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11/04/2011

Eclaircie en hiver, de Francis Ponge

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Le bleu renaît du gris, comme la pulpe éjectée d’un raisin noir.
Toute l’atmosphère est comme un œil trop humide, où raisons et envie de pleuvoir ont momentanément disparu.
Mais l’averse a laissé partout des souvenirs qui servent au beau temps de miroirs.

 Il y a quelque chose d’attendrissant dans cette liaison entre deux états d’humeur différente. Quelque chose de désarmant dans cet épanchement terminé.

 Chaque flaque est alors comme une aile de papillon placée sous vitre,
Mais il suffira d’une roue de passage pour en faire jaillir la boue.

 

Francis Ponge, Pièces, dans Œuvres complètes, I, Gallimard, La Pléiade, p. 720-721.

Tableau de Nicolas de Stael

 

09/04/2011

Que de bleus !

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Je suis tombée en admiration devant ce tableau de Delacroix (1798-1863) L'inondation, réalisé avec la technique du pastel. Il m'a inspiré la palette suivante. Le bleu est par excellence une couleur très classique. Longtemps, la couleur bleue a été une couleur rare. Il y a très peu de pigments naturels et de plantes tinctorales capables de fournir du bleu. Les deux principaux pigments sont l'azurite et le lapis-lazuli, des pierres qu'on broyait.  On utilisait également deux plantes, le pastel et l'indigo.

palettes bleu.jpgUne pièce tout en bleu évoque les intérieurs anglais du 18 ème siècle, les régions de bord de mer, les lumières du nord, les lumières filtrées par les nuages. Ces bleus s'animent subtilement sous l'action d'un spectre lumineux à prédominance bleue. L'Afrique occidentale voue aussi un amour au bleu indigo, qui teint la majorité des cotonnades (Les Touaregs sont appelés "hommes bleus").

La créatrice Agnès Emery (Emery & Cie - Articles de décoration : carrelages, zelliges ... ) travaille beaucoup avec des artisans marocains qui déclinent tous les bleus, et a peint en bleu une grande partie de sa maison située au Maroc : les bleus apportent aussi une sensation de fraicheur dans les régions à forte chaleur...

Dans une pièce, il ne faut pas hésiter à décliner les bleus, du bleu outremer (en haut à droite) aux bleus gris.

27/03/2011

Mes petites amoureuses, d'Arthur Rimbaud

 

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Un hydrolat lacrymal lave
    Les cieux vert-chou
Sous l'arbre tendronnier qui bave,
    Vos caoutchoucs

Blancs de lunes particulières
    Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
    Mes laiderons !

Nous nous aimions à cette époque,
     Bleu laideron !
On mangeait des oeufs à la coque
    Et du mouron !

Un soir, tu me sacras poète,
    Blond laideron :
Descends ici, que je te fouette
    En mon giron ;

J'ai dégueulé ta bandoline,
    Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
    Au fil du front.

Pouah ! mes salives desséchées,
    Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
    De ton sein rond !

Ô mes petites amoureuses,
    Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses
    Vos tétons laids !

Piétinez mes vieilles terrines
    De sentiment ;
- Hop donc ! soyez-moi ballerines
    Pour un moment !...


Vos omoplates se déboîtent,
    Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent
    Tournez vos tours !

Et c'est pourtant pour ces éclanches
    Que j'ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
    D'avoir aimé !

Fade amas d'étoiles ratées,
    Comblez les coins !
- Vous crèverez en Dieu, bâtées
    D'ignobles soins !

Sous les lunes particulières
    Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
   Mes laiderons !

