20/06/2013
Aquarelliste, de Guillaume Apollinaire
Papiers collés/50x70 cm/Dominique Hordé
À Mademoiselle Yvonne M…
Yvonne sérieuse au visage pâlot
A pris du papier blanc et des couleurs à l’eau
Puis rempli ses godets d’eau claire à la cuisine.
Yvonnette aujourd’hui veut peindre. Elle imagine
De quoi serait capable un peintre de sept ans.
Ferait-elle un portrait ? Il faudrait trop de temps
Et puis la ressemblance est un point difficile
À saisir, il vaut mieux peindre de l’immobile
Et parmi l’immobile inclus dans sa raison
Yvonnette a fait choix d’une belle maison
Et la peint toute une heure en enfant douce et sage.
Derrière la maison s’étend un paysage
Paisible comme un front pensif d’enfant heureux,
Un paysage vert avec des monts ocreux.
Or plus haut que le toit d’un rouge de blessure
Monte un ciel de cinabre où nul jour ne s’azure.
Quand j’étais tout petit aux cheveux longs rêvant,
Quand je stellais le ciel de mes ballons d’enfant,
Je peignais comme toi, ma mignonne Yvonnette,
Des paysages verts avec la maisonnette,
Mais au lieu d’un ciel triste et jamais azuré
J’ai peint toujours le ciel très bleu comme le vrai.
Alcools, Collection Poésie, Galimard
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16/06/2013
Chant III (extrait), de Jacques Ancet
Odilon Redon (référence inconnue)
Et pourtant, je reviens, & comment l’expliquer malgré tant de raisons d’abandonner, tant de raisons de s’enfermer, de disparaître, je reviens
comme après un jour de pluie dans le ciel obscur, la lumière soudain, & tout semble recommencer
les tasses brillent, le bois de la table, & sur la vitre un grand morceau de bleu où s’entrecroisent les branches noires
un contre-jour où tu es là, & quand même, je dis oui au sourire, à la tendresse, à toutes ces années & leur ombre portée, oui à ce trop peu de temps qui reste
alors je reviens, je me dépêche,
je me dépêche pour chaque objet, la chaise, la table, le fauteuil, le tapis,
pour le jaune des pommes, le vert de l’hibiscus & du lierre, pour le livre entr’ouvert, le frémissement des feuilles
pour le mystère de ces deux-là, devant leur café, le brouhaha des voix, les soupirs du percolateur, le jour qui tombe & le clin d’œil des lampes
pour le matin de la blancheur & du givre, du bleu pâle des yeux au milieu des images,
pour le vent qu’on ne voit pas & qu’on voit pourtant dans les arbres secoués ou la dérive des nuages, & qu’on entend, parfois,
c’est un soupir comme glissé sous le silence, une sorte de voix sans mots qu’on écoute un instant
Ode au renoncement, Lettres Vives, 2013
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20/04/2013
Au bois, de Victor Hugo
Tableau de Laurence Amélie à retrouver sur http://laurence-amelie.com/
Nous étions, elle et moi, dans cet avril charmant
De l'amour qui commence, en éblouissement.
O souvenirs ! ô temps ! heures évanouies !
Nous allions, le coeur plein d'extases inouïes,
Ensemble dans les bois, et la main dans la main.
Pour prendre le sentier nous quittions le chemin,
Nous quittions le sentier pour marcher, dans les herbes.
Le ciel resplendissait dans ses regards superbes ;
Elle disait : Je t'aime et je me sentais dieu.
Parfois, près d'une source, on s'asseyait un peu.
Que de fois j'ai montré sa gorge aux branches d'arbre !
Rougissante et pareille aux naïades de marbre,
Tu baignais tes pieds nus et blancs comme le lait.
Puis nous nous en allions rêveurs. Il me semblait,
En regardant autour de nous les pâquerettes,
Les boutons d'or joyeux, les pervenches secrètes,
Et les frais liserons d'une eau pure arrosés,
Que ces petites fleurs étaient tous les baisers
Tombés dans le trajet de ma bouche à ta bouche
Pendant que nous marchions ; et la grotte farouche,
Et la ronce sauvage et le roc chauve et noir,
Envieux, murmuraient : Que va dire ce soir
Diane aux chastes yeux, la déesse étoilée,
En voyant toute l'herbe au fond du bois foulée ?
Extrait de Toute la lyre, Oeuvres complètes, T4, collection Bouquins, Robert Laffont.
