04/03/2011
Correspondances, de Charles Baudelaire
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Correspondances, Les Fleurs du Mal.
Tableau de Wassily Kandinsky
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24/02/2011
Hamlet, de William Shakespeare
Être, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ? Mourir... dormir, rien de plus... et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là est l’embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? Voilà qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d’une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations, et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes, s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d’action... Doucement, maintenant ! Voici la belle Ophélia... Nymphe, dans tes oraisons souviens-toi de tous mes péchés. [...] »
Tableau de Jackson Pollock
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21/02/2011
Nuanciers, lumière et couleurs
La perception des couleurs peut être très différente en fonction de la lumière.
Lumière du jour : la qualité de cette lumière varie aux différents moments de la journée et suivant l’orientation.
Lumière électrique : il n'existe pas une lumière électrique mais des lumières : lumière blanche, jaune, bleu, halogène, leds…
L’environnement extérieur joue aussi sur la perception des couleurs. Un environnement très verdoyant (les feuilles des arbres par exemple), peut avoir tendance à verdir les blancs cassés, selon la configuration des lieux.
Quand vous choisissez la (les) couleur(s) d'une pièce, il est donc important de savoir à quel usage cette pièce est destinée et à quel moment vous y êtes le plus souvent.
Pour ne pas être déçu, il faut faire des essais. Il suffit de peindre un bristol par exemple d'un format A 4 avec la peinture choisie et de vous promener dans la pièce à peindre à différentes heures de la journée. (Certaines marques proposent des échantillons de peinture à des prix raisonnables). Vous jugerez mieux l’effet de la couleur que vous avez choisie.
Si elle ne vous convient pas totalement et que vous l'avez déjà achetée, pas de panique: il est toujours possible de modifier légèrement la couleur avec des pigments ou des colorants.
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03/02/2011
Extraits de Poésies, 1946-1967, de Philippe Jaccottet
Toute fleur n’est que de la nuit
qui feint de s’être rapprochée
Mais là d’où son parfum s’élève
je ne puis espérer entrer
c’est pourquoi tant il me trouble
et me fait si longtemps veiller
devant cette porte fermée
Toute couleur, toute vie
naît d’où le regard s’arrête
Ce monde n’est que la crête
d’un invisible incendie.
Philippe Jaccottet, Poésies, 1946-1967, préface de Jean Starobinski, Poésie / Gallimard, n° 71, 1971, réimpression de 2001, p. 108
Tableau de Dominique Hordé
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22/01/2011
Les pigments verts
Si la nature offre une profusion de verts, aucune plante ne permet de teindre de façon satisfaisante et durable une étoffe de cette couleur. Pour obtenir du vert avec des pigments naturels, il est plus simple d'aditionner du jaune et du bleu ou du bleu et du jaune. A ma connaissance, il n’y a que deux pigments verts naturels - tous les deux d’origine minérale - qui permettent d’obtenir cette couleur et qui ont été utilisés dès l'antiquité.
Les terres vertes
Ce sont des roches qui doivent leur couleur au fait qu’elles contiennentt une grande proportion d’argiles vertes. Avec les terres vertes , on n’obtient des verts très doux. Elles sont utilisées pures ou mélangées entre elles ou à d’autres pigments.
Les artistes romains travaillaient beaucoup avec ses terres vertes et les couleurs de ces fresque découvertes dans de nombreuse villas (celle-ci ornait la villa de Livie, à Rome) ont très bien résisté aux ans.
La malachite
C'est une pierre (un carbonate basique de cuivre naturel) d’un beau vert vif qui se présente sous forme de concrétions aux formes rondes.
Dans son tableau (les Epoux Arnolfini, peinture sur bois datée de 1434, 82x60 cm, Van Eyckt a utilisé de la malachite. Ce drapé est obtenu grâce à des successions de glacis de densités différentes.
C'est un pigment onéreux et en occident, elle a été remplacée par le vert de chrome …Par contre, en Chine, elle est utlisée depuis la plus haute antiquité dans la peinture de paysage et la fabrication des encres vertes, et reste toujours autant appréciée par les peintres.
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16/01/2011
Patine italienne
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10/01/2011
Delacroix et la couleur
Eugène Delacroix (1798 - 1863) fut un des plus grands coloristes du XIXe siècle. C'est avec la couleur qu'il construit son tableau. S'inspirant des travaux de Chevreul sur le contraste simultané des couleurs, il bannit le noir de sa palette: «ajouter du noir, dit-il, c'est salir le ton». Son travail sur la couleur et la lumière a largement inspiré les impressionnistes.