 

Arthur Rimbaud, Pierre Seghers Editeur, p 94, 95,96

Tableau d'Ilya Zomb

 

26/03/2011

A la limite, de Pierre Reverdy

 

 

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Quand les gens passent la nuit dans l’allée bleue – la nuit d’hiver. Les branches bougent contre les murs, contre la haie qui se retranche – la barrière enchantée dans le gris plus épais – le trou vivant des ombres.  Si les lumières courent, si elles naissent et meurent, tout ce qui est devant s’anime et les yeux sont meurtris. Tout ce qui pèse sur cet espace étroit où s’accoude la nuit. 
La tête a son rayon qui file loin du monde. Le cœur parti à l’aile et faible au souvenir. S'il fait froid dans l’allée vide où le vent s’arrête aux branches qui déchirent – où l’aile immense touche en remuant la pluie – une larme au rebord du toit luisant, un mot qui plane. Et la lumière fixe dans le cadre des lignes – Tous ces gens qui passent le soir d’hiver dans l’allée bleue et grise qui traverse la nuit.  

 
Pierre Reverdy, Flaques de verre, in Œuvres complètes, tome II, Flammarion, 2010, p. 521 
 Tableau de Paul Sérusier 1864-1927 

12/03/2011

Prière d'acier (extrait), de Carl Sandburg

 

Jean Foutrier.jpg

Prends des rivets rougis au feu et enfonce-moi dans les poutres 
        maitresses.
Que je sois le grand clou qui à travers les nuits bleues cloue
       le gratte-ciel sur les étoiles blanches!



Carl Sandburg, Le peuple oui, traduction Alain Bosquet, Editions Pierre Seguers
Tableau de Jean Fautrier

06/03/2011

Flammes, de Tôge Sankichi

 

tableau.JPG

D'une poussée écartant les fumées 
depuis la terre à demi obscurcie 
par des nuages bas et lourds 
suaire déployé 
heurtant la voûte céleste 
grinçant des dents 
se soulevant dansant dans l'air 
s'unifiant 
noires        rouges       bleues les flammes 
qui soufflent dispersent des étincelles brillantes 
sur la ville entière maintenant 
sont dressées.

 

Ondulant       comme des algues 
des rangs de flammes avancent. 
Des troupeaux de vaches qu'on menait à l'abattoir 
roulent en avalanche sur les pentes de la rivière; 
un pigeon couleur de cendres 
ailes crispées tombe sur le pont. 
Ceux qui sautillant 
sortant de sous des jets de fumée rampent, 
avalés dans les flammes, 
sont d'innombrables humains à quatre pattes.

 

Sur un tas de braises effondrées 
s'arrachant les cheveux 
rigidifiée 
la malédiction se consume

 

après ce temps condensé 
explosé 
rien que haine incandescente 
se répandant palpitante. 
Un silence sans rime 
s'accumule dans l'espace

 

les chauds rayons d'uranium 
qui ont repoussé le soleil 
impriment sur la chair du dos des vierges 
le motif fleuri d'une soie fine, 
mettent instantanément      en feu 
la robe noire d'un prêtre 
1945, Aug. 6 
en ce minuit en plein midi 
l'homme à coup sûr a livré Dieu 
aux flammes. 
Cette nuit 
la lumière en flammes de Hiroshima 
se reflète sur le lit de l'humanité; 
avant longtemps l'histoire
aura tendu une embuscade 
à tout ce qui ressemble à Dieu.

 

 

Tôge Sankichi, in Poèmes de la bombe atomique, traduits du japonais par Ono Masatsugu et Claude Mouchard et présentés par Claude Mouchard, édition Laurence Teper, 2008. (Collection Bruits du temps), p. 81-82

Tableau de Dominique Hordé

01/03/2011

Gstaad, de Jude Stefan

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Sur un sol en brique des

Hommes en blanc qui jouent

protégés d’arbres verts s’

étirant vers le ciel jouent

cris et gestes

dans les ombres du soir

deux chaises en toile rouge

vives comme les capucines

un oisif en béret sur l’herbe

lentement caresse son chien

auprès de soldats bleus un

asiatique en chapeau porte

lunettes noires

le jeune homme en habit cendré

adossé au sapin paraît sourire

 

Jude Stefan, Caprices, Gallimard, 2004, p. 23.

