12/07/2011
Une histoire de la lecture, d'Alberto Manguel
Et puis un jour, par la fenêtre d’une voiture, […] j’ai aperçu un panneau publicitaire au bord de la route. […] Peut-être la voiture a-t-elle ralenti juste assez longtemps pour que je voie surgir de grandes formes, des formes semblables à celles de mon livre, mais des formes que je n’avais jamais vues. Et pourtant, tout à coup, j’ai su ce qu’elles étaient : j’entendais dans ma tête ces traits noirs et ces espaces blancs métamorphosés en une réalité solide, sonore, pleine de sens. J’avais fait cela tout seul. Personne n’avait exécuté pour moi ce tour de magie. Moi et les formes, nous étions seuls, la révélation avait eu lieu en un dialogue respectueusement silencieux. Puisque je pouvais transformer des traits nus en réalité vivante, j’étais tout puissant. Je savais lire.
[…] Cette impression de me trouver soudain capable de comprendre ce qu’auparavant je ne pouvais que contempler est demeurée aussi flamboyante aujourd’hui qu’elle doit l’avoir été alors. C’était comme l’acquisition d’un sens nouveau, de sorte que désormais certaines choses ne consistaient plus seulement en ce que mes yeux pouvaient voir, mes oreilles entendre, ma langue goûter, mon nez sentir ou mes doigts palper, mais en ce que mon corps entier pouvait déchiffrer, traduire, énoncer, lire.
Une histoire de la lecture. (Actes Sud, 1998).
Eau-forte de Richard Serra (101x128 cm)
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02/06/2011
Eloge du lointain, de Paul Celan
Dans la source de tes yeux
vivent les nasses des pêcheurs de la mer délirante.
Dans la source de tes yeux
la mer tient sa parole.
J’y jette,
cœur qui a séjourné chez des humains,
les vêtements que je portais et l’éclat d’un serment :
Plus noir au fond du noir, je suis plus nu.
Je ne suis, qu’une fois renégat, fidèle.
Je suis toi, quand je suis moi.
Dans la source de tes yeux
je dérive et rêve de pillage.
Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse :
nous nous séparons enlacés.
Dans la source de tes yeux
un pendu étrangle la corde.
Paul Celan, Pavot et mémoire in Choix de poèmes réunis par l’auteur (édition bilingue), Gallimard, Collection Poésie, 1998, page 43. Traduction de Jean-Pierre Lefebvre.
Dessin de Federico Garcia Lorca
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26/05/2011
Spleen, de Paul Verlaine
Les roses étaient toutes rouges,
Et les lierres étaient tout noirs.
Chère, pour peu que tu te bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.
Le ciel était trop bleu, trop tendre
La mer trop verte et l’air trop doux.
Je crains toujours,- ce qu’est d’attendre!
Quelque fuite atroce de vous.
Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,
Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas!
Aquarelles, Romances sans paroles
Tableau Egon Schiele
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03/05/2011
Les erreurs, de Jean Tardieu
(La première voix est posée, polie, maniérée et prétentieuse; l’autre est rauque, méchante et dure.)
Je suis ravi de vous voir
bel enfant vêtu de noir.
- Je ne suis pas un enfant
je suis un gros éléphant.
Quelle est cette femme exquise
qui savoure des cerises ?
- C’est un marchand de charbon
qui s’achète du savon.
Ah! que j’aime entendre à l’aube
roucouler cette colombe !
- C’est un ivrogne qui boit
dans sa chambre sous le toit.
Mets ta main dans ma main tendre
je t’aime ô ma fiancée!
- Je n’suis point vot’ fiancée
je suis vieille et j’suis pressée
laissez-moi passer !
Jean Tardieu ("Monsieur monsieur" Gallimard 1951)
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22/04/2011
En vert et noir, de Jean Tortel
Pré ciel
Vert bleu
Pluriel vers le noir
Précieux certes mais quelle autre
Couleur cristallisera l’ombre
Jean Tortel, En vert et noir,
Lithographie de Michel Duport, La Sétérée, 1989
Colloque 2011 à Montpellier: relire Jean Tortel https://recherchedit.univ-montp3.fr/rirra21/images/storie...
