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28/02/2011

Iris, c'est votre bleu, d'Ariane Dreyfus

 

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Je vois le chemin
À chaque fois

Ligne vive,
Magique un doigt le long d’une main, déjà.
Justesse
De la petite chambre hissant sa seule fenêtre à la montagne.
Tu simplifies mon corps en me tirant à toi.

 Les yeux font les doux remous, l’étonnement.

Nous regardons la mer que le soleil plus bas
Fait pâle, elle brille, d’un bleu remué (éclairé) de rose.
Le sable rougit un peu.

 De dos si tendrement.

Tout ce qui ne se dit pas
Les yeux le gardent pour les yeux inlassables.

 Ils ont tiré assez fort pour que sa tête s’en aille

Shama Rezayee
N’a pas voulu crier ni plier
Malgré l’interminable décapitation d’une, et encore une…

Femmes sous la burqah,
Fantômes bleuissant les rues de leur supplice

Le beau soleil de venu qu’on étouffe durement,
Bleu lourd, couronne d’ensevelissement.

« Et la menthe criait entièrement différente
Et l’herbe chantait comme un velours triste »

Tout à l’heure, assise près de lui j’ai vu
Un gros escargot
Magnifiquement pas écrasé !

 Repu, tranquille et bien humide.

 Attention.
Je l’ai posé un peu plus loin
Avec sa rondeur de cœur vivant.

 

Ariane Dreyfus, Iris, c’est votre bleu, Le Castor Astral, 2008, p. 97 et 82. 

Tableau de Dominique Hordé

 

24/02/2011

Hamlet, de William Shakespeare

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Être, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ? Mourir... dormir, rien de plus... et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là est l’embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? Voilà qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d’une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations, et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes, s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ? Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d’action... Doucement, maintenant ! Voici la belle Ophélia... Nymphe, dans tes oraisons souviens-toi de tous mes péchés. [...] »

Tableau de Jackson Pollock

22/02/2011

WESTWEGO, de Philippe Soupault

 

 

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Je me promenais dans Londres un été

les pieds brûlants et le coeur dans les yeux

près des murs noirs près des murs rouges

près des grands docks

où les policemen géants

sont piqués comme des points d’interrogation

On pouvait jouer avec le soleil

qui se posait comme un oiseau

sur tous les monuments

pigeon voyageur

pigeon quotidien

(…)

Il fait chaud et c’est aujourd’hui dimanche

il fait triste

le fleuve est très malheureux

et les habitants sont restés chez eux

Je me promène près de la Tamise

une seule barque glisse pour atteindre le ciel

le ciel immobile

parce que c’est dimanche

et que le vent ne s’est pas levé

il est midi il est cinq heure

on ne sait plus où aller

(…)

Tableau de Dominique Hordé

21/02/2011

Nuanciers, lumière et couleurs

SL730864.JPGLa perception des couleurs peut être très différente en fonction de la lumière.

 

Lumière du jour : la qualité de cette lumière varie aux différents moments de la journée et suivant l’orientation. 

 

Lumière électrique : il n'existe pas une lumière électrique mais des lumières : lumière blanche, jaune, bleu, halogène, leds…

 

 L’environnement extérieur joue aussi sur la perception des couleurs. Un environnement très verdoyant (les feuilles des arbres par exemple), peut avoir tendance à verdir les blancs cassés, selon la configuration des lieux.

Quand vous choisissez la (les) couleur(s) d'une  pièce, il est donc important de savoir à quel usage cette pièce est destinée et à quel moment vous y êtes le plus souvent.  

 

Pour ne pas être déçu, il faut faire des essais. Il suffit de peindre un bristol par exemple d'un format A 4 avec la peinture choisie et de vous promener dans la pièce  à peindre à différentes heures de la journée. (Certaines marques proposent des échantillons de peinture à des prix raisonnables). Vous jugerez mieux l’effet de la couleur que vous avez choisie.

 

Si elle ne vous convient pas totalement et que vous l'avez déjà achetée, pas de panique: il est toujours possible de modifier légèrement la couleur avec des pigments ou des colorants.

 

Toute peinture est un accident (extrait), de Marc Le Bot

     

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    « Toute peinture est un accident » Francis Bacon, L’Art de l’impossible.