 

Tableau de Maurice Estève (1904 2001)


17/02/2011

Nuit à Londres, d'Erich Fried

 

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Garder les mains

devant le visage

et laisser clos

les yeux                       

ne voir qu’un paysage

montagnes et torrent

et dans la prairie deux animaux

bruns sur le versant vert clair 

qui monte jusqu’à la forêt plus sombre

 

Et commencer à sentir

l’herbe fauchée

et tout en haut au-dessus des pins

en cercles lents un oiseau

petit et noir

sur le bleu du ciel

 

Et tout

absolument paisible

et si beau

que l’on sait

que cette vie vaut la peine

parce que l’on peut croire

que tout ça existe

 

 

 

Poèmes extraits du recueil Es ist was es ist (1983)

Traduits de l’allemand par Chantal Tanet et Michael Hohmann

On peut également trouver des traductions d'autres poèmes d'Erich Fried sur les sites  Les Carnets d'eucharis (le site de Nathalie Riera) et Droit de Cités

Tableau de Félix Valloton (1865 1935)

16/02/2011

Bleu, de Pierre Jean Jouve

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Couché le vaste bleu de mer

La mer de l’azur rigoureuse

Et le soleil fixant du haut

Ses vastes rayons de noirceur,

 

Ondulations et matière

Le noir dilué en espoir

Et la matière faite roche

Par ce noir bleu mais en arrière,      

 

Sur les forêts chinoises vertes

Et sur les eaux de jade vert

Qui devient alors jade noir.

 

Poésie/Gallimard Diadème, suivi de Mélodrame, p178/179

Aquarelle de William Turner

14/02/2011

Pastiche , de Max Jacob

 

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Avez-vous rencontré la fille au muguet bleu

 Qui m’aime sans me vouloir ?

 

Avez-vous rencontré le lièvre au poil de feu

Qui broute à mes réfectoires ?

 

Avez-vous rencontré le vieillard chassieux

Qui dit non sans rien savoir ?

 

Avez-vous rencontré pucelle aux jours heureux

Qui a différé l’écart ?

 

Avez-vous rencontré gueux devenu plus gueux

Qui a voulu trop avoir ?

 

Avez-vous rencontré malin malicieux

Qui lance ferraille et pétard ?

 

Avez-vous rencontré puissant officieux

A savant quêtant savoir ?

 

Avez-vous, tout compte fait, avez-vous gobé les œufs

Venant de mon poulet noir ?

 

Extrait de "laboratoire central"

Tableau Ilya ZOMB

11/02/2011

Les Yeux d'Elsa, d'Aragon

 

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Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Extrait de "Les yeux d'Elsa"

Tableau de Picasso: Rêve (1932)

09/02/2011

Ombre portée du palmier bleu, d'Angèle Paoli

 

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A mon trisaïeul Dominique Baldassari revenu de Trinidad en 1840


Palmier de haute race
élégant élancé
tu étires tes voiles en partance
vers des rêves perdus
il ne te reste des terres
qui t’ont vu naître
que l’ombre portée de tes palmes
sur le mur chauffé à blanc
au creux de ta tour crénelée
tu balances au gré des vents
tes gréements effilés
dans le ciel transi de bleu

Dans le ciel transi de bleu
l’ombre portée du palmier
murmure les noms effacés
de ceux qui se sont embarqués
les Baldassari, Giraldi, Giuliani,
Gregori, Luigi, Mariani, Piccioni, Pieretti,
Vincentelli…
du Cap Corse aux Amériques
ils ont navigué bourlingué
travaillés durement par la houle
un matin de demi-brume caraïbe
ils ont touché terre ferme
c’était dans les marécages du llanos

Ils se sont dispersés
aux quatre découpes des côtes
dans les haciendas blanches
entre Venezuela et Trinidad
ils ont battu le pavé des villes
à Caracas ils se sont enivrés
de la moiteur des femmes
du vin de palmes et d’aloès
ils ont bâti leurs fortunes
au prix d’un exil sans fin
dans les champs de coton de café de tabac

