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29/12/2010

Pinceau lumineux, de Jacques Roubaud

Dans la couleur inatteignable

Dans l'attente     inatteignable    de la couleur

De la ligne qui fraye    le visage 

Dans le gel    blanc    le gel noir

L'attente d'argent    de l'oeil de sels d'argent

Platine    sépias

Le battement des mouettes du blanc et du noir

La ligne    fumant de la lumière     terreur   écrite à

la lumière    s'arrête     exacte     là

Où tu deviens noire  

 

Quelque chose noir,  Jacques Roubaud, Poésie Gallimard, p 96

Pierre Soulages, 1985

 

 

 

PierreSoulagesPolyptyqueC1985.png

19/12/2010

Chanson pour les enfants, l'hiver de Jacques Prévert

HiroshigeHorizKanbara.jpg

 

Dans la nuit de l’hiver

galope un grand homme blanc

C’est un bonhomme de neige,

avec une pipe en bois

Un grand bonhomme de neige

poursuivi pas le froid

Il arrive au village,

le voilà rassuré

Dans une petite maison

il entre sans frapper

Et pour se réchauffer

s’assoit sur le poêle rouge

Et d’un coup , il disparaît

Ne laissant que sa pipe

au milieu d’une flaque d’eau

Ne laissant que sa pipe

et puis son vieux chapeau

16/12/2010

Le Christ voilé (extrait), de Patrice de la Tour du Pin

C'est un jardin secret et tranquille où s'amassent
Les iris blancs et les hautes touffes d'asters
Et les tapis serrés de campanules basses.

Aucun vent n'y pénètre du ciel grand ouvert ;
Les voix mêmes des oiseaux passants se sont tues
Qui volent vite et très haut dans le ciel clair.

Ombrée, et finement travaillée, et vêtue
De la seule caresse amoureuse des fleurs,
Une femme, de la chair froide des statues.

Et le maître ancien qui fut son ciseleur,
A l'étrange figure ajouta son mystère,
Le signe de l'ellipse inscrit dans sa pâleur.

Un mur de pierre enclôt cette Eve solitaire
Qui ne tend pas l'oreille aux rumeurs d'au-delà,
Mais à celles, sourdes et profondes, de la terre.

Ce serait la plus haute des fleurs, si son bras
Le long d'un corps gonflé de sève végétale,
Sur son ventre de nacre ne descendait pas ;

Si ses deux seins n'étaient striés de veines pâles,
S'ils ne se gonflaient pas soudain de volupté,
Caressés seulement en rêve par un mâle.

C'est un jardin secret, cerclé d'un mur, hanté
Comme un damier, d'oiseaux noirs et blancs qui reposent :
On leur a coupé les ailes par cruauté.

Dehors le ciel est tout enluminé de rose,
Sur les collines, des nuages clairsemés,
Et "Quête de joie" est inscrit sur toutes choses :

L'archange noir, veillant sur ce jardin fermé.

13/12/2010

Le lendemain du jour, d'Ariane Dreyfus

Comme une femme se glisse sous un homme
Je lis votre écriture

 Ou alors c’est moi qui écris couchée
La page blanche fait cette lumière où j’oublie de me voir
Toujours commencée
Il y a un côté où l’encre n’est pas sèche
qui mène jusqu’à vous

Quand vous me lisez vous le dites
Ou jamais
Je prends toutes les étoffes selon la chaleur
Les morceaux de vie selon
Ma bien future mort

 Je n’étais pas penchée sur le vide
Une femme sur un homme

Qui écrit n’est pas longtemps une jeune fille
Plutôt souvent

Il faut des mots pour se glisser entre eux
Y voir
Aucun n’est vrai tout seul
Heureusement le tumulte ne refuse pas la main

 Tant de poèmes que je suis cachée dans toute la forêt ?
C’est vous qui choisissez

 L’écorce que vous dites que j’ai touchée.

 Les Compagnies silencieuses, Flammarion, 2001, p. 27.

