22/05/2012
Pourquoi je vis, de Boris Vian
Pourquoi que je vis
Pourquoi que je vis
Pour la jambe jaune
D'une femme blonde
Appuyée au mur
Sous le plein soleil
Pour la voile ronde
D'un pointu du port
Pour l'ombre des stores
Le café glacé
Qu'on boit dans un tube
Pour toucher le sable
Voir le fond de l'eau
Qui devient si bleu
Qui descend si bas
Avec les poissons
Les calmes poissons
Ils paissent le fond
Volent au-dessus
Des algues cheveux
Comme zoizeaux lents
Comme zoizeaux bleus
Pourquoi que je vis
Parce que c'est joli
Extrait du recueil "Je ne voudrais pas crever" Editions des Allusifs
Summer Evening - Edward Hopper. 1947, Collection privée
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16/05/2012
Il n'y a que la voix qui reste, de Forough Farrokhzâd
Pourquoi m'arrêterai-je, pourquoi ?
Les oiseaux sont partis en quête d'un chemin bleu
L'horizon est vertical
L'horizon est vertical et le mouvement : jaillissant
et dans les tréfonds du regard
Les planètes lumineuses tournoient
La terre dans les hauteurs se répète
Et les puits emplis d'air
Se transforment en galeries de liaison
Et le jour est une étendue
Que ne saurait contenir le rêve étroit
Du vermisseau qui ronge le journal
Pourquoi m'arrêterai-je ?
Le chemin passe à travers les vaisseaux de la vie
L'atmosphère de la matrice lunaire
Tuera les humeurs
Et dans l'espace chimique après le lever du soleil
Il n'y aura que la voix
Infiltrée par les particules du temps
Pourquoi m'arrêterai-je ?
[...]
Forough Farrokhzâd (1933-1968), traduction Sara Saïdi Boroujeni, dans Europe, "Littérature d'Iran", n° 997, mai 2012, p. 286."le poids de l'absence""
acrylique 30x40 de Pierre Gaudu, 1 juin 2010, (collection particulière Paris)
http://www.artnova-connect.com/
http://pierre-gaudu.over-blog.com/
http://gauduphoto.blogspot.fr/
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07/04/2012
Viens, je te mettrai..., de Francis Jammes
Viens, je te mettrai des boucles d’oreilles
de cerises
et je te montrerai les longues treilles
où volent des merles bleus et des grives.
Viens, c’est la saison des grandes chaleurs
et des fleurs.
Sur les fossés poudreux les carottes blanches
poussent : il y a encor deux ou trois pervenches.
Dans le fond des bois frais les oiseaux crient.
Le ciel cuit.
Dans les mares il y a des joncs longs,
et les grenouilles grises font des bonds.
Dans les endroits chauds et frais, vois les sources
qui sont douces.
Dans le terrain rouge, ou bien sur la mousse,
elles coulent près des abeilles rousses.
Recueil : "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir"
Estampe d'Hokusai
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29/03/2012
Le bleu, par Picasso
“ Le bleu, le bleu, l’azur, le bleu, le bleu du blanc, le bleu du rose, le bleu lilas, le bleu du jaune, le bleu du rouge, le bleu citron, le bleu orange, le bleu qui suinte du bleu et le bleu blanc et le bleu rouge et le bleu des palmes du bleu citron des palombes blanches, aux jasmins en champs d’avoine, en grands chants vert amande émeraude. “
« Les quatre petites filles » (1936), Ecrits (Paris : RMN/Gallimard, 1989).
Autoportrait 1901
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27/03/2012
Le bleu, par Raoul Dufy
« Prenez un bleu à ses diverses nuances, de la plus foncée à la plus claire, ce sera
toujours du bleu, alors que le jaune noircit dans les ombres et s’éteint dans les clairs, que
le rouge foncé devient brun et que, dilué dans le blanc, ce n’est plus du rouge, mais une
autre couleur : le rose, »
Cité dans Paul Eluard, Anthologie des écrits sur l ’ a r t ( P a r i s , Editions du Cercle d’Art, 1972),
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16/03/2012
Nuits, de Dominique Hordé
A mon fils.
