05/10/2013
Entre, de Jean-Pierre Duprey
Tableau de Jean-Pierre Duprey
Entre le ballon noir et l’épine du blanc
Ce qui est, ce qui fait : je suis au balancement
Ce qu’est l’horizontale à la verticale.
C’est l’Epineuse noire au gonflement du blanc.
Chimère, machine au bloc de la mer
C’est ici que se courbe
Le serpent lié au mât
Par un soleil au verbe rouge.
Voici alors qu’un bleu étale
Comme un pétale sans fin
S’est creusé d’une fleur
Qui n’est ni bleu ni rouge.
Qui n’est ni blanche ni noire.
C’est l’Epineuse de voir, l’Effeuillement-fermoir
La bouche s’est fermée : c’est un rire éclatant.
(Poème non daté).
Collection Poètes d’aujourd’hui, numéro 212, Éditions Seghers, 1973, page 153.
A retrouver sur le site Terres de femmes
07:52 Publié dans Blanc, Bleu, Noir, Poésie et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : entre de jean-pierre duprey, jean-pierre duprey, bleu, rouge, blanc, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
21/09/2013
Chadelet : le bal des chats-huants, d’Héloïse Combes
Hiroshige
08:08 Publié dans Blanc, Bleu, Noir | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chadelet : le bal des chats-huants, d’héloïse combes, bleu, blanc, noir, or, hiroshige | Facebook |
Imprimer | |
|
15/09/2013
Du silence (extrait), de Georges Rodenbach
Léon Spilliaert , Aquarelle 49x65,2 cm Musée voor Schone Kunsten, Ostende
IV
Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure,
Tout brodés, restent blancs, d' un blanc mat qui figure
Un printemps blanc parmi l' hiver de la maison.
Sur les vitres, ce sont des fleurs de guérison
Pareilles dans le soir à ces palmes de givre
Que sur les carreaux froids les nuits d' hiver font vivre.
Et dans ces floraisons de guipure on croit voir
Tous les souvenirs blancs parmi le présent noir;
Ce sont les rideaux clairs du berceau ; c' est la bonne
Aïeule aux cheveux blancs en bandeaux de madone;
Ce sont les grands jardins d' enfance où les pommiers
Étaient poudrés ; ce sont les cierges coutumiers
Et les nappes d' autel pour les communiantes ;
C' est l' hostie aux lys purs de leurs lèvres priantes ;
Puis c' est le clair de lune épars comme du lait
Dans la forêt magique où l' art nous appelait
Parmi sa gloire et ses blancheurs éternisées !
Puis la guirlande en fleur au front des épousées
Dont l' espoir doux se fane irréparablement
Parmi cette blancheur vaporeuse qui ment.
Car le leurre est rapide en cette ombre équivoque,
Et tous les autres blancs du passé qu' on évoque
Vont se faner avec les souvenirs d' amour
Quand descendra dans les rideaux la mort du jour.
Du silence, Le règne du silence. Pour en savoir plus, c'est ICI
07:03 Publié dans Blanc, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : léon spilliaert, du silence (extrait), de georges rodenbach, blanc, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
14/09/2013
Éblouissements (extrait), d'Anna de Noailles
Jeffrey Ripple, (né en 1962) peinture sur huile
– Aujourd’hui, le coeur las et blessé par le feu,
Je vous bénis encor, o brasier jaune et bleu,
Exaltant univers dont chaque élan m’enivre!
Mourante, je dirai qu’il faut jouir et vivre;
Que, malgré la langueur d’un corps triste et brûlant,
La nuit est généreuse et le jour succulent;
Que les larmes, les cris, la douleur, l’agonie
Ne peuvent pas ternir l’allégresse infinie!
Qu’un moment du désir, qu’un moment de l’été,
Contiennent la suave et chaude éternité.
O sol humide et noir d’ou jaillit la jacinthe!
Qu’importe si dans l’âpre et ténébreuse enceinte
Les morts sont étendus froids et silencieux.
O beauté des tombeaux sous la douceur des cieux!
Marbres posés ainsi que des bornes plaintives,
Rochers mystérieux des incertaines rives,
Horizontale porte accédant à la nuit,
O débris du vaisseau, épave qui reluit,
Comme vous célébrez la joie et l’abondance,
La force du plaisir, l’audace de la danse,
L’universelle arène aux lumineux gradins!…
Et quelquefois, parmi les funèbres jardins,
Je crois voir ses pieds nus appuyés sur les tombes,
Un Eros souriant qui nourrit des colombes…
Parution de l’Oeuvre poétique complète d’Anna de Noailles, aux Éditions du Sandre, 2013, édition présentée et annotée par Thanh-Vân-Ton-That.