    Par des mouvements en sens inverse, peinture et poésie cherchent à se rejoindre l’une l’autre. Mais chacune vient buter à son tour sur ce qui, pour elle, est l’énigme de l’autre. Ceci touche au cœur de ce qui est l’acquis majeur de la pensée artistique moderne. Les amours faites de bonheurs mais aussi de tensions entre poésie et peinture, aujourd’hui, sont exacerbées par cette dérive tout actuelle qui voudrait réduire la culture à l’information. Cette exacerbation met en lumière, avec une évidence nouvelle, ce qui est l’enjeu des arts de toutes les cultures : l’art est ce mode de la pensée qui nous reconduit inlassablement à considérer en toutes choses, non le savoir que nous pouvons en acquérir, mais cette part d’irréductible énigme qui, précisément, la rend à nos yeux « admirable ». C’est à partir de là qu’on peint et qu’on écrit.

     


19/02/2011

Le roman d'un enfant, (extrait) de Pierre Loti

 

 

Van de Velde

 

Puis, tout à coup, je m'arrêtai glacé, frissonnant de peur. Devant moi, quelque chose apparaissait, quelque chose de sombre et de bruissant qui avait surgi de tous les côtés en même temps et qui semblait ne pas finir; une étendue en mouvement qui me donnait le vertige mortel... Évidemment c'était ça; pas une minute d'hésitation, ni même d'étonnement que ce fit ainsi, non, rien que de l'épouvante: je reconnaissais et je tremblais. C'était d'un vert obscur presque noir; ça semblait instable, perfide, engloutissant; ça remuait et ça se démenait partout à la fois, avec un air de méchanceté sinistre. Au-dessus, s'étendait un ciel tout d'une pièce, d'un gris foncé, comme un manteau lourd. Très loin, très loin seulement, à d'inappréciables profondeurs d'horizon, on apercevait une déchirure, un jour entre le ciel et les eaux, une longue fente vide, d'une claire pâleur jaune...Pour la reconnaître ainsi, la mer, l'avais-je déjà vue?



Le roman d'un enfant 

Une tempête qui se lève, Willem van de Velde (1633-1707); Huile sur toile

Enduit minéral travaillé ton sur ton

Ne pas me contenter de regarder. Décortiquer ce qui m’entoure, comprendre comment ça vit, ça pousse, se transforme. Etre dans la vie, la chair, l'intime, l'indicible. Même pour un mur. Justement parce que c'est un mur. Qu'on vit entouré de murs.

Se laisser étourdir par les matériaux qu’on utilise, les couleurs qu’on fait naitre. Laisser place à ses sensations et ses émotions, pour imprimer son travail de sa sensibilité. Faire son travail d'artisan, tout simplement.

 

ton ton.jpg

18/02/2011

Sur un poème peint (extrait), de Marc Le Bot

paul klee 2.png

Jadis surgi du gris de la nuit / puis lourd et cher / et fort du feu / le soir plein de dieu et ployé // Maintenant dans l'éther frissonnant du bleu / planant sur des glaciers / vers des astres sages ». Paul Klee, 1918.

"Peut-être est-ce cette affaire de main qui, tout d'abord, m'a attaché à la relation qui existe entre écriture et peinture. La trace écrite ou peinte est le produit d'un travail où je peux imaginer le corps à l'œuvre : la main du peintre et celle de l'écrivain. En outre, dans l'écriture, l'écrivain attentif aux rythmes et aux sonorités des phrases prend en compte les échos que, dans son corps sonore, provoque la diction des mots. L'oreille joue, dans le poème, un rôle semblable à celui des yeux dans l'art du peintre. Dans la peinture et dans l'écriture, il apparaît ainsi avec une évidence particulière que, dans tout acte de pensée, c'est le corps qui pense."

 

"Je crois qu'on touche ici à l'essentiel de la pensée artistique. L'art imagine l'impossible unité de ce qui est séparé. Il met toujours en scène l'un et son autre. Il parle de l'expérience qui fonde la réalité humaine : celle de l'altérité. L'expérience de l'altérité peut être heureuse ou être tragique. Bonheurs et malheurs sont également humains. Le propre de la pensée artistique ne consiste pas à se tenir d'un côté plutôt que de l'autre. Mais l'art accomplit une tâche qui le distingue des savoirs et des sciences. Celles-ci, pour mettre en œuvre les systèmes de mesure qui leur permettent de maîtriser la réalité, se doivent de reconduire la diversité au même. L'art va tout à l'inverse. Il reconduit la pensée à la considération de l'altérité. La lettre est l'autre de la figure et l'une et l'autre sont séparées par un écart incommensurable ici symbolisé par un gris. Dans cet écart ou cette tension interne à toute œuvre d'art entre les termes qui la composent peut naître le sentiment de l'admiration. Admirer : ouvrir grand les yeux et s'étonner que, par bonheur, l'autre soit autre que moi-même."

