident passager, un émoi négligeable. Cela force l'évidence. Il n'y a pas lieu d'argumenter.  
 
 Un peu de bleu dans le paysage, Verdier 2001, p. 78.  Texte à retrouver également sur le site http://poezibao.typepad.com/ 

llustration: photos de Pierre Gaudu, carnet de pierres.  http://gauduphoto.blogspot.com/  

23/09/2011

Je l'ayme bien, d'Olivier de Magny

 

je l'ayme bien,olivier de magny

Je l'ayme bien, parce qu'elle a les yeux 

Et les sourcils de couleur toute noire,

Le teint de rose et l'estomac d'yvoire,

L'aleine douce et le ris gracieux.

 

Je l'ayme bien pour son front spacieux,

Où l'amour tient le siège de sa gloire,

Pour sa faconde et sa riche mémoire.

Et son esprit plus qu'autre industrieux.

 

Je l'ayme bien pour ce qu'elle est humaine.

Pour ce qu'elle est de sçavoir toute pleine.

Et que son coeur d'avarice n'est poingt.

 

Mais ce qui me fait l'aymer d'une amour telle

C'est pour autant qu'ell' me tient bien en point

Et que je dors quand je veux avec elle.

 

Les soupirs (XVI ème siècle). Duos d'amour, éditions Seguers .

Portrait de Cecilia Galleran vers 1490, Leonard de Vinci 

 

22/09/2011

Pavois du bleu, de Jacques Izoard

 

Le premier bavard touche la fleur 
dont le parfum fend la langue 
d'un dormeur déjà voué au rêve. 
Et c'est l'été, l'hiver. 
Le linge très blanc touche encore 
la joue, la jambe, le bras. 
Linges liquides ou ténèbres. 

Dans ce vide où le bleu corrompt 
tout regard et tout vertige, 
dans ce vide où s'allument 
clartés de feuilles et de foins, 
dans ce vide très doux, 
le corps n'est qu'un désir 
qui cache sa propre mort. 

(Pavois du bleu) 
 

Poésie I, 1951-1978, sous le direction de Gérald Purnelle,  Editions de la Différence  845 p., 

Illustration de Delphine Priollaud-Stoclet "Andy is swimming "Technique mixtes sur toile 54x65 à retrouver sur son site http://www.delplphinepriollaud.com

Autres sites de Delphine

14/09/2011

La coccinelle, de Victor Hugo

 

 

 

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Elle me dit: «Quelque chose
Me tourmente.» Et j'aperçus

Son cou de neige, et dessus,
Un petit insecte rose.

 

 

 

J'aurais dû, mais, sage ou fou,
A seize ans, on est farouche, 
Voir le baiser sur sa bouche
Plus que l'insecte à son cou.

 

 

 

On eût dit un coquillage;
Dos rose et taché de noir.
Les fauvettes pour nous voir
Se penchaient dans le feuillage.

 

 

 

Sa bouche fraîche était là;
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle;
Mais le baiser s'envola.

 

 

 

«Fils, apprends comme on me nomme»,
Dit l'insecte du ciel bleu,
«Les bêtes sont au bon Dieu;
Mais la bêtise est à l'homme.»

 

 

 

 

Les Contemplations (1856)

 

Tableau de Berthe MORISOT 1841-189 "Jeune femme se levant", Huile sur toile 68 cm x 65 cm, Peint en 1886,  collection privée

04/09/2011

Green, de Paul Verlaine

 

 

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Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches, 
Et puis voici mon coeur, qui ne bat que pour vous. 
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches 
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux. 

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue, à vos pieds reposée,
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête 
Toute sonore encor de vos derniers baisers ; 
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête, 
Et que je dorme un peu puisque vous reposez. 