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09/04/2011
A celle qui s'amuse, de Pierre-Jean Jouve
Inguérissable amour ! Inguérissable plaie
Inguérissable rouge feuilles dans du noir
Ou du blond mais toujours du sombre
Inguérissables maigres démons nus
Vous luisez en vous tordant contre les ombres
Inapaisées inguérissables trous sanglants.
Tu voles pourtant un sourire enragé
Tes yeux se promènent comme deux pierres
Ta chevelure est un jeu de frisons sur la tombe
Ton masque est mort pour mieux regarder
Pour mieux regarder des feux d’entrailles.
La déraison cherchant à devenir raison
Inscrit un numéro sur la tenture.
Pierre Jean Jouve, Sueur de sang, dans Œuvre I, édition établie par Jean Starobinski, Mercure de France, 1987, p. 253.
Tableau de Jerome-Martin Langlois (1779 - 1838)
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03/04/2011
L'étoile a pleuré rose, d'Arthur Rimbaud (1871)
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.
Tableau de Paul Bouchard
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27/03/2011
Mes petites amoureuses, d'Arthur Rimbaud
Un hydrolat lacrymal lave
Les cieux vert-chou
Sous l'arbre tendronnier qui bave,
Vos caoutchoucs
Blancs de lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !
Nous nous aimions à cette époque,
Bleu laideron !
On mangeait des oeufs à la coque
Et du mouron !
Un soir, tu me sacras poète,
Blond laideron :
Descends ici, que je te fouette
En mon giron ;
J'ai dégueulé ta bandoline,
Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
Au fil du front.
Pouah ! mes salives desséchées,
Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
De ton sein rond !
Ô mes petites amoureuses,
Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses
Vos tétons laids !
Piétinez mes vieilles terrines
De sentiment ;
- Hop donc ! soyez-moi ballerines
Pour un moment !...
Vos omoplates se déboîtent,
Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent
Tournez vos tours !
Et c'est pourtant pour ces éclanches
Que j'ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
D'avoir aimé !
Fade amas d'étoiles ratées,
Comblez les coins !
- Vous crèverez en Dieu, bâtées
D'ignobles soins !
Sous les lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !
Arthur Rimbaud, Pierre Seghers Editeur, p 94, 95,96
Tableau d'Ilya Zomb
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09/03/2011
La certitude et la couleur, Jacques Roubaud
Près de la mort écrit : certitude, couleur.
Peut-on douter du rouge ?
Cuve de cuivre et vin vent veiné terrasses au centre
vert. Et toi?
Tu n'étais pas blanche et noire plate. l'étais-tu?
Tu n'étais pas découpée en rectangle dans le monde.
Cette image: tu n'as jamais répondu sur ton regard
quel après fixes-tu? où tu me places seul.
Moi, quelque chose d'entièrement neuf?
Tes yeux dans la clarté testamentaire.
Quelque chose de noir, Jacques Roubaud. Poésie Gallimard, p 55
Tableau de Lucio Fontana (1899 – 1968)
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06/03/2011
Flammes, de Tôge Sankichi
D'une poussée écartant les fumées
depuis la terre à demi obscurcie
par des nuages bas et lourds
suaire déployé
heurtant la voûte céleste
grinçant des dents
se soulevant dansant dans l'air
s'unifiant
noires rouges bleues les flammes
qui soufflent dispersent des étincelles brillantes
sur la ville entière maintenant
sont dressées.
Ondulant comme des algues
des rangs de flammes avancent.
Des troupeaux de vaches qu'on menait à l'abattoir
roulent en avalanche sur les pentes de la rivière;
un pigeon couleur de cendres
ailes crispées tombe sur le pont.
Ceux qui sautillant
sortant de sous des jets de fumée rampent,
avalés dans les flammes,
sont d'innombrables humains à quatre pattes.
Sur un tas de braises effondrées
s'arrachant les cheveux
rigidifiée
la malédiction se consume
après ce temps condensé
explosé
rien que haine incandescente
se répandant palpitante.
Un silence sans rime
s'accumule dans l'espace
les chauds rayons d'uranium
qui ont repoussé le soleil
impriment sur la chair du dos des vierges
le motif fleuri d'une soie fine,
mettent instantanément en feu
la robe noire d'un prêtre
1945, Aug. 6
en ce minuit en plein midi
l'homme à coup sûr a livré Dieu
aux flammes.