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09/03/2013
Columbiformes, de Fabienne Raphoz
(Columbidés)
« …la frayeur m’enveloppe.
Et je t’ai dit : "Qui me donnera un plumage comme à la colombe,
pour que je m’envole et me pose" ? »
(Psaumes, I.V, 7)
Les columbidés sont une famille unique
Le Pigeon biset est le pigeon des villes
Le Pigeon des neiges a la tête noire
Le Pigeon violet est japonais
Le Pigeon a tête pâle est violet
La femelle de la Colombe bleutée est couleur terre de Sienne
La femelle de la colombe rouviolette est verte
La femelle de la Colombe rousse n’est pas entièrement rousse
La femelle de la Colombe mondétour n’a pas la gorge brune
La femelle du Ptilope orange est verte
La Colombe du Costa Rica est endémique du Costa Rica et de Panama
La Colombe du Costa Rica a le front chamois
La Colombe à nuque violette a la nuque violette dans toutes les langues
La grosse larme de la Tourterelle à ailes blanches
La petite larme noire de la Tourterelle noire
Le cou zébré de la Tourterelle orientale et de la Tourterelle des bois
Le rose aurore du Pigeon à bec rouge du Pigeon à bec noir du Pigeon simple du Pigeon rousset du Pigeon vineux de la Tourterelle à tête grise de la Tourterelle de Socorro de la Tourterelle oreillarde de la Tourterelle à queue carrée de la Tourterelle des Galapagos du Colombar giouanne du Ptilope porphyre du Carpophage pinon
La Tourterelle turque est une servante accablée
La Tourterelle du Cap est un tsikoloto
Tous les colombars sont des pigeons verts
Tous les pigeons verts sont des colombars ou des ptilopes
Le Colombar de Siebold se désaltère d’eau de mer
[…]
Fabienne Raphoz, Jeux d’oiseaux dans un ciel vide augures, éditions Héros-Limite, 2011, p. 81-82.
Tableau de Steven Kenny © Steven Kenny http://www.stevenkenny.com/
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Attente, partition, de Sereine Berlottier
15 mars
l’œil qui s’ouvre dans le noir, avant même que la farine de l’ aube ne s’éparpille aux fenêtres
la peau sait peut-être des choses que tu ignores
les seins laineux, noués et doux
tout bouge et se déplie maintenant
fleurs et balancement dans la tranchée sombre
on continue à vivre
hameçonnée
et l’espoir
et tous les lieux où se cacher mal pour dire
ton corps dedans
ce puits de rouge
sur l’émail blanc
et sa fraîcheur de fraise
écrasée
sa pulpe douce
tu n’es pas triste s’il y a à voir, à reconnaître
Attente, partition, éditions Argol, 2011, p. 119
Tableau de Cy Twombly
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17/02/2013
La jeune fille, de Francis Jammes
La jeune fille est blanche,
elle a des veines vertes
aux poignets, dans ses manches
ouvertes.
On ne sait pas pourquoi
elle rit. Par moment
elle crie et cela
est perçant.
Est-ce qu’elle se doute
qu’elle vous prend le cœur
en cueillant sur la route
des fleurs ?
On dirait quelquefois
qu’elle comprend des choses.
Pas toujours. Elle cause
tout bas.
« Oh ! ma chère ! oh ! là là...
... Figure-toi... mardi
je l’ai vu... j’ai rri. » — Elle dit
comme ça.
Quand un jeune homme souffre,
d’abord elle se tait :
et ne rit plus, tout
étonnée.
Dans les petits chemins
elle remplit ses mains
de piquants de bruyères,
de fougères.
Elle est grande, elle est blanche,
elle a des bras très doux.
Elle est très droite et penche
le cou.
De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir (1898). Poésies Gallimard
Tableau d'Ilya Zomb. http://www.zombart.com/
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10/02/2013
Jardins, (Connaissance de l'est) , de Paul Claudel
Lotus Peak, de Liu Haisu Source
Il est trois heures et demie. Deuil blanc : le ciel est comme offusqué d’un linge. L’air est humide et cru.
J’entre dans la cité. Je cherche les jardins.
Je marche dans un jus noir. Le long de la tranchée dont je suis le bord croulant, l’odeur est si forte qu’elle est comme explosive. Cela sent l’huile, l’ail, la graisse, la crasse, l’opium, l’urine, l’excrément et la tripaille. Chaussés d’épais cothurnes ou de sandales de paille, coiffés du long capuce du foumaoou de la calotte de feutre, emmanchés de caleçons et de jambières de toile ou de soie, je marche au milieu de gens à l’air hilare et naïf.