Mon enfant dort. Un sommeil profond. Un sommeil aussi doux et calme que son sourire d’enfant endormi. Il dort sur le dos, les bras croisés sur sa poitrine ou bien les bras écartés largement ; son souffle si léger remplit la pièce de sa vie, il respire le bonheur d’être en vie ; il respire l’amour.
Je reste des heures à le regarder dormir ; je me lève la nuit et m’allonge près de son lit pour entendre le rythme de sa vie, pour entendre le silence de son sommeil, que rien ne perturbe. La nuit, il ne bouge pas, la nuit, il sourit. Il s’abandonne sereinement au silence de la nuit.
La nuit, je me remplie de son sourire, de son cœur qui bat, la nuit, je rêve de nuits aussi calmes que les siennes et je suis là à me remplir de ses battements de vie.
Mon enfant dort et je ne dors bien que lorsque je suis près de lui. Le rythme de son sommeil m’apaise et m’entraîne vers des rêves bleus.
« Bonne nuit maman, bons rêves, tu viens me voir la nuit ? »
Chaque soir tu me répètes ces mots et tu me demandes de veiller sur ta nuit. A quoi rêves-tu la nuit ? Qui a t’il dans tes nuits aussi calmes ?
Mon enfant lui n’a pas peur de la nuit. Il ne crie pas. Il ne pleure pas. Et pourtant il a peur de la mort. Il a côtoyé tant de fois la mort. Les premières années de sa vie ont été une lutte pour la vie et contre la mort.
Mon enfant a été plus fort que la mort, que la maladie, que les autres qui parfois le rejettent, parce qu’il n’est pas comme tous les autres. Il s’appelle Julien. Il est né le 23 octobre 1990 à Colombo, au Sri Lanka.
Mon enfant s’est battu pour vivre ; mon enfant va vers les autres malgré son handicap, mon enfant croit en la vie.
Mon enfant a la peau chaude et noire, mon enfant a le corps dur comme l’ébène, il est la vie.
Tu ris, tu chantes, tu n’aimes pas les cimetières, tu n’aimes pas la guerre, tu n’aimes pas quand les gens meurent ; tu veux que tout le monde soit heureux, tu veux la fête. Tu veux aimer. Et tu aimes. Et je t’aime plus que tout.
Tableau d'Harry Holland, à retrouver sur son site http://harry-holland.com
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17/02/2012
Colloque sentimental, de Paul Verlaine
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Les Fêtes galantes
Illustration: Frida Kahlo, The Dream 1940
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14/02/2012
Ouï dire (extrait), de Michel Deguy
Moraine bleue dans le glacier du soir
La vigne rentre sous le vert, le bleu reprend le
ciel, le sol s'efface dans la terre, le rouge
s'exhausse et absorbe en lui les champsde Crau.
Les couleurs s'affranchissent des choses et
retrouvent leur règne épais et libre avant
les choses, pareilles à la glaise qui précédait Adam.
Le saurien terre émerge et lève mâchoire
vers la lune, les années rêveuses sortent des grottes
et rôdent tendrement autour de la peau épaisse. Falaise se
redresse, Victoire reprend son âge pour la nuit. Les nuages
même s'écartent, les laissant.
En hâte quittée cette terre qui tremble
ils se sont regroupés dans la ville, bardée de portes.
Ouï dire, Gallimard, 1966, p. 64.
Ronnie Landfield: The Deluge, 1998, 108 x 120 inches, acrylic on canvas, http://ronnielandfield.com/
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17/12/2011
Madonna mia , Oscar Wilde
Une fillette, un lis, inapte à la douleur du monde,
Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,
Aux yeux charmeurs voilés de larmes folles,
Telle une eau d'un bleu pur dans un brouillard de pluie,
Et des joues pâles ignorantes des baisers,
Lèvres rouges qui ont toujours craint l'amour,
Gorge aussi blanche que gorge de colombe,
Sur le marbre de laquelle s'inscrit une veine de pourpre.
Pourtant, bien que mes lèvres ne cessent de te louer,
Je n'ose même pas embrasser ton pied,
Tant je suis assombri par les ailes de la peur,
Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,
Sous le poitrail en feu du Lion, lorsqu'il vit
La septième splendeur et l'escalier d'or (1).