08:09 Publié dans Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anna de noailles, jeffrey ripple, noir, bleu, jaune | Facebook |
Imprimer | |
|
07/09/2013
Traversée de la Bretagne un jour de janvier, de Kenneth White
Dominique Hordé, chaux et pigment sur toile, 30x30 cm
Vendredi matin
allant vers l'ouest
déchaîné le temps
vent fort, pluie violente
enflé le torrent
Guingamp, Carhaix
les montagnes noires
perdues dans la tourmente
la forêt du Beffou
trempée et torturée
heure après heure
la tempête rageuse
puis, soudain
ciel bleu et serein
la clameur des goélands
et ce fut Lorient.
Extrait des Archives du littoral (Mercure de France)
06:39 Publié dans Bleu, Noir | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kenneth white, bretagne, dominique hordé, noir, bleu | Facebook |
Imprimer | |
|
26/07/2013
Les papillons, de Gérard de Nerval
De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu'aimez-vous mieux ? - Moi, les roses ;
- Moi, l'aspect d'un beau pré vert ;
- Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
- Moi, le rossignol qui chante ;
- Et moi, les beaux papillons !
Le papillon, fleur sans tige,
Qui voltige,
Que l'on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l'oiseau !...
Quand revient l'été superbe,
Je m'en vais au bois tout seul :
Je m'étends dans la grande herbe,
Perdu dans ce vert linceul.
Sur ma tête renversée,
Là, chacun d'eux à son tour,
Passe comme une pensée
De poésie ou d'amour !
Voici le papillon "faune",
Noir et jaune ;
Voici le "mars" azuré,
Agitant des étincelles
Sur ses ailes
D'un velours riche et moiré.
Voici le "vulcain" rapide,
Qui vole comme un oiseau :
Son aile noire et splendide
Porte un grand ruban ponceau.
Dieux ! le "soufré", dans l'espace,
Comme un éclair a relui...
Mais le joyeux "nacré" passe,
Et je ne vois plus que lui !
II
Comme un éventail de soie,
Il déploie
Son manteau semé d'argent ;
Et sa robe bigarrée
Est dorée
D'un or verdâtre et changeant.
Voici le "machaon-zèbre",
De fauve et de noir rayé ;
Le "deuil", en habit funèbre,
Et le "miroir" bleu strié ;
Voici l'"argus", feuille-morte,
Le "morio", le "grand-bleu",
Et le "paon-de-jour" qui porte
Sur chaque aile un oeil de feu !
Mais le soir brunit nos plaines ;
Les "phalènes"
Prennent leur essor bruyant,
Et les "sphinx" aux couleurs sombres,
Dans les ombres
Voltigent en tournoyant.
C'est le "grand-paon" à l'oeil rose
Dessiné sur un fond gris,
Qui ne vole qu'à nuit close,
Comme les chauves-souris ;
Le "bombice" du troëne,
Rayé de jaune et de vent,
Et le "papillon du chêne"
Qui ne meurt pas en hiver !...
Voici le "sphinx" à la tête
De squelette,
Peinte en blanc sur un fond noir,
Que le villageois redoute,
Sur sa route,
De voir voltiger le soir.
Je hais aussi les "phalènes",
Sombres hôtes de la nuit,
Qui voltigent dans nos plaines
De sept heures à minuit ;
Mais vous, papillons que j'aime,
Légers papillons de jour,
Tout en vous est un emblème
De poésie et d'amour !
III
Malheur, papillons que j'aime,
Doux emblème,
A vous pour votre beauté !...
Un doigt, de votre corsage,
Au passage,
Froisse, hélas ! le velouté !...
Une toute jeune fille
Au coeur tendre, au doux souris,
Perçant vos coeurs d'une aiguille,
Vous contemple, l'oeil surpris :
Et vos pattes sont coupées
Par l'ongle blanc qui les mord,
Et vos antennes crispées
Dans les douleurs de la mort !.