Le mur serpente et ondule, et sa crête, avec son arrangement de briques et de tuiles à jour, imite le dos et le corps d’un dragon qui rampe ; une façon, dans un flot de fumée qui boucle, de tête le termine. — C’est ici. Je heurte mystérieusement à une petite porte noire : on ouvre. Sous des toits surplombants, je traverse une suite de vestibules et d’étroits corridors. Me voici dans le lieu étrange.
C’est un jardin de pierres. — Comme les anciens dessinateurs italiens et français, les Chinois ont compris qu’un jardin, du fait de sa clôture, devait se suffire à lui-même, se composer dans toutes ses parties. Ainsi la nature s’accommode singulièrement à notre esprit, et, par un accord subtil, le maître se sent, où qu’il porte son œil, chez lui. De même qu’un paysage n’est pas constitué par de l’herbe et par la couleur des feuillages, mais par l’accord de ses lignes et le mouvement de ses terrains, les Chinois construisent leurs jardins à la lettre, avec des pierres. Ils sculptent au lieu de peindre. Susceptible d’élévations et de profondeurs, de contours et de reliefs, par la variété de ses plans et de ses aspects, la pierre leur a semblé plus docile et plus propre que le végétal, réduit à son rôle naturel de décoration et d’ornement, à créer le site humain. La nature elle-même a préparé les matériaux, suivant que la main du temps, la gelée, la pluie, use, travaille la roche, la fore, l’entaille, la fouille d’un doigt profond. Visages, animaux, ossatures, mains, conques, torses sans tête, pétrifications comme d’un morceau de foule figée, mélangée de feuillages et de poissons, l’art chinois se saisit de ces objets étranges, les imite, les dispose avec une subtile industrie.
Le lieu ici représente un mont fendu par un précipice et auquel des rampes abruptes donnent accès. Son pied baigne dans un petit lac que recouvre à demi une peau verte et dont un pont en zigzag complète le cadre biais. Assise sur des pilotis de granit rose, la maison-de-thé mire dans le vert-noir du bassin ses doubles toits triomphaux, qui, comme des ailes qui se déploient, paraissent la lever de terre. Là-bas, fichés tout droit dans le sol comme des chandeliers de fer, des arbres dépouillés barrent le ciel, dominent le jardin de leurs statures géantes. Je m’engage parmi les pierres, et par un long labyrinthe dont les lacets et les retours, les montées et les évasions, amplifient, multiplient la scène, imitent autour du lac et de la montagne la circulation de la rêverie, j’atteins le kiosque du sommet. Le jardin paraît creux au-dessous de moi comme une vallée, plein de temples et de pavillons, et au milieu des arbres apparaît le poème des toits.
Il en est de hauts et de bas, de simples et de multiples, d’allongés comme des frontons, de turgides comme des sonnettes. Ils sont surmontés de frises historiées, décorés de scolopendres et de poissons : la cime arbore à l’intersection ultime de ses arêtes, — cerf, cigogne, autel, vase ou grenade ailée, — emblème. Les toitures dont les coins remontent, comme des bras on relève une robe trop ample, ont des blancheurs grasses de craie, de noirs de suie jaunâtres et mats. L’air est vert, comme lorsqu’on regarde au travers d’une vieille vitre.
L’autre versant nous met face au grand Pavillon, et la descente qui lentement me ramène vers le lac par des marches irrégulières gradue d’autres surprises. À l’issue d’un couloir, je vois les cinq ou six cornes du toit dont le corps m’est dérobé pointer en désordre contre le ciel. Rien ne peint le jet ivre de ces proues fées, la fière élégance de ces pédoncules fleuris qui dirigent obliquement vers la nue chagrine un lys. Pourvue de cette fleur, la forte membrure se relève comme une branche qu’on lâche.
J’ai atteint le bord de l’étang, dont les tiges des lotus morts traversent l’eau immobile. Le silence est profond comme dans un carrefour de forêt l’hiver.
Ce lieu harmonieux fut construit pour le plaisir des membres du « Syndicat du commerce des haricots et du riz », qui, sans doute, par les nuits de printemps, y viennent boire le thé en regardant briller le bord inférieur de la lune.
L’autre jardin est plus singulier.