Extrait de son journal (1852)
Les peintres qui ne sont pas coloristes font de l'enluminure et non de la peinture
La peinture proprement dite, à moins qu'on ne veuille faire un camaïeu, comporte l'idée de la couleur comme une des bases nécessaires, aussi bien que le clair-obscur et la proportion et la perspective.
La proportion s'applique à la sculpture comme à la peinture ; la perspective détermine le contour ; le clair-obscur donne la saillie par la disposition des ombres et des clairs mis en relation avec le fond ; la couleur donne l'apparence de la vie.
Le sculpteur ne commence pas son ouvrage par un contour : il bâtit avec sa matière une apparence de l'objet qui, grossier d'abord, présente dès le principe la condition principale qui est la saillie réelle et la solidité. Les coloristes,qui sont ceux qui réunissent toutes les parties de la peinture, doivent établir en même temps et dès le principe tout ce qui est propre et essentiel à leur art. Ils doivent masser avec la couleur comme le sculpteur avec la terre, le marbre ou la pierre ; leur ébauche, comme celle du sculpteur, doit présenter également la proportion, la perspective, l'effet et la couleur.
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06/12/2010
Nicolas Poussin, (1594-1565)par Philippe Sollers
Nous arrivons maintenant à Nicolas Poussin en faisant, je crois, par rapport aux Vénus italiennes, un pas de plus et tout à fait décisif, extraordinaire, dans la représentation de la sensualité féminine. Celle-ci n'apparaît que très tardivement, je dirais, pratiquement grâce au christianisme, parce que la grande sensualité grecque est oblitérée et copiée de façon un peu rigide par les Romains, et que cela resurgit en plein 17e siècle.
Je crois que Poussin ajoute quelque chose à l'auto-érotisme de la représentation féminine, avec l'une des plus belles Vénus jamais peintes, peut-être la plus belle, pour moi. Je pense à la volupté d'être soi, ce qui est suffisamment souligné par le linge qui vient légèrement caresser, plutôt que couvrir, la région qui se trouve entre les jambes - de même que vous aviez dans une célèbre « Vénus » de Titien le regard de l'organiste qui va se porter sur cet endroit, cet endroit encore une fois terrifiant pour nos préhistoriques, qui est l'objet de toutes les peurs, de tout le sacré. Là vous avez un engouement pour ce que le petit amour vous indique, et une sorte de volupté totale dans le sommeil. C'est, à mon avis, un tableau de délectation tellement extraordinaire qu'il me semble que toute la peinture française ultérieure en sort, et que ni Watteau, ni même Fragonard, n'atteindront ce niveau.
Il y a là comme une avance vers ce 19e siècle, ce siècle de Manet et Courbet qui vont faire tellement sensation. Poussin est le géniteur de cette volupté énigmatique, même si l'on considère par ailleurs Vélasquez ou Rubens. Je crois qu'il faut insister sur cette « Vénus », qui traduit si pleinement ce à quoi Goya, Manet, tous, regardez-les, essayent de penser, même Ingres, le vieil Ingres du « Bain Turc ».
Philippe Sollers
Connaissance des Arts, n°512- Décembre 1994.
Venus et Cupidon (1626) par Nicolas Poussin (1594-1565)
06:55 Publié dans Peintres et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peintres, peintures, arts, couleurs, nicolas poussin, philippe sollers | Facebook | Imprimer | | |
17/11/2010
Couleurs, de Federico Garcia Lorca
Au-dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
et de verrière brisée,
et par-dessus les déserts
elle est profonde et sanglante.
Mais la lune blanche,
la seule vraie lune,
brille sur les calmes
cimetières de villages.
Chansons sous la lune
Tableau d'Atkinson Grimshaw
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06/09/2010
Un sport et un passe-temps (extrait) de James Salter
C'est la France verte, bourgeoise. Nous roulons à une vitesse phénomènale. Nous passons sur des ponts, une brève série de martèlements. La campagne s'ouvre. Nous sommes en route vers des villes où personne ne va. Il y a de longues étendues couleur de blé, puis une terre verte, plane, étale et riche. Les fermes sont en pierre. La sagesse ancestrale veut que la terre soit la seule richesse qui compte, conviction qu'il n'y a lieu ni de remettre en cause, ni de changer. Pays dégagé, plat comme des terrain de jeux. Bouquets d'arbres.