Extrait de Odelettes,
Sylvie suivi de Les chimères et Odelettes, Collection de poche, Librio
Pastel d'Odilon Redon, Collection privée 'le Sphinx rouge", 61 x 49.5 cm
22:29 Publié dans Blanc, Bleu, Jaune, Noir, Poésie et couleurs, Vert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les papillons, de gérard de nerval, odilon redon, sphinx rouge, noir, blanc, jaune, bleu, nacré | Facebook |
Imprimer | |
|
10/07/2013
Une histoire à suivre, de Claude Roy
Vincent van Gogh – Pelouse Ensoleillée Place Lamartine 1888
Après tout ce blanc vient le vert
Le printemps vient après l'hiver.
Après le grand froid le soleil,
Après la neige vient le nid,
Après le noir vient le réveil,
L'histoire n'est jamais finie.
Après tout ce blanc vient le vert,
Le printemps vient après l'hiver,
Et après la pluie le beau temps.
Farandoles et fariboles, Gallimard Jeunesse
06:30 Publié dans Blanc, Noir, Poésie et couleurs, Vert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blanc, noir, vert, claude roy, farandoles et fariboles, vincent van gogh | Facebook |
Imprimer | |
|
22/06/2013
Les papillons, de Pierre-Jean Jouve
Les papillons sont enfermés
Papillons roses et noirs papillons gras
Les papillons ont une chaleur inhumaine
Leurs ailes sont des malentendus de la mémoire
Ces fauves ont l'accent et la fatalité de deux visages
Quand ils s'enferment dans les plis sévères d'en-bas
Les papillons de la chair du bas
Quand on les avise en leurs ténèbres
Ils montent roses gras
Ils montent mais ils battent
Ils battent mais ils bandent
L'odeur l'égarement la nudité le poids.
Les papillons, Matière céleste, Poésie/Gallimard, 1995, p 146
06:27 Publié dans Noir, Rose | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les papillons, pierre-jean jouve, rose, noir, edgar degas | Facebook |
Imprimer | |
|
16/06/2013
Chant III (extrait), de Jacques Ancet
Odilon Redon (référence inconnue)
Et pourtant, je reviens, & comment l’expliquer malgré tant de raisons d’abandonner, tant de raisons de s’enfermer, de disparaître, je reviens
comme après un jour de pluie dans le ciel obscur, la lumière soudain, & tout semble recommencer
les tasses brillent, le bois de la table, & sur la vitre un grand morceau de bleu où s’entrecroisent les branches noires
un contre-jour où tu es là, & quand même, je dis oui au sourire, à la tendresse, à toutes ces années & leur ombre portée, oui à ce trop peu de temps qui reste
alors je reviens, je me dépêche,
je me dépêche pour chaque objet, la chaise, la table, le fauteuil, le tapis,
pour le jaune des pommes, le vert de l’hibiscus & du lierre, pour le livre entr’ouvert, le frémissement des feuilles
pour le mystère de ces deux-là, devant leur café, le brouhaha des voix, les soupirs du percolateur, le jour qui tombe & le clin d’œil des lampes
pour le matin de la blancheur & du givre, du bleu pâle des yeux au milieu des images,
pour le vent qu’on ne voit pas & qu’on voit pourtant dans les arbres secoués ou la dérive des nuages, & qu’on entend, parfois,
c’est un soupir comme glissé sous le silence, une sorte de voix sans mots qu’on écoute un instant
Ode au renoncement, Lettres Vives, 2013
06:55 Publié dans Blanc, Bleu, Jaune, Noir, Vert | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques ancet, ode au renoncement, vert, blanc, bleu, jaune, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
09/06/2013
Viens traverser le lac, (extrait) de Sarah Kirsch
Estampe d'Utamaro
Moi c’est comme ça : quand les cigognes
Finissent par s’endormir au sommet de leurs cheminées
Les grenouilles commencent
Leur âpre tapage.
Elles sortent de partout, la lumière de ma lampe
Tombe sur leur gosier jaune tout gonflé, leur dos
S’enfonce dans l’eau toute noire, l’eau çà et là étale
Dans l’enchevêtrement des plantes. Quand les chats
Toujours à la même heure et furtivement s’approchent
Les souris prennent peur
Pour leur chère nichée à cinq queues. Pour le moment
Je suis là dans un nuage on ne peut plus sombre à fumer et jurer
Toi belle peau de pauvre chiffe et de vive la baise
Et de ça n’aime que soi œil joli gris
Œil gris qui louche ah va-t-en et vite
Traduction inédite de Maurice Régnault http://poezibao.typepad.com/files/sarah-kirsch-traductions-de-maurice-regnaut.pdf
06:53 Publié dans Jaune, Noir | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : viens traverser le lac de s, grenouille d'utamaro, jaune, gris, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
27/04/2013
La délirée, d'Henry Bauchau
Eau-forte et aquatinte en 5 couleurs originale de Zao Wou Ki , Non signée, 1974. Dimensions : 56 x 76 cm
Que tu es belle, ma délirée, tes joues sont noires
Et sculptées par l'ardent malheur.