Il faisait presque nuit, quand, pénétrant dans l’enclos carré, je le vis jusqu’à ses murs rempli par un vaste paysage. Qu’on se figure un charriement de rochers, un chaos, une mêlée de blocs culbutés, entassés là par une mer en débâcle, une vue sur une région de colère, campagne blême telle qu’une cervelle divisée de fissures entre-croisées. Les Chinois font des écorchés de paysages. Inexplicable comme la nature, ce petit coin paraissait vaste et complexe comme elle. Du milieu de ces rocailles s’élevait un pin noir et tors ; la minceur de sa tige, la couleur de ses houppes hérissées, la violente dislocation de ses axes, la disproportion de cet arbre unique avec le pays fictif qu’il domine, — tel qu’un dragon qui, fusant de la terre comme une fumée, se bat dans le vent et la nuée, — mettaient ce lieu hors de tout, le constituaient grotesque et fantastique. Des feuillages funéraires, çà et là, ifs, thuyas, de leurs noirs vigoureux, animaient ce bouleversement. Saisi d’étonnement, je considérais ce document de mélancolie. Et du milieu de l’enclos, comme un monstre, un grand rocher se dressait dans la basse ombre du crépuscule comme un thème de rêverie et d’énigme.
Extrait de Connaissance de l'est, de Paul Claudel. Collection Poésies, Gallimard
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09/02/2013
Nocturne, de Cesare Pavese
Lesser Ury 1861, 1931 Collection privée, Pastel 34,1 x 47,2 cm
La colline est nocturne, dans le ciel transparent.
Ta tête s'y enchâsse, elle se meut à peine,
compagne de ce ciel. Tu es comme un nuage
entrevu dans les branches. Dans tes yeux rit
l'étrangeté d'un ciel qui ne t'appartient pas.
La colline de terre et de feuillage enferme
de sa masse noire ton vivant regard,
ta bouche a le pli d'une cavité douce au milieu
des collines lointaines. Tu as l'air de jouer
à la grande colline et à la clarté du ciel :
pour me plaire tu répètes le paysage ancien
et tu le rends plus pur.
Mais ta vie est ailleurs.
Ton tendre sang s'est formé ailleurs.
Les mots que tu dis ne trouvent pas d'écho
dans l'âpre tristesse de ce ciel.
Tu n'es rien qu'un nuage très doux, blanc
qui s'est pris une nuit dans les branches anciennes.
Cesare Pavese, Travailler fatigue [Lavorare stanca],
traduction de l'italien et préfacé par Gilles de Van,
Poésie du Monde entier, Gallimard, 1969, p. 85 et 84.
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02/02/2013
Cet être devant soi (extrait 2), de Claude Chambard
Dessin à la plume d'Henri Michaux
Le crayon est le chemin par lequel je peux parcourir le monde. Il me faut y arriver vivant. Ce n’est pas une mince affaire. J’ai toujours pensé que, dans le livre, le monde ne pouvait être vu qu’à hauteur d’enfance. L’écriture commence & prend fin dans une classe de cours préparatoire, pour toute la vie & pour tous les livres, dans toutes les bibliothèques. De même la lecture. Manipulations, transgressions, interprétations, variations —— archaïques. Encre violette & papier réglé à grandes marges, encrier en porcelaine, plumes Sergent-Major, buvards publicitaires… Apprendre à dessiner — les caractères — apprendre à dessiner — les traits portraits &c. — lisibilité, blanc, équilibre, approche, chasse, ce qu’on ne voit pas permet ce que l’on perçoit — comme on oublie la ponctuation lorsqu’elle est juste, lorsqu’elle va de soi la lecture va de soi — l’écriture jamais. Ton corps est dans le livre, personne ne le voit, même pas moi, mais je le reconnais, aussi les oiseaux dans le ciel & le corps des écrivains dans leur écriture.
pour Pascal Quignard
Claude Chambard, extrait de Cet être devant soi , Æncrages & cie, 2012.
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01/02/2013
Cet être devant soi (extrait), de Claude Chambard
Nakamura Hôchû, The Korin Album, 1802 Source
Un chant d’hiver :
les oiseaux au sol picorent les graines tombées de ta main
je me gave de la couleur du ciel
j’ai piétiné la cage
& caressé la hulotte qui niche dans le chêne troué
le rouge-gorge est revenu — toujours
La lumière est si blanche ce matin que tu ne peux te lever
qu’est-ce qu’un souvenir m’as tu demandé
noir sur blanc
une prière qui tinte éternellement t’ai-je dit
moi qui ne suis sûr de rien
qui ne sais rien de rien juste que nulle part
est le lieu où nous nous tenons serrés
avec nos blessures nos signes de ponctuation
nos conjonctions de coordination
devant —— devant
tout commence
Claude Chambard, extrait de Cet être devant soi , Æncrages & cie, 2012.