Marc Le Bot

17/02/2011

Nuit à Londres, d'Erich Fried

 

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Garder les mains

devant le visage

et laisser clos

les yeux                       

ne voir qu’un paysage

montagnes et torrent

et dans la prairie deux animaux

bruns sur le versant vert clair 

qui monte jusqu’à la forêt plus sombre

 

Et commencer à sentir

l’herbe fauchée

et tout en haut au-dessus des pins

en cercles lents un oiseau

petit et noir

sur le bleu du ciel

 

Et tout

absolument paisible

et si beau

que l’on sait

que cette vie vaut la peine

parce que l’on peut croire

que tout ça existe

 

 

 

Poèmes extraits du recueil Es ist was es ist (1983)

Traduits de l’allemand par Chantal Tanet et Michael Hohmann

On peut également trouver des traductions d'autres poèmes d'Erich Fried sur les sites  Les Carnets d'eucharis (le site de Nathalie Riera) et Droit de Cités

Tableau de Félix Valloton (1865 1935)

16/02/2011

Bleu, de Pierre Jean Jouve

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Couché le vaste bleu de mer

La mer de l’azur rigoureuse

Et le soleil fixant du haut

Ses vastes rayons de noirceur,

 

Ondulations et matière

Le noir dilué en espoir

Et la matière faite roche

Par ce noir bleu mais en arrière,      

 

Sur les forêts chinoises vertes

Et sur les eaux de jade vert

Qui devient alors jade noir.

 

Poésie/Gallimard Diadème, suivi de Mélodrame, p178/179

Aquarelle de William Turner

14/02/2011

Pastiche , de Max Jacob

 

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Avez-vous rencontré la fille au muguet bleu

 Qui m’aime sans me vouloir ?

 

Avez-vous rencontré le lièvre au poil de feu

Qui broute à mes réfectoires ?

 

Avez-vous rencontré le vieillard chassieux

Qui dit non sans rien savoir ?

 

Avez-vous rencontré pucelle aux jours heureux

Qui a différé l’écart ?

 

Avez-vous rencontré gueux devenu plus gueux

Qui a voulu trop avoir ?

 

Avez-vous rencontré malin malicieux

Qui lance ferraille et pétard ?

 

Avez-vous rencontré puissant officieux

A savant quêtant savoir ?

 

Avez-vous, tout compte fait, avez-vous gobé les œufs

Venant de mon poulet noir ?

 

Extrait de "laboratoire central"

Tableau Ilya ZOMB

Création de couleurs et de matière: Stucco rouge

 Réalisation d'un stucco rouge (recherche de couleur, création de la couleur avec des pigments, fabrication de l'enduit). La création sur mesure permet ainsi une grande liberté pour choisir ses tissus d'ameublement, en ayant l'assurance de trouver la bonne couleur pour ses murs!

 

SL731551.JPGtissu-popeline-lalie-design-toupi.jpg Gros plan sur le mur.

Tissu www.laliedesign.com

 

 



11/02/2011

Les Yeux d'Elsa, d'Aragon

 

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Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Extrait de "Les yeux d'Elsa"

Tableau de Picasso: Rêve (1932)

Idéale maitresse, de Robert Desnos

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Je m'étais attardé ce matin-là à brosser les dents d'un joli animal que, patiemment, j'apprivoise. C'est un caméléon. Cette aimable bête fuma, comme à l'ordinaire, quelques cigarettes, puis je partis.

Dans l'escalier je la rencontrai. "Je mauve", me dit-elle, et tandis que moi-même je cristal à pleine ciel-je à son regard qui fleuve vers moi. Or il serrure et, maîtresse! Tu pitchpin qu'a joli vase je me chaise si les chemins tombeaux.

L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche.

Remontons! mais en vain, les souvenirs se sardine! à peine, à peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez! En voici le verdict: "La danseuse sera fusillée à l'aube avec ses bijoux immolés au feu de son corps. le sang des bijoux, soldats!"