Un jour de demi-brume caraïbe
ils ont réinventé la mer
portés par un mal obscur
dans leur île natale ils ont débarqué
leurs lourdes malles gonflées d’or
ils ont élevé palais et tombeaux
ils reposent seigneurs apaisés
en leur terre bercée par l’ombre portée
du palmier bleu


Angèle Paoli, Noir écrin, Poésie cap-corsaire, A Fior di Carta Éditions, 20228 Barrettali, 2007, pp. 47-48.
D.R. Ph. et texte angèlepaoli

Tableau de Paul Gauguin

Angèle Paoli écrivaine poètesse, anime un magnfique site de poésies Terres de Femmes http://terresdefemmes.blogs.com

 

05/02/2011

Pays rêvé, Pays réel (Extrait), d'Edouard Glissant

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Si la nuit te dépose au plus haut de la mer
N'offense en toi la mer par échouage des anciens dieux
Seules les fleurs savent comme on gravit l'éternité
Nous t'appelons terre blessée ô combien notre temps
Sera bref, ainsi l'eau dont on ne voit le lit
Chanson d'eau empilée sur l'eau du triste soir
Tu es douce à celui que tu éloignes de ta nuit
Tel un gravier trop lourd enfoui aux grèves de minuit
J'ai mené ma rame entre les îles je t'ai nommée
loin avant que tu m'aies désigné pour asile et souffle
je t'ai nommée Insaisissable et Toute-enfuie
Ton rire a séparé les eaux bleues des eaux inconnues

Edouard Glissant - Pour Mycéa extrait de Pays rêvé, pays réel
Collection Poésie Gallimard
Tableau du Douanier Rousseau

27/01/2011

En regardant Matisse, de Robert Marteau

 

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Que c'est difficile à faire sans rouge ni
Bleu ni aucune couleur, avec seulement
Les mots qui n’ont aucune réalité que le souffle
Et que pas tout le monde en tel temps et en tel
Espace est censé accueillir selon leur sens :
Aussi qui propose un nouvel état des lieux
Par le truchement du prisme et de l’arc-en-ciel
Quoique muet a la part belle : il peut se faire
Entendre par tous ceux qui ont part au soleil
Et voient dans la lumière un jour engendrer l’autre ;
Et vient s’épanouir près de l’iris l’arum
Et d’autres fleurs aux tons violents qui résonnent
Contre le vert végétal ; et là déplié, un linge
Sur l’allusion faite au désir suspendu.



Robert Marteau, Le Temps ordinaire, Éditions Champ Vallon, 2009, page 152

Tableau d'Henrri Matisse

25/01/2011

Mer, d'Alain Bosquet

 

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La mer écrit un poisson bleu,

efface un poisson gris.

La mer écrit un croiseur qui prend feu,

efface un croiseur mal écrit.

Poète plus que les poètes,

musicienne plus que les musiciennes,

elle est mon interprète,

la mer ancienne,

la mer future,

porteuse de pétales,

porteuse de fourrure.

Elle s’installe

au fond de moi

La mer écrit un soleil vert,

efface un soleil mauve.

La mer écrit un soleil entrouvert

sur mille requins qui se sauvent.

 

Tableau d'Eugène Boudin



23/01/2011

Pour ce jour qui va naître encore (extrait), de Dominique Sorrente

 

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"Et aucun pas irréprochable 

pour se précipiter

ou tenter de lever encore la chimère des forêts.

 

Et rien qui ne pressente

l’irrémédiable fatigue des graines muselées.

 

Respiration

sans issue et sans borne.

 

Respiration, éboulement,

la rumeur au son rouge qui glisse.

 

C’est bien ici,

la terre que récitent

les cœurs battants

à la transparence du bleu.

 

Elle fuit au noir,

elle échappe au regard,

elle est la grande métisse du dedans

qui ouvre au chant vertical."