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20/01/2013
La poussière des tamis..., de Francis Jammes
Jean-Baptiste Corot . Le Village de Presles, près de Beaumont-sur-Oise (vers 1850) Huile sur toile . Beden (Suisse), Museum Langmatt
La poussière des tamis chante au soleil et vole.
Mets ton épaule et tes cheveux sur mon épaule
et mes cheveux. L'air est comme l'eau, et les boeufs
passent dans le matin froid des chemins boueux.
Les cloches des coteaux verts sonnent le dimanche.
Tu viens de te lever. Tu es toute blanche.
Le silence est grand et très doux comme la ligne
qui monte et descend, dans le ciel, sur les collines.
On sent qu'on est sain et dans mon esprit bleu,
je prie, parce que dans le ciel il y a Dieu.
Extrait de Vers. (1894), Francis Jammes.(1868-1938)
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13/01/2013
Madonna mia, d'Oscar Wilde
Jane Morris, la robe de soie bleue, peint en 1868 par Dante Gabriel Rossetti, huile sur toile (110,5 x 90,2 cm), Musée d'Orsay,The Society of Antiquaries, Londres,Kelmscott Manor Collection
Une fillette, un lis, inapte à la douleur du monde,
Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,
Aux yeux charmeurs voilés de larmes folles,
Telle une eau d'un bleu pur dans un brouillard de pluie,
Et des joues pâles ignorantes des baisers,
Lèvres rouges qui ont toujours craint l'amour,
Gorge aussi blanche que gorge de colombe,
Sur le marbre de laquelle s'inscrit une veine de pourpre.
Pourtant, bien que mes lèvres ne cessent de te louer,
Je n'ose même pas embrasser ton pied,
Tant je suis assombri par les ailes de la peur,
Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,
Sous le poitrail en feu du Lion, lorsqu'il vit
La septième splendeur et l'escalier d'or (1).
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille, dans op. cité., p. 13.
1 Allusion à un passage de Dante (Le Paradis, XXI, 13-15) : « Nous sommes élevés à la septième splendeur, / qui, sous le poitrail du lion ardent, / mêle maintenant ses rayons au siens » (traduction de Jacqueline Risset, Flammarion, 1996) [Note de la Pléiade, p. 1576].
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30/12/2012
Le désir de peindre, de Charles Baudelaire
Edouard Manet (1832-1883) Portrait d'Irma Brunner Vers 1880, Pastel sur toile, H. 53,5 ; H. 44,1 cm
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi
Malheureux peut-être l’homme, mais heureux l’artiste que le désir déchire !
Je brûle de peindre celle qui m’est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu’elle a disparu !
Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. En elle le noir abonde : et tout ce qu’elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l’éclair : c’est une explosion dans les ténèbres.
Je la comparerais à un soleil noir, si l’on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l’a marquée de sa redoutable influence ; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d’une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent ; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l’herbe terrifiée !
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l’amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l’inconnu et l’impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d’une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d’une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
Petits Poèmes en proses
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15/12/2012
Sonia de Georg Trakl
© Denise Eyer-Oggier 100x100cm 2010, Garden of full illusions III
« Le soir qui revient dans le vieux jardin ;
Vie de Sonia, bleu du silence.
Le vol lointains des migrateurs;
Arbre nu, automne et silence.
Tournesol tendrement penché
Sur Sonia et sa blanche vie.
Plaie sanglante jamais montrée r
Éveille en les chambres la vie
Où résonnent le bleu des cloches ;
Pas de Sonia tendre silence.
Bête qui meurt salue et passe
Arbre nu, automne et silence.
Soleil des jours anciens rayonne
Sur Sonia et ses blancs sourcils
Neige qui humecte ses joues,
Et le fourré de ses sourcils. »
Trakl Poème II traduction par Jacques Legrand GF Flammarion
Denise Eyer-Oggier :
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17/11/2012
Noir: ton doigt sur ma lèvre, de Michel Gerbal
Paul Gauguin, Te Arii Vahine (La femme du roi), 1896, Huile sur toile, 139 cm x 100 cm, Te Arii Vahine/P.Gauguin/1896, Moscou, Musée Pouchkine
Noir: ton doigt sur ma lèvre.