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille, dans op. cité., p. 13.
William-Adolphe Bouguereau (1825-1905) - Head Of A Young Girl (1898)
1 Allusion à un passage de Dante (Le Paradis, XXI, 13-15) : « Nous sommes élevés à la septième splendeur, / qui, sous le poitrail du lion ardent, / mêle maintenant ses rayons au siens » (traduction de Jacqueline Risset, Flammarion, 1996) [Note de la Pléiade, p. 1576].
Merci à Tristan Hordé pour cette contribution.
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12/12/2011
Je suis né un jour bleu, de Daniel Tammet
Je suis né le 31 janvier 1979 – un mercredi. Je sais que c’était un mercredi, parce que la date est bleue, dans mon esprit et les mercredis sont toujours bleus, comme le nombreneuf ou le son des voix bruyantes en train de se disputer. […]
Les nombres sont mes amis et ils sont toujours présents autour de moi. Chacun est unique et a sa propre personnalité. Onze est amical et cinq est bruyant, alors que quatre est à la fois timide et silencieux – c’est mon nombre préféré. […] Certains nombres sont très beaux, comme trois cent trente-trois. […] Quatre-vingt-neuf me rappelle la neige qui tombe. […]
Les émotions peuvent être difficiles pour moi, elles peuvent être difficile à comprendre alors j’utilise souvent les chiffres pour m’aider. Si un ami me dit qu’il se sent triste, je l’imagine en train d’être assis dans l’obscurité du nombre six et ça m’aide à ressentir ce même sentiment de tristesse. […] Les nombres m’aident à mieux comprendre les autres. […]
Quand je regarde une séquence de chiffres, ma tête commence à se remplir de couleurs, de formes et de textures, qui se tissent ensemble spontanément pour former un paysage visuel. Ils sont toujours très beaux pour moi ; quand j’étais enfant je passais des heures à explorer les paysages de nombres dans mon esprit.
Je suis né un jour bleu , édition J'ai lu (Plus d'information sur Daniel Tammet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Tammet
Illustration d' Elisabeth Coulognier," Panorama végetal", que je remercie .A retrouver sur ses sites
http://l-ivredematieresetdecouleurs.blogspot.com/
http://l-ivredelettresetdecouleurs.blogspot.com/
J 'ai découvert ce texte en écoutant l'émission de Jean-Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin du 10 décembre 2011, consacrée à la synesthésie :http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-dar...
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08/12/2011
« Des mots comme du rouge qui respire », d'Angèle Paoli
Que reste-t-il ce soir de tout ce vécu de mots qu’on a engrangé
Chacun pour soi ?
Un peu de poème « avec toute sa guenille de mots ».
« Des mots
comme du rouge qui respire ».
.Le rouge des bleus de Matisse intérieurs et jardins
qui viennent à la rencontre
et le rouge du feu qui poudroie dans les mots.
.des mots comme du rouge qui respire
dans le vieux broc tout émaillé
comme posé là en attente d’un bouquet de cicindèles
ou même des flammes anacoluptères
que les mots grésillent
d’une bûche à l’autre
la respiration comme un souffle de vie à peine
retenu dans le silence gris du jour
et la promesse de la neige peut-être sous la vitre.
.et devant moi encore le rouge d’une étole
en jeté sur l’épaule et autour de la nuque aussi
comme un abandon de plis qu’on ne saurait dire.
.et celui plus carminé de la passion
d’un pendentif au lobe d’une oreille
que tellement ça bouge pour un rien
pour un mot qui passe tout au plus.
qui saura dire un jour quel fleuve
traverse le géant christophore
surgi à la croisée des rues dans le blanc de la roche rongée
et pourquoi au bou du bou du bou
le nom du village interrompu coupé
par qui pourquoi le sait-on ?
panneau sans fléchage et il faut inventer le chemin taillé
dans le gris lent de l’encoule
dans l’à-vif de la montagne blanche mêlé aux ocres chaudes
des pisés forteresses du Maroc.
.Sidi Slimane n’est jamais bien loin.