 

Dominique Sorrente (inédit) A retrouver sur son site http://www.scriptorium-marseille.fr/

Tableau de Janda Zdenek

04/01/2011

L'or et la cendre (extraits), de Jean-Damien Roumieu

     

Je m’emplis, et aussitôt m’anéantis. Clef du poème à ma portée. En alerte, les filiations de l’impossible, arbres dressés, une force tôt rassemblée pour affronter les forfaitures.

     Privilège, le peu instruit, le peu nourrit. Je ne désire qu’une neige douce sur l’épaule, un feu conjoint, une flûte dans la vallée, une allégresse à pas humains.

     Don, premier pas sur une terre de vivants. Va de l’avant sans t’essouffler. Le sang d’aurore s’infusera dans le ressac de ta poitrine, dans l’oubli de tes essaims.

     Dire le bleu de ce nuage. La nuit s’apprête, en un instant, à l’engloutir. Dire le murmure à peine audible de ce train que l’on devine empli de vie dans le lointain.

     Roses d'hiver, amies de l'ombre, étincelantes, êtes parcelles de ma peau. Allégeance au front du monde sous le vent. Je puis combattre l'insolence, expier l'irréparable de vos nuits.

     Impassible visage à tous les vents des continents. Bouclier du simple dans la foule. Écho solaire dans les chambres. La nuit qui vient n'altérera le fleuve lent.

     Sillage de femme, une cicatrice de lumière, un fil tendu vers l'au-devant. L'exultation et la gésine du silence effleurent mon tourment.

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Jean-Damien Roumieu, L’Or et la Cendre, Éditions Jacques Brémond, 2008, pp. 30, 32. Encres de Marcel Robelin

 Tableau de Tapiès.

08/12/2010

Rêve pour l'hiver, d'Arthur Rimbaud

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L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…

Et tu me diras : "Cherche !", en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup...



7 octobre 1870
tableau de Caspar David Friedrich, né le 5 septembre 1774 à Greifswald enPoméranie suédoise et mort le7 mai 1840 à Dresde

07/12/2010

Bleu, bleu surtout, de Claude Esteban

 

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Ce matin, je ne voudrais écrire que la clarté du ciel et tous les mots qui me viennent en mémoire sont encore lourds de la nuit passée et me trahissent. On imagine les signes verbaux comme une sorte de réserve toujours disponible où l'on puise à son gré et qu'il ne reste donc qu'à les assembler avec plus ou moins de justesse, selon ses goûts et peut-être la force de son génie. Mais c'est ne rien savoir de la nature propre du langage, des énergies qui le traversent, de cette vie mystérieuse dont il est le réceptacle et qui ne s'accorde à nous que par instants. Car les mots, et les plus familiers, dès lors qu'on les sollicite à des fins précises, résistent et parfois se refusent. Ils ont mille façons surprises, et si nous feignons de l'ignorer et de poursuivre, ils nous entraînent alors dans leurs labyrinthes et nous abandonnent aux ports du silence. Je voulais dire seulement cette clarté du ciel, et, sans que je puisse en déterminer le motif, s'interpose, tel un écran, une myriade de notions noires. Et que brouillards, ténèbres, murailles, carapaces prennent le dessus, investissent mon esprit, paralysent mon désir d'écrire simplement la pure luminosité du ciel, et ce n'est que plus tard, quand j'aurai renoncé à ma tâche, que je discernerai, très loin dans mon souvenir, la trace des mots perdus : cristal, fenêtre, arbre, bruyère, bleu, bleu surtout.




Claude Esteban, La Mort à distance, poèmes, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2007, page 73.
Tableau de Wassily Kandinsky




06/12/2010

Glacis bleu à l'eau

Glacis à l'eau.jpg

Un glacis à l'eau sur un mur préparé à "l'ancienne", avec une recette toute personnelle.

De l'eau, un liant et du pigment et je m'envole dans l'azur!!!!