Rouge, la miette: de piment sur ta lèvre.
Noire, noire, ta lèvre.
Natifs: l'or et l'argent à tes doigts.
Blanches tes dents et terre tes tresses.
Femme: ton ventre.
Vert: le fruit dedans.
Orange ta langue: ta langue.
Sombre, violette, ta lagune, la parole, lancéolée à chacun de tes doigts, la caresse.
Nous avons décrit ce que nous savions décrire,
- et le reste, n'est-ce pas cela qui nous écrit:
le bien, le mal, et la caresse.
Et maintenant, nous émigrons à l'intérieur de toi.
Texte de Michel Gerbal, inédit © 2012 Michel Gerbal - TOUS DROITS RÉSERVÉS (que je remercie).
http://feudesouffles.blogspot.com/
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23/10/2012
Confections, de Paul Eluard
Les arbres blancs les arbres noirs
Sont plus jeunes que la nature
Il faut pour retrouver ce hasard de naissance
Vieillir
A toute épreuve, Gérald Cramer éditeur édition de 1958
Tableau de Lesser Ury (1861-1931)
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19/10/2012
La rose noire, Zbigniew Herbert
elle apparaît
noire
aux yeux aveuglés
par la chaux
elle effleure l'air
et se fige
diamant
rose noire
dans le chaos des planètes
jouant
du pipeau de l'imagination
fais sortir
les couleurs
de la rose
noire
comme un souvenir
de la ville calcinée
le violet — pour le poison et la cathédrale
le rouge — pour le bifteck et le roi
l'azur — pour l'horloge
le jaune — pour l'os et l'océan
le vert — pour la jeune fille changée en arbre
le blanc — pour le blanc
Zbigniew Herbert, Corde de lumière, Œuvres poétiques complètes I, édition bilingue, traduit du polonais par Brigitte Gautier, Le Bruit du temps, 2011, p. 393.
Photo de Brett Walker
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18/10/2012
Le point de rosée, de Heather Dohollau
Ce qui est là dans le là
Point à la ligne
Retour insurgé
D’un seuil de blanc
Et distance conçue
Comme parcours sans bord
Mais vrillé dans l’espace
D’une voie étroite
Main courant dans le temps
De l’arc-en-ciel
Chaque couleur a sa place
De simple appui
L’instant est le creux
Où tombent les choses
Ourlées de lumière
Bercées de l’ombre
Par la fenêtre
Le bleu se loge aux yeux
Les livres habitent leur marge
Et blanc sur noir
En créent un singulier
De présences réelles
Venus de loin
Les tableaux montent aux murs
Heather Dohollau, Le point de rosée, Folle Avoine 1999, p. 14.
Tableau de Nicolas de Staël
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13/10/2012
L’ineffable l'inaperçu, d'Edmond Jabes
La blancheur – couleur d’absence de couleur – est tellement agressive que, pour être lus, les vocables l’attaquent de front, syllabe après syllabe, lettre après lettre ; jamais collectivement mais isolément.
« Stratégie de l’écriture » disait-il.
Violence de la page blanche, d’autant moins maîtrisable qu’elle est silencieuse.
La résistance du livre en est chaque fois ébranlée.
Toute naissance rompt un silence originel contre lequel elle luttera jusqu’à la mort.
L’éternité serait, peut-être alors, ce temps muet, infini en aval du temps.
L’ineffable l’inaperçu, Le livre des ressemblances, III, Gallimard 1980, p. 43.
Dessin à la plume de Pierre Gaudu "fenaison", 52x70 cm (29 08 12)
© pierre gaudu images non libres de droits, tout utilisation sans mon accord est interdite.
atelier pierre gaudu - peinture dessin photo: http://pierre-gaudu.over-blog.com/
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06/10/2012
Poésie I, de Georges Schéhadé
Chaque été il y aura donc pour moi
Une nouvelle mélancolie
Et je vous aime comme ce que je vous dis
Pour un cheval blanc comme l'hiver
Les brises se dépouillent des rosées
Et les oiseaux meurent des blessures de la mer
Couronnez l'amour qui tient un arc
Une hirondelle a longé le soir
Elle est sans couleur sans force
Cette saison ne passera pas sans un nouvel astre
Son azur est chaud de toutes les nuits
Poésie Gallimard. Extrait de "Les Poésies"
Aquarelle d'Emil Nolde
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