11/12/2010

Tableaux de Dominique Hordé

rouge espoir suite.jpgtableaux 4 juin 2010 rouge et or.jpgSi vous vous promenez du côté du Faubourg Saint-Antoine, vous pouvez faire le détour chez Couleurs Etrusques, 4 rue Saint Bernard, 75011 Paris et voir quelques uns de mes tableaux. (photos de 2 tableaux parmi les cinq). Vous pourrez  rencontrer Bruno, le roi de la patine sur meubles; il vend aussi de la peinture Natura.

 

09/12/2010

Le temps de vivre, de Boris vian

Il a dévalé la colline
Ses pas faisaient rouler les pierres
Là-haut entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie

Il respirait l’odeur des arbres
Avec son corps comme une forge
La lumière l’accompagnait
Et lui faisait danser son ombre

Pourvu qu’ils me laissent le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil

Les canons d’acier bleu crachaient
De courtes flammes de feu sec
Pourvu qu’ils me laissent le temps
Il est arrivé près de l’eau

Il y a plongé son visage
Il riait de joie il a bu
Pourvu qu’ils me laissent le temps
Il s’est relevé pour sauter

Pourvu qu’ils me laissent le temps
Une abeille de cuivre chaud
L’a foudroyé sur l’autre rive
Le sang et l’eau se sont mêlés

Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil

Le temps d’atteindre l’autre rive
Le temps de rire aux assassins
Le temps de courir vers la femme

Il avait eu le temps de vivre.

Boris Vian (1920 - 1959)

08/12/2010

Rêve pour l'hiver, d'Arthur Rimbaud

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L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…

Et tu me diras : "Cherche !", en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...



7 octobre 1870
tableau de Caspar David Friedrich, né le 5 septembre 1774 à Greifswald enPoméranie suédoise et mort le7 mai 1840 à Dresde

07/12/2010

Bleu, bleu surtout, de Claude Esteban

 

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Ce matin, je ne voudrais écrire que la clarté du ciel et tous les mots qui me viennent en mémoire sont encore lourds de la nuit passée et me trahissent. On imagine les signes verbaux comme une sorte de réserve toujours disponible où l'on puise à son gré et qu'il ne reste donc qu'à les assembler avec plus ou moins de justesse, selon ses goûts et peut-être la force de son génie. Mais c'est ne rien savoir de la nature propre du langage, des énergies qui le traversent, de cette vie mystérieuse dont il est le réceptacle et qui ne s'accorde à nous que par instants. Car les mots, et les plus familiers, dès lors qu'on les sollicite à des fins précises, résistent et parfois se refusent. Ils ont mille façons surprises, et si nous feignons de l'ignorer et de poursuivre, ils nous entraînent alors dans leurs labyrinthes et nous abandonnent aux ports du silence. Je voulais dire seulement cette clarté du ciel, et, sans que je puisse en déterminer le motif, s'interpose, tel un écran, une myriade de notions noires. Et que brouillards, ténèbres, murailles, carapaces prennent le dessus, investissent mon esprit, paralysent mon désir d'écrire simplement la pure luminosité du ciel, et ce n'est que plus tard, quand j'aurai renoncé à ma tâche, que je discernerai, très loin dans mon souvenir, la trace des mots perdus : cristal, fenêtre, arbre, bruyère, bleu, bleu surtout.




Claude Esteban, La Mort à distance, poèmes, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2007, page 73.
Tableau de Wassily Kandinsky




06/12/2010

Nicolas Poussin, (1594-1565)par Philippe Sollers

Poussin_Venus_Cupidon.jpg

Nous arrivons maintenant à Nicolas Poussin en faisant, je crois, par rapport aux Vénus italiennes, un pas de plus et tout à fait décisif, extraordinaire, dans la représentation de la sensualité féminine. Celle-ci n'apparaît que très tardivement, je dirais, pratiquement grâce au christianisme, parce que la grande sensualité grecque est oblitérée et copiée de façon un peu rigide par les Romains, et que cela resurgit en plein 17e siècle. 