.le vieux campanile monte dans le peu de lumière derrière la vitre
au plus serré de la rencontre de ce jour
et le mot rouge un peu plus rouge pris dans les nappes et les tentures
et soudain dans celui plus doré du pain d’épices de Noël
qui effrite ses tranches sous les doigts
le rouge des couleurs mélange de bleu et d’oranger
la couleur rouge dans quel mot la retrouver
la rendre à sa rondeur première
à son origine dans la rouille
rouge pâle des tuiles sur les toits qui étirent
leur feuilleté dans la fraîcheur
et les murets décrépis
à quel temps abandonné depuis tant.
.le feu crépite rouge sang d’elfe chaude et d’éventail
que dis-tu en écrivant ces mots sinon le vide des images
qui ne parlent à personne
que lisent les regards sous les paupières closes
derrière la pluie des mots qui tombe en gouttes
de pétales rouges
quelque chose se vit comme un peu de souvenir
effacé que chacun garde au creux de sa propre chaleur
quelque chose se dit de l’intime
coule sa langue douce sous la langue autre
comme une odeur d’enfance à cueillir sous les mots
dans un jardin d’hier une langue d’avant
de Vendée ou d’ailleurs tendue aux quatre coins
d’une lessive fraîche.
.Écrire comme une affaire de désir
comme une affaire de rencontre
un désir de poussière
et de paradis minuscule
quelque chose du rouge dans le grain de la voix.
Angèle Paoli D.R
Merci à Angèle Paoli, qui anime un blog de poésie très riche, Terres de Femmes
Tableau d'Henri Matisse. Statuette et pichet roses sur un coffre des tiroirs rouge. 1910. Huile sur la toile. L'Ermitage, Rue Petersburg, Russie.
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06/12/2011
L'automne du solitaire, de GeorgTrakl
Pour Tristan Hordé
L’automne sombre s’installe plein de fruits et d’abondance,
Éclat jauni des beaux jours d’été.
Un bleu pur sort d’une enveloppe flétrie ;
Le vol des oiseaux résonne de vieilles légendes.
Le vin est pressé, la douce quiétude
Emplie par la réponse ténue à des sombres questions.
Et, ici et là, une croix sur la colline désolée ;
Un troupeau se perd dans la forêt rousse.
Le nuage émigre au-dessus du miroir de l’étang ;
Le geste posé du paysan se repose.
Très doucement l’aile bleue du soir touche
Un toit de paille sèche, la terre noire.
Bientôt des étoiles nichent dans les sourcils de l’homme las ;
Dans les chambres glacées s’installe un décret silencieux
Et des anges sortent sans bruit des yeux bleus
Des amants, dont la souffrance se fait plus douce.
Le roseau murmure ; assaut d’une peur osseuse
Quand la rosée goutte, noire, des saules dépouillés.
Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, 1972, p. 107.
Photo de Chantal Tanet, Tout droit réservé.
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11/11/2011
Matière de Bretagne, de Paul Celan
Lumière de genêt, jaune, les pentes
suppurent vers le ciel, l'épine
courtise la plaie, cela
sonne là-dedans, c'est le soir, le néant
roule ses mers à la prière,
la voile de sang fait route vers toi.
Sec, envasé,
le lit derrière toi, enjonque
son heure, en haut,
près de l'étoile, les ruisselets
laiteux babillent dans la boue, datte de pierre
en contrebas, buissonnante, bée dans le bleu,
un arbrisseau d'éphémère, superbe,
salue ta mémoire.
(Me connaissiez-vous,
mains ? J'allai
le chemin fourchu que vous marquiez, ma
bouche crachait ses galets, j'allai,
mon temps, surplomb neigeux en marche,
jetait son ombre – me connaissez-vous ?)
Mains, la plaie
courtisée par l'épine, cela sonne,
mains, le néant, ses mers,
mains, dans la lumière de genêt, la
voile de sang
fait route vers toi.
Poèmes, traduction par john E Jackson Editions José Corti
Jean Duquoc 73x92 cm. Acrylique .Lumière et Solitude.