Ta bouche est ornée par la lune et tes yeux
Tes yeux ont la couleur perdue.
Ton corps est un grand paysage de colère
Tu es le rouge indéchiffré
Avec le noir
Tu produis des paroles rouges.
Le temps nous a rejoints.
Nous sommes et nous ne sommes rien
Rien que ceux que la terre en tournant délirait.
Henry Bauchau, Heureux les déliants, poèmes 1950-1995
p 198, Editions Labor
06:47 Publié dans Noir, Poésie et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zao wou ki la délirée, d'henry bauchau, rouge, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
20/04/2013
Au bois, de Victor Hugo
Tableau de Laurence Amélie à retrouver sur http://laurence-amelie.com/
Nous étions, elle et moi, dans cet avril charmant
De l'amour qui commence, en éblouissement.
O souvenirs ! ô temps ! heures évanouies !
Nous allions, le coeur plein d'extases inouïes,
Ensemble dans les bois, et la main dans la main.
Pour prendre le sentier nous quittions le chemin,
Nous quittions le sentier pour marcher, dans les herbes.
Le ciel resplendissait dans ses regards superbes ;
Elle disait : Je t'aime et je me sentais dieu.
Parfois, près d'une source, on s'asseyait un peu.
Que de fois j'ai montré sa gorge aux branches d'arbre !
Rougissante et pareille aux naïades de marbre,
Tu baignais tes pieds nus et blancs comme le lait.
Puis nous nous en allions rêveurs. Il me semblait,
En regardant autour de nous les pâquerettes,
Les boutons d'or joyeux, les pervenches secrètes,
Et les frais liserons d'une eau pure arrosés,
Que ces petites fleurs étaient tous les baisers
Tombés dans le trajet de ma bouche à ta bouche
Pendant que nous marchions ; et la grotte farouche,
Et la ronce sauvage et le roc chauve et noir,
Envieux, murmuraient : Que va dire ce soir
Diane aux chastes yeux, la déesse étoilée,
En voyant toute l'herbe au fond du bois foulée ?
Extrait de Toute la lyre, Oeuvres complètes, T4, collection Bouquins, Robert Laffont.
06:25 Publié dans Blanc, Noir, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : victor hugo, au bois, blanc, noir, rouge, or, laurence amélie | Facebook |
Imprimer | |
|
30/03/2013
L'oiseau à tire d'ailes, de Pierre Chappuis
"un cygne de reconnaissance", plume et encre de Chine, 50x50 cm - 23.01.2013
© pierre gaudu (image non diffusable sans son accord).http://pierre-gaudu.over-blog.com/
Taillant dans le vif à tire d'aile au plus étroit du défilé comme si, issue des ténèbres, une main donnait — mais dans le vide — de grands coups de ciseaux.
Le bel embrouillamini de cascades, de tourbillons, de remous, plis et replis, de gerbes d'écume qu'il traverse sans dévier!
Joindra-t-il une rive de la nuit à l'autre ? En tout cas sans mettre aucun ordre ni tracer de ligne de démarcation qui vaille. Pour l'avoir frôlée, ne noircira pas l'eau, messager de l'oubli.
Pierre Chappuis, À portée de la voix, José Corti, 2002, p. 7
06:45 Publié dans Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : pierre chappuis, pierre gaudu, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
23/03/2013
Le poème sait bien que le malheur du monde est grand, de James Sacré
Marc Léonard. La plage sous l'orage. A retrouver sur ses sites, là et là
On finit toujours par aimer le bruit des mots
Ce qui tremble et qui chante en leur malheur
qu'on oublie
Treblinka Chatilla, l'amour et le vin doux, scandale!
Et le plaisir qu'un film prend à des endroits d'une Pologne
ou d'ailleurs
Le noir du temps qui se transforme en couleur tendre
Débris campagne qui s'est installée traveling
Pour aller où?