Je crois que Poussin ajoute quelque chose à l'auto-érotisme de la représentation féminine, avec l'une des plus belles Vénus jamais peintes, peut-être la plus belle, pour moi. Je pense à la volupté d'être soi, ce qui est suffisamment souligné par le linge qui vient légèrement caresser, plutôt que couvrir, la région qui se trouve entre les jambes - de même que vous aviez dans une célèbre « Vénus » de Titien le regard de l'organiste qui va se porter sur cet endroit, cet endroit encore une fois terrifiant pour nos préhistoriques, qui est l'objet de toutes les peurs, de tout le sacré. Là vous avez un engouement pour ce que le petit amour vous indique, et une sorte de volupté totale dans le sommeil. C'est, à mon avis, un tableau de délectation tellement extraordinaire qu'il me semble que toute la peinture française ultérieure en sort, et que ni Watteau, ni même Fragonard, n'atteindront ce niveau. 

Il y a là comme une avance vers ce 19e siècle, ce siècle de Manet et Courbet qui vont faire tellement sensation. Poussin est le géniteur de cette volupté énigmatique, même si l'on considère par ailleurs Vélasquez ou Rubens. Je crois qu'il faut insister sur cette « Vénus », qui traduit si pleinement ce à quoi Goya, Manet, tous, regardez-les, essayent de penser, même Ingres, le vieil Ingres du « Bain Turc ». 

 

Philippe Sollers
Connaissance des Arts, n°512- Décembre 1994.   

Venus et Cupidon (1626) par Nicolas Poussin (1594-1565)

Glacis bleu à l'eau

Glacis à l'eau.jpg

Un glacis à l'eau sur un mur préparé à "l'ancienne", avec une recette toute personnelle.

De l'eau, un liant et du pigment et je m'envole dans l'azur!!!!

Extraits d'America Solitudes, de James Sacré

Un volume de nuée (comme une dorne tendue) 
Mélange du rouge et du bleu dans le sombre de la nuit venue 
Au-dessus du Rio Grande entre Bernalillo et Albuquerque.  
On pourrait se demander si c’est à cause de l’éclairage urbain  
Ou s’il s’agit des couleurs d’un orage contenu.  
Le Rio Grande à des endroits n’est plus  
Que de longues flaques d’eau quand même encore vivantes  
Entre des bancs de sable et de galets, des herbes très vertes  
Puis la ligne forte et tourmentée des peupliers cottonwoods 
Qui marque le parcours du fleuve.  

Et maintenant, loin dans la nuit, la grande forme en triangle de la montagne Sandia 
 
Cet emmêlement de rouge et de bleu sombre a touché 
Au minuscule moment où j’ai ramassé un caillou 
Mal roulé avec des cassures lisses 
Et des couleurs de feu et de verre brûlé dans la masse de pierre :  
Fugitif rapport entre l’immensité du ciel dans une attente  
Et le temps d’un geste pour tenir un caillou dans mon cœur.  
 
De quoi parlent ces mots maintenant venus,  
Et si, comme une plus vraie nuit, ils n’effacent pas tout ?   

Edition André Dimanche (p. 340) 

05/12/2010

Conseil en couleurs:exemples d'interventions

Je vous accompagne dans votre projet de décoration, du choix des produits à la couleur.

Quelle couleur choisir ? Peinture ou enduit décoratif? Comment s’y retrouver avec tout ce qui existe sur le marché ? Quelle marque, quelle composition ? Peinture unie ou à effet? Patine, pochoirs, panoramiques ? Stucco, marmorino, tadelakt, béton ciré, enduit à la chaux ou à l’argile ?

Ces conseils tiennent compte de votre environnement (votre décoration actuelle, vos envies, votre mode de vie, votre budget).

Quelques exemples d'interventions:

- Projet de renovation: création de votre gamme de couleurs:

Vous avez envie de couleur chez vous , mais vous avez peur de sauter le pas? Je vous aide à choisir des couleurs qui fonctionnent entre elles et que vous allez pouvoir utiliser comme fil conducteur de votre décoration.