Romances sans paroles (1872)

Tableau d'Auguste Renoir, Dans le jardin


28/08/2011

Pour un herbier (extrait), de Colette

 

 

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À part le grand aconit, une scille, un lupin, une nigelle, la véronique petit-chêne, le lobélia, et le convolvulus qui triomphe de tous les bleus, le Créateur de toutes choses s’est montré un peu regardant quand il a distribué chez nous les fleurs bleues. On sait que je ne triche pas avec le bleu, mais je ne veux pas qu’il m’abuse. Le muscari n’est pas plus bleu que n’est bleue la prune de Monsieur… Le myosotis ? Il ne se gêne pas pour incliner, à mesure qu’il fleurit, vers le rose. L’iris ? Peuh… Son bleu ne se hausse guère qu’à un très joli mauve, et je ne parle pas de celui qu’on nomme « flamme », dont le violet liturgique et le profane parfum envahissent au printemps les montagnettes, autour de La Garde-Freinet. L’iris des jardins s’habitue docilement à tous les sols, se baigne les pieds dans les petits canaux de Bagatelle, se mêle à ses cousins les tigridias, embrasés et éphémères. Il a six pétales, trois langues nettes, étroites, et trois larges un peu chargées de jaune — le foie, sans doute — et il passe pour bleu, grâce à l’unanimité d’une foule de personnes qui n’entendent rien à la couleur bleue.

       Il y a des connaisseurs de bleu comme il y a des amateurs de crus. Quinze étés consécutifs à Saint-Tropez ne me furent pas seulement une cure d’azur, mais une étude aussi, qui ne se bornait pas à la contemplation du ciel provençal et négligeait parfois la Méditerranée. Je n’allais pas mendier le bleu aux clairs lits de sable fin où la vague se repose, sachant bien qu’à peine né de l’aurore, le bleu de la mer serait mordu cruellement par le vert insidieux qui éteint au ciel la dernière étoile, et que chaque point cardinal, quittant le bleu instable, choisit sa couleur céleste : l’est est violacé, le nord d’un rose glacial, l’ouest rougeoyant et gris le sud. Au plus fort du jour provençal le zénith se coiffe de cendre. Ombres courtes réfugiées sous l’arbre et tapies au pied du mur, oiseaux muets, la chatte cueillant une à une les gouttes au bec de la fontaine, l’heure de midi nous chicanait à tous notre ration vitale de bleu et de sérénité.

       Nous attendions qu’une petite aile de poussière voletante aux coudes de la route, une frisure blanche à la lèvre du golfe marquassent la résurrection de tous les bleus. Une couleur de dur lapis, rendue à la mer, bondissait réverbérée sous la tonnelle, et chacun des gobelets de verre berçait un dé de glace soudain teinté de saphir.

       Au-dessus des Alpes encore dorées, une pelote orageuse, bleue comme un ramier, touchait les cimes. Dans peu d’heures, la pleine lune cheminerait parmi la neige d’étoiles, et jusqu’à l’aube les blancs lys des sables, qui se ferment pendant le jour, seraient bleus.

 

Colette, Pour un herbier, Œuvres, IV, édition publiée sous la direction de Claude Pichois et Alain Brunet, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2001, p. 900-901.

Tableau de Van Gogh (les Iris). Vous pouvez également retrouver cet extrait sur le site http://litteraturedepartout.hautetfort.com (Merci à Tristan Hordé)

 

26/08/2011

Cinéma muet (extrait) de Jacques Ancet

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La lumière se nourrit du noir. Il la révèle. Comme le sang révèle la vie et son envers, la voix, le silence qui l'engendre. Ce qui commence est sa propre fin et l'immuable le devenir. Il n'y a d'autre au-delà que le seul mouvement d'une même matière. Ca vient, ça s'en va, c'est toujours là.

 

Cinéma muet, Journal de l'air, p 82, Editions Arfuyen

Dessin de Pierre Gaudu à retrouver sur 

20/08/2011

Griffe, extrait de Commune présence, de René Char

 

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Marcheur voûté, le ciel s'essouffle vite;

Médiateur, il n'est pas entendu;

Moi je peins bleu sur bleu, or sur noir.

Le ciel est un cartable d'écolier

Tâché de mûres.