Cette nuit
la lumière en flammes de Hiroshima
se reflète sur le lit de l'humanité;
avant longtemps l'histoire
aura tendu une embuscade
à tout ce qui ressemble à Dieu.
Tôge Sankichi, in Poèmes de la bombe atomique, traduits du japonais par Ono Masatsugu et Claude Mouchard et présentés par Claude Mouchard, édition Laurence Teper, 2008. (Collection Bruits du temps), p. 81-82
Tableau de Dominique Hordé
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03/03/2011
Carnets de Marche (extrait), d'Angèle Paoli
Un noir intense descend sur la mer. Les eaux brouillées du ciel rejoignent la ligne de crête des vagues, s'y plongent. Le triangle de lumière a encore retréci. Ciel et mer, immergés l'un dans l'autre , broient du noir.
Le petit coquelicot de novembre n'est plus. Il est mort ce matin, broyépar les vents d'hiver. Ses pétales gisent, recroquevillésdans les trous de rocaille. Nulle autre fleur tardive ne l'a remplacé. Météo, météo, météo. Le coquelicot de Zanzotto bat de l'aile dans sa tête. Elle rumine son refrain. Lallation de douleur. Un stylet planté dans le coeur. Rouge sang. Météo, météo, météo.
Carnets de Marche, les Editions du Petit Pois, p 19. Angèle Paoli anime un blog magnifique http://terresdefemmes.blogs.com/
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01/03/2011
Gstaad, de Jude Stefan
Sur un sol en brique des
Hommes en blanc qui jouent
protégés d’arbres verts s’
étirant vers le ciel jouent
cris et gestes
dans les ombres du soir
deux chaises en toile rouge
vives comme les capucines
un oisif en béret sur l’herbe
lentement caresse son chien
auprès de soldats bleus un
asiatique en chapeau porte
lunettes noires
le jeune homme en habit cendré
adossé au sapin paraît sourire
Jude Stefan, Caprices, Gallimard, 2004, p. 23.
Tableau de Maurice Estève (1904 2001)
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22/02/2011
WESTWEGO, de Philippe Soupault
Je me promenais dans Londres un été
les pieds brûlants et le coeur dans les yeux
près des murs noirs près des murs rouges
près des grands docks
où les policemen géants
sont piqués comme des points d’interrogation
On pouvait jouer avec le soleil
qui se posait comme un oiseau
sur tous les monuments
pigeon voyageur
pigeon quotidien
(…)
Il fait chaud et c’est aujourd’hui dimanche
il fait triste
le fleuve est très malheureux
et les habitants sont restés chez eux
Je me promène près de la Tamise
une seule barque glisse pour atteindre le ciel
le ciel immobile
parce que c’est dimanche
et que le vent ne s’est pas levé
il est midi il est cinq heure
on ne sait plus où aller
(…)
Tableau de Dominique Hordé
21:01 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : westwego, philippe soupault, noir, rouge | Facebook | Imprimer | | |
19/02/2011
Le roman d'un enfant, (extrait) de Pierre Loti
Puis, tout à coup, je m'arrêtai glacé, frissonnant de peur. Devant moi, quelque chose apparaissait, quelque chose de sombre et de bruissant qui avait surgi de tous les côtés en même temps et qui semblait ne pas finir; une étendue en mouvement qui me donnait le vertige mortel... Évidemment c'était ça; pas une minute d'hésitation, ni même d'étonnement que ce fit ainsi, non, rien que de l'épouvante: je reconnaissais et je tremblais. C'était d'un vert obscur presque noir; ça semblait instable, perfide, engloutissant; ça remuait et ça se démenait partout à la fois, avec un air de méchanceté sinistre. Au-dessus, s'étendait un ciel tout d'une pièce, d'un gris foncé, comme un manteau lourd. Très loin, très loin seulement, à d'inappréciables profondeurs d'horizon, on apercevait une déchirure, un jour entre le ciel et les eaux, une longue fente vide, d'une claire pâleur jaune...Pour la reconnaître ainsi, la mer, l'avais-je déjà vue?