19:14 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Jaune, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : matière de bretagne, paul celan, jean duquoc, jaune, bleu | Facebook | Imprimer | | |
08/11/2011
La terre est bleue, de Paul Eluard
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
L'Amour la poésie, (1929)
La métamorphose de la femme,d'André Masson, lithographie de 76x52 cm
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18/10/2011
Le dormeur du val, d'Arthur Rimbaud
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Premier poème du second Cahier de Douai (le recueil Demeny). Ecrit en octobre 1870
Tableau de Gustave Courbet, L'homme blessé, 1844-54
huile sur toile, 81 x 97 cm
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28/08/2011
Pour un herbier (extrait), de Colette
À part le grand aconit, une scille, un lupin, une nigelle, la véronique petit-chêne, le lobélia, et le convolvulus qui triomphe de tous les bleus, le Créateur de toutes choses s’est montré un peu regardant quand il a distribué chez nous les fleurs bleues. On sait que je ne triche pas avec le bleu, mais je ne veux pas qu’il m’abuse. Le muscari n’est pas plus bleu que n’est bleue la prune de Monsieur… Le myosotis ? Il ne se gêne pas pour incliner, à mesure qu’il fleurit, vers le rose. L’iris ? Peuh… Son bleu ne se hausse guère qu’à un très joli mauve, et je ne parle pas de celui qu’on nomme « flamme », dont le violet liturgique et le profane parfum envahissent au printemps les montagnettes, autour de La Garde-Freinet. L’iris des jardins s’habitue docilement à tous les sols, se baigne les pieds dans les petits canaux de Bagatelle, se mêle à ses cousins les tigridias, embrasés et éphémères. Il a six pétales, trois langues nettes, étroites, et trois larges un peu chargées de jaune — le foie, sans doute — et il passe pour bleu, grâce à l’unanimité d’une foule de personnes qui n’entendent rien à la couleur bleue.
Il y a des connaisseurs de bleu comme il y a des amateurs de crus. Quinze étés consécutifs à Saint-Tropez ne me furent pas seulement une cure d’azur, mais une étude aussi, qui ne se bornait pas à la contemplation du ciel provençal et négligeait parfois la Méditerranée. Je n’allais pas mendier le bleu aux clairs lits de sable fin où la vague se repose, sachant bien qu’à peine né de l’aurore, le bleu de la mer serait mordu cruellement par le vert insidieux qui éteint au ciel la dernière étoile, et que chaque point cardinal, quittant le bleu instable, choisit sa couleur céleste : l’est est violacé, le nord d’un rose glacial, l’ouest rougeoyant et gris le sud. Au plus fort du jour provençal le zénith se coiffe de cendre. Ombres courtes réfugiées sous l’arbre et tapies au pied du mur, oiseaux muets, la chatte cueillant une à une les gouttes au bec de la fontaine, l’heure de midi nous chicanait à tous notre ration vitale de bleu et de sérénité.
Nous attendions qu’une petite aile de poussière voletante aux coudes de la route, une frisure blanche à la lèvre du golfe marquassent la résurrection de tous les bleus. Une couleur de dur lapis, rendue à la mer, bondissait réverbérée sous la tonnelle, et chacun des gobelets de verre berçait un dé de glace soudain teinté de saphir.
Au-dessus des Alpes encore dorées, une pelote orageuse, bleue comme un ramier, touchait les cimes. Dans peu d’heures, la pleine lune cheminerait parmi la neige d’étoiles, et jusqu’à l’aube les blancs lys des sables, qui se ferment pendant le jour, seraient bleus.
Colette, Pour un herbier, Œuvres, IV, édition publiée sous la direction de Claude Pichois et Alain Brunet, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2001, p. 900-901.
Tableau de Van Gogh (les Iris). Vous pouvez également retrouver cet extrait sur le site http://litteraturedepartout.hautetfort.com (Merci à Tristan Hordé)
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26/05/2011
Spleen, de Paul Verlaine
Les roses étaient toutes rouges,
Et les lierres étaient tout noirs.
Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.
Le ciel était trop bleu, trop tendre
La mer trop verte et l’air trop doux.
Je crains toujours,- ce qu’est d’attendre!
Quelque fuite atroce de vous.
Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,
Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas!
Aquarelles, Romances sans paroles
Tableau Egon Schiele
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21/05/2011
Histoire de bleu, (extrait) de Jean-Michel Maulpoix
Le bleu ne fait pas de bruit.