- Envie de changement chez vous, mais sans tout repeindre?

Je vous conseille sur le choix de votre peinture ou d'enduit décoratif: couleur, matière, en tenant compte de votre environnement actuel.


- Vous avez eu le coup de coeur pour une couleur ou une matière (dans un magazine par exemple):

Je vous donne les clefs pour realiser ce décor, retrouver les couleurs... 

 

Mi-route, de Robert Desnos

Il y a un moment précis dans le temps
Où l’homme atteint le milieu de sa vie,
Un fragment de seconde,
Une fugitive parcelle de temps plus rapide qu’un regard,
Plus rapide que le sommet des pâmoisons amoureuses,
Plus rapide que la lumière,
Et l’homme est sensible à ce moment.

De longues avenues entre des frondaisons
S’allongent vers la tour où sommeille une dame
Dont la beauté résiste aux baisers, aux saisons,
Comme une étoile au vent, comme un rocher aux lames.

Un bateau frémissant s’enfonce et gueule.
Au sommet d’un arbre claque un drapeau.
Une femme bien peignée, mais dont les bas tombent sur les souliers
Apparaît au coin d’une rue,
Exaltée, frémissante,
Protégeant de sa main une lampe surannée et qui fume.

Et encore un débardeur ivre chante au coin d’un pont,
Et encore une amante mord les lèvres de son amant,
Et encore un pétale de rose tombe sur un lit vide,
Et encore trois pendules sonnent la même heure
À quelques minutes d’intervalle,
Et encore un homme qui passe dans une rue se retourne
Parce que l’on a crié son prénom,
Mais ce n’est pas lui que cette femme appelle,
Et encore, un ministre en grande tenue,
Désagréablement gêné par le pan de sa chemise coincé entre son pantalon et son caleçon,
Inaugure un orphelinat,
Et encore un camion lancé à toute vitesse
Dans les rues vides de la nuit
Tombe une tomate merveilleuse qui roule dans le ruisseau
Et qui sera balayée plus tard,
Et encore un incendie s’allume au sixième étage d’une maison
Qui flambe au cœur de la ville silencieuse et indifférente,
Et encore un homme entend une chanson
Oubliée depuis longtemps, et l’oubliera de nouveau,
Et encore maintes choses,
Maintes autres choses que l’homme voit à l’instant précis du milieu de sa vie,
Maintes autres choses se déroulent longuement dans le plus court des plus courts instants de la terre,
Il pressent le mystère de cette seconde, de ce fragment de seconde,

Mais il dit «  Chassons ces idées noires »,
Et il chasse ces idées noires,
Et que pourrait-il dire,
Et que pourrait-il faire
De mieux ?

 

Robert Desnos, Domaine public, Gallimard, 1953, p. 249-250.

 

03/12/2010

A l'aplomb du mur blanc, d'Angèle Paoli

Pas un crayon ici pas une lime pas
une lame seulement des
mots sans rime            en attente
de déraison — attente
veillée entrecoupée de
sommeil sans rêve ombres au bord
des voix diffuses dans le feu
attente — de réveil — enroulée je dessine
les cercles du matin dans la lumière blonde
funambule des deux rives du temps
couchée à même le sol
onglet du mètre — en attente de —
sa hauteur 34 fois 6
2 fois 17
éclairages sur rampe

l’araignée du soir
divague à l’aplomb
du mur blanc

porte étroite fermée
sur sa transparence (même)
rumeur sombre mugissement des vagues
encre minérale ciel — Ô — noire
toute chose dérobée invisible
vaste vaisseau de nuit              en attente d’étoiles
éclats diffractés dans la flamme
le froid me prend au rebours du réveil
bris de mots avalés par le feu

Au matin les derniers brûlages de l’hiver
montent dans l’air enneigé du
printemps.



Angèle Paoli

   Angèle Paoli anime un magnifique site de poèsie http://terresdefemmes.blogs.com/

02/12/2010

Au cabaret-vert, d'Arthur Rimbaud

Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi.
- Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.

Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,

- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! -
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,

Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.