Le roman d'un enfant
Une tempête qui se lève, Willem van de Velde (1633-1707); Huile sur toile
08:19 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le roman d'un enfant, pierre loti, willem van de velde, vert, noir, jaune | Facebook | Imprimer | | |
17/02/2011
Nuit à Londres, d'Erich Fried
Garder les mains
devant le visage
et laisser clos
les yeux
ne voir qu’un paysage
montagnes et torrent
et dans la prairie deux animaux
bruns sur le versant vert clair
qui monte jusqu’à la forêt plus sombre
Et commencer à sentir
l’herbe fauchée
et tout en haut au-dessus des pins
en cercles lents un oiseau
petit et noir
sur le bleu du ciel
Et tout
absolument paisible
et si beau
que l’on sait
que cette vie vaut la peine
parce que l’on peut croire
que tout ça existe
Poèmes extraits du recueil Es ist was es ist (1983)
Traduits de l’allemand par Chantal Tanet et Michael Hohmann
On peut également trouver des traductions d'autres poèmes d'Erich Fried sur les sites Les Carnets d'eucharis (le site de Nathalie Riera) et Droit de Cités
Tableau de Félix Valloton (1865 1935)
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16/02/2011
Bleu, de Pierre Jean Jouve
Couché le vaste bleu de mer
La mer de l’azur rigoureuse
Et le soleil fixant du haut
Ses vastes rayons de noirceur,
Ondulations et matière
Le noir dilué en espoir
Et la matière faite roche
Par ce noir bleu mais en arrière,
Sur les forêts chinoises vertes
Et sur les eaux de jade vert
Qui devient alors jade noir.
Poésie/Gallimard Diadème, suivi de Mélodrame, p178/179
Aquarelle de William Turner
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14/02/2011
Pastiche , de Max Jacob
Avez-vous rencontré la fille au muguet bleu
Qui m’aime sans me vouloir ?
Avez-vous rencontré le lièvre au poil de feu
Qui broute à mes réfectoires ?
Avez-vous rencontré le vieillard chassieux
Qui dit non sans rien savoir ?
Avez-vous rencontré pucelle aux jours heureux
Qui a différé l’écart ?
Avez-vous rencontré gueux devenu plus gueux
Qui a voulu trop avoir ?
Avez-vous rencontré malin malicieux
Qui lance ferraille et pétard ?
Avez-vous rencontré puissant officieux
A savant quêtant savoir ?
Avez-vous, tout compte fait, avez-vous gobé les œufs
Venant de mon poulet noir ?
Extrait de "laboratoire central"
Tableau Ilya ZOMB
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11/02/2011
Les Yeux d'Elsa, d'Aragon
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
Extrait de "Les yeux d'Elsa"
Tableau de Picasso: Rêve (1932)
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Idéale maitresse, de Robert Desnos
Je m'étais attardé ce matin-là à brosser les dents d'un joli animal que, patiemment, j'apprivoise. C'est un caméléon. Cette aimable bête fuma, comme à l'ordinaire, quelques cigarettes, puis je partis.
Dans l'escalier je la rencontrai. "Je mauve", me dit-elle, et tandis que moi-même je cristal à pleine ciel-je à son regard qui fleuve vers moi. Or il serrure et, maîtresse! Tu pitchpin qu'a joli vase je me chaise si les chemins tombeaux.
L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche.
Remontons! mais en vain, les souvenirs se sardine! à peine, à peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez! En voici le verdict: "La danseuse sera fusillée à l'aube avec ses bijoux immolés au feu de son corps. le sang des bijoux, soldats!"
Eh quoi, déjà je miroir. Maîtresse tu carré noir et si les nuages de tout à l'heure myosotis, ils moulins dans la toujours présente éternité.
Tableau de Keith Harring (1958-1990)
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07/02/2011
L'île, d'Andrée Chedid
Pour un coin d’eau de traces et d’herbe verte
Où l’œil serait nu le cœur de rosée
Les mains feuilles ouvertes
Je vais
Aile au soleil
Marchant pour l’étoile
Son odeur de résine et de rêve d’enfant
C’est la route des fables la route des genêts
Que bordent les noirs sourires d’enracinés
Voici l’île la fleur la découverte
Voici l’oiseau chanteur
Voici les lendemains
Les mensonges aux yeux de mouettes.
Andrée Chedid, Textes pour un poème, 1949-1970 in Andrée Chedid, Au cœur du cœur, Poèmes choisis et présentés par Matthieu Chedid et Jean-Pierre Siméon, Librio Poésie, 2009, page 19.
Tableau de Nicolas de Stael
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