C'est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle il s'enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l'âme après qu'elle s'est déshabillée du corps, après qu'a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s'évade.
Ce n'est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l'air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l'homme que dans les cieux.
L'air que nous respirons, l'apparence de vide sur laquelle remuent nos figures, l'espace que nous traversons n'est rien d'autre que ce bleu terrestre, invisible tant il est proche et fait corps avec nous, habillant nos gestes et nos voix. Présent jusque dans la chambre, tous volets tirés et toutes lampes éteintes, insensible vêtement de notre vie.
Histoire de bleu, collection poésie Gallimard
Tableau d'Elisabeth Couloignier que je remercie. Vous pouvez retrouver son travail:
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15/05/2011
Orient, de Nizar Kabbani
Brisées les jarres
Les jarres de couleurs
Notre rendez-vous
Est dans les nuages
Sous les fenêtres de l'Orient.
Notre voyage
Dans les ports de turquoise
Et sur les stores bleus
De l'Occident.
Avec les parfums
Notre couche voyage
Rose
Changeante aux horizons.
Nourrissons-nous
Aux surplis de la rose
A tout ce que la nuit recèle
De rythmes et d'amour.
Extrait du Poème Orient, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, éditions du seuil, p150
Tableau de Matisse (L'escargot, 1952)
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20/04/2011
Le bleu IKB, d’Yves Klein (1928- 1962)
Les monochromes de différentes couleurs sont à l’origine de l’œuvre entière d’Yves Klein car, en choisissant une seule couleur pour recouvrir entièrement la surface de la toile, il cherche à éviter d’introduire dans la peinture un élément qui lui est extérieur, comme l’interprétation psychologique d’une forme.
Mais surtout, la couleur est pour lui le moyen, comme pour Delacroix auquel il ne cesse de se référer, d’atteindre la sensibilité :
"Jamais par la ligne, on n’a pu créer dans la peinture une quatrième, cinquième ou une quelconque autre dimension ; seule la couleur peut tenter de réussir cet exploit" ("Sur la monochromie", in Yves Klein, Centre Georges Pompidou, Paris, 1983, p.194).
Le format allongé et déroutant de ce monochrome, ainsi que l’épaisseur du panneau qui met la couleur en relief, contribuent à exprimer cette exigence.
Si, par la suite, Klein réduit ses monochromes à la seule couleur bleue, c’est parce qu’étant la plus abstraite des couleurs, elle lui permet mieux que toute autre de réaliser son programme artistique :
"Le bleu n'a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont. Ce sont des espaces pré-psychologiques (…). Toutes les couleurs amènent des associations d'idées concrètes (…) tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu'il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible".
(in L’architecture de l’air, Conférence de la Sorbonne, 1959).
Entre 1955 et 1962, Klein a réalisé quelque 194 monochromes, d’une variété de supports, de formats, de textures, mais qu’il réduit à la couleur bleue à partir de 1957. IKB 3 fait partie d’une série, peinte entre 1960 et 1961, de quinze de ces monochromes dont la spécificité réside dans leurs dimensions symboliques de 2m x 1m50, "à peine plus hautes que la moyenne des spectateurs et d'une largeur inférieure à l'envergure des bras". Conçus à la mesure du corps humain, ces monochromes, tout comme les anthropométries, signifient chez Klein le lien intime qui unit la peinture au corps et à la chair.
Le bleu d'IKB 3 a pour autre particularité d’atteindre, par son degré de pulvérulence pigmentaire, à des phosphorescences violacées qui lui procurent une profondeur mystérieuse, matérialisant la "couleur de l'espace-même".
Yves Klein a fait enregistrer en 1960 ce bleu sous le nom IKB (International Klein Blue) à l’Institut National de la Propriété industrielle, sous la forme d’une « enveloppe Soleau . Elle décrit un médium fixatif (une pâte fluide originale substituée à l'huile, liant utilisé traditionnellement en peinture) qui fixe du pigment bleu outremer N° 1311.
06:03 Publié dans Bleu, Peintres et couleurs, Pigments et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yves klein, bleu | Facebook | Imprimer | | |