 

Commune présence, p 71, Gallimard (édition 78)

Collage de Dominique Hordé

02/08/2011

Sally plus intime (extrait), de Raymond Queneau

 

 

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Mourir: se mettre aux vers

 

 

Extrait de Sally Intime (Collection l'Imaginaire/Gallimard)

Tableau d'Adolph Gottlieb

25/07/2011

Cezanne et la couleur

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 « La nature n’est pas en surface, elle est en profondeur. Les couleurs sont l’expression, à cette surface, de cette profondeur, elles montent des racines du monde. »

 

 

A lire sur le site de Raymond Alcovere  http://raymondalcovere.hautetfort.com/le_sourire_de_cezanne/

 

 

 

 

12/07/2011

Une histoire de la lecture, d'Alberto Manguel

 

 

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Et puis un jour, par la fenêtre d’une voiture, […] j’ai aperçu un panneau publicitaire au bord de la route. […] Peut-être la voiture a-t-elle ralenti juste assez longtemps pour que je voie surgir de grandes formes, des formes semblables à celles de mon livre, mais des formes que je n’avais jamais vues. Et pourtant, tout à coup, j’ai su ce qu’elles étaient : j’entendais dans ma tête ces traits noirs et ces espaces blancs métamorphosés en une réalité solide, sonore, pleine de sens. J’avais fait cela tout seul. Personne n’avait exécuté pour moi ce tour de magie. Moi et les formes, nous étions seuls, la révélation avait eu lieu en un dialogue respectueusement silencieux. Puisque je pouvais transformer des traits nus en réalité vivante, j’étais tout puissant. Je savais lire.

[…] Cette impression de me trouver soudain capable de comprendre ce qu’auparavant je ne pouvais que contempler est demeurée aussi flamboyante aujourd’hui qu’elle doit l’avoir été alors. C’était comme l’acquisition d’un sens nouveau, de sorte que désormais certaines choses ne consistaient plus seulement en ce que mes yeux pouvaient voir, mes oreilles entendre, ma langue goûter, mon nez sentir ou mes doigts palper, mais en ce que mon corps entier pouvait déchiffrer, traduire, énoncer, lire.

 

 

 

Une histoire de la lecture. (Actes Sud, 1998).

 

Eau-forte de Richard Serra (101x128 cm)

   

 

Brève rencontre avec Zao Wou-Ki , Extraits de l'interview de France Huser




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N.O.-Vous prenez beaucoup de photographies d’arbres, de paysages. Comment expliquer chez vous qui êtes un peintre abstrait, cette nécessité d’un lien constant avec la réalité ? 
Zao Wou-ki.- Pour m’apprendre à lire, mon grand-père traçait sur chaque objet les caractères qui le désignent : j’ai appris en même temps à dessiner et à lire, à appréhender la nature même des choses. Dans la calligraphie, chaque caractère est un signe. Regardez ces idéogrammes : celui-ci représente le ciel, celui-là le coeur. Paul Klee aussi a utilisé des signes qui l’ont amené, à partir du souvenir d’un petit port tunisien, à atteindre un au-delà des apparences. 

N.O.-Vous considérez-vous aujourd’hui comme un peintre chinois ? 
Zao Wou-ki.- Qu’est-ce que cela veut dire ? Je déteste les « chinoiseries » ! Les époques Tang et Song sont celles qui m’ont appris à la fois l’espace et l’économie du geste. J’aime cette tension chinoise, ce refus du bavard. Mais c’est Cézanne qui m’a permis de redevenir chinois. Matisse, lui, m’a appris la lumière, la couleur.

N.O.-Michaux, Char et de nombreux poètes ont écrit sur vous. Pourquoi cette affinité de votre oeuvre avec la poésie ? 
Zao Wou-ki.-
 Dans l’histoire de l’art chinois, peinture et poésie sont inséparables et parfaitement complémentaires. On ne distingue pas l’intelligible du visible.

 

 

Le Nouvel Observateur N° 2034 du jeudi 30 octobre 2003

 

http://www.youtube.com/watch?v=MnzTwnpR1Vs

08/07/2011

Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, de James Sacré

 

 

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Le sexe rose et roux veille dans les jambes longues

 

C'est cela la lumière du visage; la hanche dessine autour

le voulume doux, le renflement du ventre

 

Le coeur du violencelle est noir! Oh! mes broussailles,

mes vipères! et l'argile!