Editions de l'Olivier.
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01/09/2010
Exercices de style, de Raymond Queneau
Un jour, je me trouvais sur la plate-forme d'un autobus violet. Il y avait là un jeune homme assez ridicule : cou indigo, cordelière au chapeau. Tout d'un coup, il proteste contre un monsieur bleu. Il lui reproche notamment, d'une voix verte, de le bousculer chaque fois qu'il descend des gens. Ceci dit, il se précipite, vers une place jaune, pour s'y asseoir.
Deux heures plus tard, je le rencontre devant une gare orangée. Il est avec un ami qui lui conseille de faire ajouter un bouton à son pardessus rouge.
Visuel
Dans l'ensemble c'est vert avec un toit blanc, allongé, avec des vitres. C'est
pas le premier venu qui pourrait faire ça, des vitres. La plate-forme c'est sans
couleur, c'est moitié gris moitié marron si l'on veut. C'est surtout plein de
courbes, des tas d'S pour ainsi dire. Mais à midi comme ça, heure d'affluence,
c'est un drôle d'enchevêtrement. Pour bien faire faudrait étirer hors du magma
un rectangle d'ocre pâle, y planter au bout un ovale pâle ocre et là-dessus
coller dans les ocres foncés un galurin que cernerait une tresse de terre de
Sienne brülée et entremêlée par-dessus le marché. Puis on t'y foutrait une tache
caca d'oie pour représenter la rage, un triangle rouge pour exprimer la colère
et une pissée de vert pour rendre la bile rentrée et la trouille foireuse.
Après ça on te dessinerait un de ces jolis petits mignons de pardingues bleu
marine avec, en haut, juste en dessous de l'échancrure, un joli mignon bouton
dessiné au petit quart de poil.
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31/07/2010
La peau du monde, de René Daumal
Je vis et je vais m’interrogeant de la vie,
et l’image méconnaissable de moi-même,
ce monde d’air, de roc, de maisons, de lumières,
de millions de visages sans lois, sans voix
ce cuivre, ce bois verni, ces souffles, ces cris,
tournent, couleurs à fleur de peau,
formes touchées, mangées, où suis-je ?
(non, non, ce n’est pas une devinette,
hélas, ce n’est pas une devinette,
que ce soit ici ou ailleurs
je ne me reconnais plus.)
Ordre si fragile de la géométrie,
ne me prodigue plus les consolations de ton cœur de fer.
Ces jours, je vais dans les couleurs et les sons mêlés,
et je vois la nuit dans les plus vives lumières,
monde, monstrueux fantôme,
ton jour est la plus vide des nuits.
Une voix dit : ″où suis-je ? qui suis-je ?″
Est-ce ma voix dans ce désert ?
La surface de chaque chose
est tendue par la nuit qui la gonfle,
− Oh ! cette nuit en voiles de soleil !
Oui, cette parole dans la bulle d’illusion,
cette parole perdue,
ce n’est jamais que la mienne.
René Daumal, ″L’ennemi du jour », in Le contre-ciel, suivi de Les dernières paroles du poète, Poésie /Gallimard, n° 63, 1970, p. 141.
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30/07/2010
Feuillets, Ecrits 1, de Gustave Roud
Encrier renversé
tous mes morts vont flairer
ce sang noir
O caverne d’os au creux de mes deux mains
dégorge cette foule qui se lève en silence et
piétine ma pensée
ils vivent ils vivent ils
jaillissent de l’âcre odeur
Mais ma lampe saura les dévorer et tous ceux
qui triompheront de sa lumière je dessine ici
le lac magique de leur capture pour toujours.
L’exubérance, fleurs, feuillages, du milieu de juin n’est rien comparée à la puissante maturité qui saisit cette terre plus belle qu’aucun ciel. A la fin de juillet le ciel auparavant comme une lisse toile bleue se creuse soudain, gouffre sans un frisson où baignent les feuillages verts et noirs d’une dureté inexorable ; et lorsque août arrive, on voit vers le soir la lumière comme un fleuve fuir à l’horizon vers une mer inconnue et rendre à la voûte abandonnée sa transparence peu à peu chargée d’étoiles.