Le malheur du monde est sans âge
Sabra Cambodge la frange au loin du Chili Saquiet
Hiroshima Bézier sacs de Rome et de Bizance on s'habitue,
les mots
Sans rien d'assez vrai poème qui les musique en mensonges
Pour que le bonheur soit encore possible
Pour caresser le peu qui reste;
Ecrire est un geste de vivant
Qui pense au mot bonheur dans le bruit de la mort.
Une fin d'après-midi à Marrakech, Le poème sait bien que le malheur du monde est grand, p156, Editions Ryôan-ji
07:34 Publié dans Couleur, Noir, Poésie et couleurs, Un monde en couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le poème sait bien que le malheur du monde est grand, james sacré, marc léonard, couleur, noir | Facebook |
Imprimer | |
|
09/03/2013
Attente, partition, de Sereine Berlottier
15 mars
l’œil qui s’ouvre dans le noir, avant même que la farine de l’ aube ne s’éparpille aux fenêtres
la peau sait peut-être des choses que tu ignores
les seins laineux, noués et doux
tout bouge et se déplie maintenant
fleurs et balancement dans la tranchée sombre
on continue à vivre
hameçonnée
et l’espoir
et tous les lieux où se cacher mal pour dire
ton corps dedans
ce puits de rouge
sur l’émail blanc
et sa fraîcheur de fraise
écrasée
sa pulpe douce
tu n’es pas triste s’il y a à voir, à reconnaître
Attente, partition, éditions Argol, 2011, p. 119
Tableau de Cy Twombly
05:38 Publié dans Art et poésie en couleurs, Blanc, Noir, Poésie et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : attente, partition, sereine berlottier, ty twombly, rouge, noir, blanc | Facebook |
Imprimer | |
|
21/02/2013
Âme d'automne, de Georg Trakl
Dans du vert, profond fauche la faux
Bleu de l'air et jaune des gerbes
Envol de voix qui se moururent
Seule s'écoule une vieille eau.
Le soir le noir voyage passe
Sur les brunes collines d'automne
Salut d'argent du miroir d'un étang
Lance le vautour son cri clair et dur.
Âme d'automne (première version), Trakl, Poème 1, traduction Jacques Legrand, Flammarion, p 257
Lesser Ury, 34,9 × 49,5 cm (1900)
05:31 Publié dans Bleu, Jaune, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Âme d'automne, georg trakl, vert, noir, brun jaune, argent | Facebook |
Imprimer | |
|
10/02/2013
Jardins, (Connaissance de l'est) , de Paul Claudel
Lotus Peak, de Liu Haisu Source
Il est trois heures et demie. Deuil blanc : le ciel est comme offusqué d’un linge. L’air est humide et cru.
J’entre dans la cité. Je cherche les jardins.
Je marche dans un jus noir. Le long de la tranchée dont je suis le bord croulant, l’odeur est si forte qu’elle est comme explosive. Cela sent l’huile, l’ail, la graisse, la crasse, l’opium, l’urine, l’excrément et la tripaille. Chaussés d’épais cothurnes ou de sandales de paille, coiffés du long capuce du foumaoou de la calotte de feutre, emmanchés de caleçons et de jambières de toile ou de soie, je marche au milieu de gens à l’air hilare et naïf.
Le mur serpente et ondule, et sa crête, avec son arrangement de briques et de tuiles à jour, imite le dos et le corps d’un dragon qui rampe ; une façon, dans un flot de fumée qui boucle, de tête le termine. — C’est ici. Je heurte mystérieusement à une petite porte noire : on ouvre. Sous des toits surplombants, je traverse une suite de vestibules et d’étroits corridors. Me voici dans le lieu étrange.
C’est un jardin de pierres. — Comme les anciens dessinateurs italiens et français, les Chinois ont compris qu’un jardin, du fait de sa clôture, devait se suffire à lui-même, se composer dans toutes ses parties. Ainsi la nature s’accommode singulièrement à notre esprit, et, par un accord subtil, le maître se sent, où qu’il porte son œil, chez lui. De même qu’un paysage n’est pas constitué par de l’herbe et par la couleur des feuillages, mais par l’accord de ses lignes et le mouvement de ses terrains, les Chinois construisent leurs jardins à la lettre, avec des pierres. Ils sculptent au lieu de peindre. Susceptible d’élévations et de profondeurs, de contours et de reliefs, par la variété de ses plans et de ses aspects, la pierre leur a semblé plus docile et plus propre que le végétal, réduit à son rôle naturel de décoration et d’ornement, à créer le site humain. La nature elle-même a préparé les matériaux, suivant que la main du temps, la gelée, la pluie, use, travaille la roche, la fore, l’entaille, la fouille d’un doigt profond. Visages, animaux, ossatures, mains, conques, torses sans tête, pétrifications comme d’un morceau de foule figée, mélangée de feuillages et de poissons, l’art chinois se saisit de ces objets étranges, les imite, les dispose avec une subtile industrie.