 

 

 Extraits de La femme et le violoncelle

 

Passage d'une pluie sur le sexe vert irrigué

des jardins; l'air est tout gonflé comme

une poitrine d'oiseau

 

Extrait de la Transparence du prénom elle

 

 

 

 

Trois anciens poèmes mis ensemble pour lui redire je t’aime, James Sacré, poèmes, vignette de Yvon Vey, coll. Marine, 14x21.5, 60 p., 2006

Tableau de Pierre Bonnard . La sieste 1899

04/07/2011

Les ziaux, de Raymond Queneau

 

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les eaux bruns, les eaux noirs, les eaux de merveille

les eaux de mer, d'océan, les eaux d'étincelles
nuitent le jour, jurent la nuit
chants de dimanche à samedi

les yeux vertes, les yeux bleues, les yeux de succelle
les yeux de passante au cours de la vie
les yeux noirs, yeux d'estanchelle
silencent les mots, ouatent le bruit

eau de ces yeux penché sur tout miroir
gouttes secrets au bord des veilles
tout miroir, tout veille en ces ziaux bleues ou vertes
les ziaux bruns, les ziaux noirs, les ziaux de merveille

                                                                          

Raymond Queneau, Les Ziaux, collection Métamorphoses, XVII, Gallimard, 1943, p. 74.

Tableau de Francis Picabia



03/07/2011

Jean Tortel, Phrases pour un orage, III

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On n’est pas heureux
Sous l’azur fragile.

 

En ce jardin je sais je ne sais quoi.
Les feuilles sont un peu plus larges,
Un peu moins vertes que leur nom.

 

L’azur enfante l’ombre
(Le fruit de sa pourriture).

 

La terre aborde son silence
Qui l’attendait.

 

Jean Tortel, Phrases pour un orage, III, dans Relations, Gallimard, 1968, p. 31.

Tableau de Pierre Tal Coat

28/06/2011

Contumace, de Jacques Dupin

 

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le réel en retour, offre toutes ses faces, 
ensemble, à ta seule étreinte fixe, 
nulle prise tenue, retenue, mais l’excavation blanche, 
la lettre volée, le rapt éclairant, 
 
 
    un chavirement de l’étendue dans la lumière, 
seule à répercuter 
                     l’embolie du ciel 
 
à donner espace à ce bleu désuni qui s’allège 
ce bleu de fonte, béant, de substance musicale, 
comme d’un mur de terre et de fleurs 
 
s’écroulant contre nos genoux 
 
et resurgissant, lavé, bleu, sans nom 
 


Contumace, in Ballast, Poésie/Gallimard, 2009, p. 101. 

Illustration; Elisabeth Couloignier, Dimensions : 60x40

Collage au lait de marbre de feuilles de papier chinois, dont un monotype. Ponçage. Application de pigments en liaison acrylique, lavés, frottés.

 http://l-ivredematieresetdecouleurs.blogspot.com

15/06/2011

Une fin d’après-midi à Marrakech, de James Sacré

 

 

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On sait que c’est la cuisine à cause des légumes et des fruits qui sont dans un carton ça fait un coin de couleurs comme quelqu’un qui montrerait d’un coup son cœur et son désir avec beaucoup de simplicité violente. Des piments rouges, des oranges. Le mot vivre dans la grisaille et le silence de cette maison pauvre, le silence. Un coin de cuisine, aussi bien l’endroit du marché dans l’ensemble en pisé couleur d’ocre et de pierre blanchie de la ville. Ou comme dans le haut d’un champ que les gens y travaillent longtemps : mon enfance y ramasse n’importe quelle récolte elle s’accumule en couleur vive tout à l’heure on chargera tout dans la charrette le reste du champ sera plus qu’une surface de terre ou de chaume on le voit mal de plus en plus petit dans le monde autrefois demain je suis content d’avoir tout d’un coup ce carton de légumes comme un sourire en désordre. Comme si j’aimais quelqu’un quand je regarde longtemps la couleur d’une orange, le sol défait, le mur longtemps.


James Sacré, Une fin d’après-midi à Marrakech, André Dimanche, 1988, p. 193.

Picasso, La desserte, 1901