Gustave Roud, Feuillets, Écrits 1, Bibliothèques des arts, 1978, pp.27 et 30
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29/07/2010
La désillusion, de René Daumal
Blanc et noir et blanc et noir,
attention, je vais vous apprendre à mourir,
fermez les yeux, serrez les dents,
clac ! vous voyez, ce n’est pas difficile,
il n’y a là rien d’étonnant.
— Je vous parle sans passion,
noir et blanc et noir et blanc,
clac ! vous voyez qu’on s’y fait vite, je vous parle sans amour, et pourtant vous savez bien...
il faut être évident jusqu’à l’absurde —
Blanc et noir et blanc et noir et noir et blanc,
si nos âmes échangeaient leur corps,
il n’y aurait rien de changé,
alors ne parlez plus de corps ni d’âmes.
Blanc, noir, clac ! c’est la seule chose
qu’ensemble nous pouvons comprendre,
(mais n’est-ce pas qu’il n’y a là rien de tragique ?)
Je vous parle sans passion,
blanc, noir, blanc, noir, clac,
et c’est mon éternel cri de mourant,
ce cri blanc, ce trou noir...
Oh ! Vous n’entendez pas,
vous n’existez pas,
je suis seul à mourir.
René Daumal, Le contre-ciel, suivi de Les dernières paroles du poète, Poésie/Gallimard, 1970, p. 73-74.
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16/07/2010
Le Domaine des morts, de Maurio Fabi
La déchirante beauté d'un arbre
qui meurt lequel
retient encore un peu ses feuilles
cette grâce distante que seul ce
qu'on abandonne affecte de posséder
ces couleurs implicites qu'ont les choses
quand elles s'achèvent
la vie qui est autour de lui dans le bois
le chant des branches et l'horizon
la vallée,
le spectacle incroyable
antique et nouveau d'un crépuscule.
*
Rêver de mourir d'être mort de
mourir peu à peu
dans un lit à peine fait
avec les enfants qui jouent
dans la pièce à côté
le bruit feutré des pantoufles sur les
escaliers
une chaise qui se déplace l'odeur
de choses qu'on devra abandonner
la hâte de celui qui t'aime
ce passage imperceptible
d'une saison à l'autre
d'une vie à l'autre qui s'annonce
dans un coup de vent
dans la tache de lumière qui s'agrandit
sur le plancher.
* * *
La struggente bellezza di un albero
che muore il suo
trattenere ancora un poco le foglie
quella grazia distante che solo ciò
che si abbandona mostra di possedere
quei colori impliciti che hanno le cose
quando si esauriscono
la vita che gli sta intorno nel bosco
il canto delle fronde e l'orizzonte
la valle,
lo spettacolo incredibile
antico e nuovo di un tramonto.
*
Sognare di morire di esser morto di
morire a poco a poco
in un letto appena fatto
con i bambini che giocano
nella stanza accanto
il rumore felpato di pantofole sulle
scale
una sedia che si sposta l'odore
di cose che si dovranno abbandonare
la premura di chi ti vuole bene
quel passaggio impercettibile
da una stagione all'altra
da una vita all'altra che si annuncia
in un colpo di vento
nella macchia di luce che si allarga
sul pavimento
Mauro Fabi, Le Domaine des morts, traduction Olivier Favier, Alidades, (extraits).
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15/07/2010
Chute, de Jean-Jacques Viton
on ne mesure pas le lent-vite
la chute ne s'improvise pas
l'espace du chuteur est mal défini
on ne mesure pas le lent-vite
sur la ligne du sens unique
uniforme puzzle de vitesse
monté par miettes de visions
un seul mouvement sans pauses
n'importe où dans l'espace
pieds détendus parallèles l'un à l'autre
genoux et ventre relâchés et ouverts
colonne vertébrale longue et large
l'homme d'aplomb traverse ainsi l'espace
son visage s'expose comme une fleur
buste un peu arqué sur l'axe obligé
bras tendus vers le bas ou le haut
bolide isolé vivant encore d'apparence
il passe des zones de dérèglements
allongé sur une surface neuve
échappé d'un arrêt sur image
filant immobile vers son futur
triangle blanc du visage aux yeux fixes
au sourire fermé imperceptible
l'homme d'aplomb croit à cet élan
il ne peut rien saisir au passage
ni rampe ni ce qui s'accomplit
le réel ne l'attrape pas
il n'y a pas d'ange sur son chemin
un fil noir un noir sans marge
il peut s'y croire abrité
pour croire dans le noir pour tout éviter
il se passe beaucoup de rien
pendant la chute la peau elle
se dégage et y va seule
tout se ferme sous la peau
du côté qui va tout prendre
dans la chute on se prépare à tout
c'est compliqué elle ne se modifie pas
pas de trait d'union un unique tracé
on se demande si ça arrive
situation inimaginable il faudrait
recommencer la figure retenir la sensation
du départ de l'endroit fixe
et de l'entrée dans le nouvel espace
pénétrer dans l'espace en fusion avec tous ceux
qui traversent l'espace
forage d'un pays inconnu à langue étrange
jamais perçue jamais prononcée
la chute c'est un incomparable silence
on s'y perd dans cet élan
rêver l'étreinte vient des arbres
(…)
Jean-Jacques Viton, selected sueurs, éd. P.O.L, 2010 (125 p.) pp 55-59
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13/07/2010
Bleu, bleu, le ciel de Provence, de Marcel Amont
Blanc, blanc, blanc, le goéland
Le bateau blanc qui danse
Blond, blond, le soleil de plomb
Et dans tes yeux
Mon rêve en bleu , bleu, bleu
Quand j'ai besoin de vacances
Je m'embarque dans tes yeux
Bleus, bleus, comme un ciel immense
Et nous partons tous les deux.