Le lieu ici représente un mont fendu par un précipice et auquel des rampes abruptes donnent accès. Son pied baigne dans un petit lac que recouvre à demi une peau verte et dont un pont en zigzag complète le cadre biais. Assise sur des pilotis de granit rose, la maison-de-thé mire dans le vert-noir du bassin ses doubles toits triomphaux, qui, comme des ailes qui se déploient, paraissent la lever de terre. Là-bas, fichés tout droit dans le sol comme des chandeliers de fer, des arbres dépouillés barrent le ciel, dominent le jardin de leurs statures géantes. Je m’engage parmi les pierres, et par un long labyrinthe dont les lacets et les retours, les montées et les évasions, amplifient, multiplient la scène, imitent autour du lac et de la montagne la circulation de la rêverie, j’atteins le kiosque du sommet. Le jardin paraît creux au-dessous de moi comme une vallée, plein de temples et de pavillons, et au milieu des arbres apparaît le poème des toits.
Il en est de hauts et de bas, de simples et de multiples, d’allongés comme des frontons, de turgides comme des sonnettes. Ils sont surmontés de frises historiées, décorés de scolopendres et de poissons : la cime arbore à l’intersection ultime de ses arêtes, — cerf, cigogne, autel, vase ou grenade ailée, — emblème. Les toitures dont les coins remontent, comme des bras on relève une robe trop ample, ont des blancheurs grasses de craie, de noirs de suie jaunâtres et mats. L’air est vert, comme lorsqu’on regarde au travers d’une vieille vitre.
L’autre versant nous met face au grand Pavillon, et la descente qui lentement me ramène vers le lac par des marches irrégulières gradue d’autres surprises. À l’issue d’un couloir, je vois les cinq ou six cornes du toit dont le corps m’est dérobé pointer en désordre contre le ciel. Rien ne peint le jet ivre de ces proues fées, la fière élégance de ces pédoncules fleuris qui dirigent obliquement vers la nue chagrine un lys. Pourvue de cette fleur, la forte membrure se relève comme une branche qu’on lâche.
J’ai atteint le bord de l’étang, dont les tiges des lotus morts traversent l’eau immobile. Le silence est profond comme dans un carrefour de forêt l’hiver.
Ce lieu harmonieux fut construit pour le plaisir des membres du « Syndicat du commerce des haricots et du riz », qui, sans doute, par les nuits de printemps, y viennent boire le thé en regardant briller le bord inférieur de la lune.
L’autre jardin est plus singulier.
Il faisait presque nuit, quand, pénétrant dans l’enclos carré, je le vis jusqu’à ses murs rempli par un vaste paysage. Qu’on se figure un charriement de rochers, un chaos, une mêlée de blocs culbutés, entassés là par une mer en débâcle, une vue sur une région de colère, campagne blême telle qu’une cervelle divisée de fissures entre-croisées. Les Chinois font des écorchés de paysages. Inexplicable comme la nature, ce petit coin paraissait vaste et complexe comme elle. Du milieu de ces rocailles s’élevait un pin noir et tors ; la minceur de sa tige, la couleur de ses houppes hérissées, la violente dislocation de ses axes, la disproportion de cet arbre unique avec le pays fictif qu’il domine, — tel qu’un dragon qui, fusant de la terre comme une fumée, se bat dans le vent et la nuée, — mettaient ce lieu hors de tout, le constituaient grotesque et fantastique. Des feuillages funéraires, çà et là, ifs, thuyas, de leurs noirs vigoureux, animaient ce bouleversement. Saisi d’étonnement, je considérais ce document de mélancolie. Et du milieu de l’enclos, comme un monstre, un grand rocher se dressait dans la basse ombre du crépuscule comme un thème de rêverie et d’énigme.
Extrait de Connaissance de l'est, de Paul Claudel. Collection Poésies, Gallimard
07:25 Publié dans Blanc, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jardins, (connaissance de l'est), lotus peak, de liu haisu, paul claudel, noir, blanc | Facebook |
Imprimer | |
|
09/02/2013
Nocturne, de Cesare Pavese
Lesser Ury 1861, 1931 Collection privée, Pastel 34,1 x 47,2 cm
La colline est nocturne, dans le ciel transparent.