Bleu, bleu, le ciel de Provence
Blanc, blanc, blanc, le goéland
Le bateau blanc qui danse
Blond, blond, le soleil de plomb
Et dans tes yeux
Mon rêve en bleu, bleu, bleu
Quand le vent claque la toile
De ton joli jupon blanc
Blanc, blanc comme une voile
Je navigue éperdument.
Bleu, bleu, le ciel de Provence
Blanc, blanc, blanc, le goéland
Le bateau blanc qui danse
Blond, blond, le soleil de plomb
Et dans tes yeux
Mon rêve en bleu, bleu, bleu
Tes cheveux d'un blond de rêve
Déferlent en flots légers
Blonds, blonds, blonds sur une grève
Où je voudrais naufrager
Bleu, bleu, le ciel de Provence
Blanc, blanc, blanc, le goéland
Le bateau blanc qui danse
Blond, blond, le soleil de plomb
Et dans tes yeux
Mon rêve en bleu, bleu, bleu
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09/07/2010
Pour un verger, de Jacques Reda
Claude Monet (origine non connue)
Poème : le seul lieu comparable à ce trouble
Heureux qui ressaisit, le soir, près d'un verger,
Ifs et roses, l'espoir souvent déchiré, double
Lumière qui s'éloigne et veut nous héberger.
Infaillible refuge, et pourtant illusoire :
Pentes au loin plus délicates qu'un bleuet,
Pures voix des enfants dans l'air lavé d'histoire,
Et le mot "mort" comme un oiseau soudain muet
Jugeant du recoin sombre où rien n'en fait accroire
A la nuit qui sourd et déjà, dans la clarté,
Crachait son encre sur la page dérisoire –
Cris en bas, soubresauts du jour décapité.
Or nier l'ombre affaiblirait cette lumière
Timide qui résiste et semble sur nos mains
Trembler tel un reflet d'étoile dans l'ornière.
Elle appelle. Comme une voix sur ces chemins
Troués de mots qui n'ont pas pu la garder prisonnière.
Jacques Réda, Premier livre des Reconnaissances. Fata Morgana 1985, p. 33.
21:38 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, couleurs, jacques réda | Facebook | Imprimer | | |
01/07/2010
Ce peu de bruits, de Philippe Jaccottet
Venue du beau temps. Le géranium « herbe à Robert » avec ses très petites et presque banales fleurs rouges portées par des tiges à la fois frêles et droites, voilà qui vous parle encore un peu tout de même. Comme si les derniers signes devaient venir du plus insignifiant.
*
Le froid, le gris, comme du fer.
Ciel couleur de fumées basses, de cendres qui auraient tout oublié du feu qu’elles furent.
Ciel qui efface le souvenir des saisons plus heureuses. Ciel fermé, porte murée.
Tout ce qui se ternit, ne renvoyant plus la lumière.
*
Jusqu’au bout, dénouer, même avec des mains nouées.
Philippe Jaccottet, Ce Peu de bruits, Gallimard, 2008, pp. 90, 58 et 59
22:39 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, couleurs, gris, rouge, philippe jaccottet | Facebook | Imprimer | | |
20/06/2010
Le béton ciré dans tous ses états!
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