Ta tête s'y enchâsse, elle se meut à peine,
compagne de ce ciel. Tu es comme un nuage
entrevu dans les branches. Dans tes yeux rit
l'étrangeté d'un ciel qui ne t'appartient pas.
La colline de terre et de feuillage enferme
de sa masse noire ton vivant regard,
ta bouche a le pli d'une cavité douce au milieu
des collines lointaines. Tu as l'air de jouer
à la grande colline et à la clarté du ciel :
pour me plaire tu répètes le paysage ancien
et tu le rends plus pur.
Mais ta vie est ailleurs.
Ton tendre sang s'est formé ailleurs.
Les mots que tu dis ne trouvent pas d'écho
dans l'âpre tristesse de ce ciel.
Tu n'es rien qu'un nuage très doux, blanc
qui s'est pris une nuit dans les branches anciennes.
Cesare Pavese, Travailler fatigue [Lavorare stanca],
traduction de l'italien et préfacé par Gilles de Van,
Poésie du Monde entier, Gallimard, 1969, p. 85 et 84.
07:33 Publié dans Blanc, Noir | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noir, blanc, nocturne, de cesare pavese, lesler ury | Facebook |
Imprimer | |
|
01/02/2013
Cet être devant soi (extrait), de Claude Chambard
Nakamura Hôchû, The Korin Album, 1802 Source
Un chant d’hiver :
les oiseaux au sol picorent les graines tombées de ta main
je me gave de la couleur du ciel
j’ai piétiné la cage
& caressé la hulotte qui niche dans le chêne troué
le rouge-gorge est revenu — toujours
La lumière est si blanche ce matin que tu ne peux te lever
qu’est-ce qu’un souvenir m’as tu demandé
noir sur blanc
une prière qui tinte éternellement t’ai-je dit
moi qui ne suis sûr de rien
qui ne sais rien de rien juste que nulle part
est le lieu où nous nous tenons serrés
avec nos blessures nos signes de ponctuation
nos conjonctions de coordination
devant —— devant
tout commence
Claude Chambard, extrait de Cet être devant soi , Æncrages & cie, 2012.
14:18 Publié dans Blanc, Noir | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : claude chambard, cet être devant soi, nakamura hôchû, blanc, noir, couleur | Facebook |
Imprimer | |
|
27/01/2013
Ballade du dernier amour, de Charles Cros
"nuit blanche", encres pigments et gouache, 30x40 cm , © pierre gaudu
(image non diffusable sans son accord) A retrouver sur son site http://dessin-ivre.blogspot.fr
Mes souvenirs sont si nombreux
Que ma raison n'y peut suffire.
Pourtant je ne vis que par eux,
Eux seuls me font pleurer et rire.
Le présent est sanglant et noir ;
Dans l'avenir qu'ai-je à poursuivre ?
Calme frais des tombeaux, le soir !...
Je me suis trop hâté de vivre.
Amours heureux ou malheureux,
Lourds regrets, satiété pire,
Yeux noirs veloutés, clairs yeux bleus,
Aux regards qu'on ne peut pas dire,
Cheveux noyant le démêloir
Couleur d'or, d'ébène ou de cuivre,
J'ai voulu tout voir, tout avoir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Je suis las. Plus d'amour. Je veux
Vivre seul, pour moi seul décrire
Jusqu'à l'odeur de tes cheveux,
Jusqu'à l'éclair de ton sourire,
Dire ton royal nonchaloir,
T'évoquer entière en un livre
Pur et vrai comme ton miroir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Envoi
Ma chanson, vapeur d'encensoir,
Chère envolée, ira te suivre.
En tes bras j'espérais pouvoir
Attendre l'heure qui délivre ;
Tu m'as pris mon tour. Au revoir.
Je me suis trop hâté de vivre.
Charles cros, Le coffret de Santal, extrait de Rimbaud, Cros, Corbière, Lautréamont, Collection Bouquins, Robert Laffont, p 249-250.
Merci à Pierre Gaudu pour sa confiance dans mes choix.
07:10 Publié dans Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ballade du dernier amour, charles cros, pierre gaudu, nuit blanche, noir, or, cuivre, bleu | Facebook |
Imprimer | |
|