Eh quoi, déjà je miroir. Maîtresse tu carré noir et si les nuages de tout à l'heure myosotis, ils moulins dans la toujours présente éternité.

 
Tableau de Keith Harring (1958-1990)

09/02/2011

Ombre portée du palmier bleu, d'Angèle Paoli

 

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A mon trisaïeul Dominique Baldassari revenu de Trinidad en 1840


Palmier de haute race
élégant élancé
tu étires tes voiles en partance
vers des rêves perdus
il ne te reste des terres
qui t’ont vu naître
que l’ombre portée de tes palmes
sur le mur chauffé à blanc
au creux de ta tour crénelée
tu balances au gré des vents
tes gréements effilés
dans le ciel transi de bleu

Dans le ciel transi de bleu
l’ombre portée du palmier
murmure les noms effacés
de ceux qui se sont embarqués
les Baldassari, Giraldi, Giuliani,
Gregori, Luigi, Mariani, Piccioni, Pieretti,
Vincentelli…
du Cap Corse aux Amériques
ils ont navigué bourlingué
travaillés durement par la houle
un matin de demi-brume caraïbe
ils ont touché terre ferme
c’était dans les marécages du llanos

Ils se sont dispersés
aux quatre découpes des côtes
dans les haciendas blanches
entre Venezuela et Trinidad
ils ont battu le pavé des villes
à Caracas ils se sont enivrés
de la moiteur des femmes
du vin de palmes et d’aloès
ils ont bâti leurs fortunes
au prix d’un exil sans fin
dans les champs de coton de café de tabac

Un jour de demi-brume caraïbe
ils ont réinventé la mer
portés par un mal obscur
dans leur île natale ils ont débarqué
leurs lourdes malles gonflées d’or
ils ont élevé palais et tombeaux
ils reposent seigneurs apaisés
en leur terre bercée par l’ombre portée
du palmier bleu


Angèle Paoli, Noir écrin, Poésie cap-corsaire, A Fior di Carta Éditions, 20228 Barrettali, 2007, pp. 47-48.
D.R. Ph. et texte angèlepaoli

Tableau de Paul Gauguin

Angèle Paoli écrivaine poètesse, anime un magnfique site de poésies Terres de Femmes http://terresdefemmes.blogs.com

 

Murs et matière

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Il faut savoir écouter, sentir, observer  la matière, les murs ou les supports sur lesquels on travaille.

 

L’enduit réagira différemment selon la température de l’air et le niveau d’hydrométrie.

Si elle est trop travaillée, la chaux va « buller » ou trop « faïencer ». Tel autre enduit va s’arracher et ne pas tenir au mur.

S’arrêter à temps pour ne pas détruire ce que l’on a fait. Savoir aussi que si on a commis une erreur, il est possible parfois de revenir en arrière, de réparer. Parfois.

 Savoir aussi qu’à chaque chantier, on peut avoir des surprises ; un enduit qui bulle ou qui ne veut pas s’accrocher à tel endroit sans qu’on comprenne pourquoi, alors que son geste ne diffère pas d’un endroit à l’autre.

 

S'adapter, s'arranger avec ces éléments exogènes, réparer, résoudre.

07/02/2011

L'île, d'Andrée Chedid

 

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Pour un coin d’eau de traces et d’herbe verte
Où l’œil serait nu le cœur de rosée
Les mains         feuilles ouvertes

Je vais
Aile au soleil
Marchant pour l’étoile
Son odeur de résine et de rêve d’enfant

C’est la route des fables la route des genêts
Que bordent les noirs sourires d’enracinés


Voici l’île la fleur la découverte

Voici l’oiseau chanteur
Voici les lendemains

Les mensonges aux yeux de mouettes.




Andrée Chedid, Textes pour un poème, 1949-1970 in Andrée Chedid, Au cœur du cœur, Poèmes choisis et présentés par Matthieu Chedid et Jean-Pierre Siméon, Librio Poésie, 2009, page 19.

Tableau de Nicolas de Stael

06/02/2011

Corps de femme, de Pablo Neruda

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Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
l'attitude du don te rend pareil au monde.
Mon corps de laboureur sauvage, de son soc
a fait jaillir le fils du profond de la terre.

Je fus comme un tunnel déserté des oiseaux,
la nuit m'envahissait de toute sa puissance.
Pour survivre j'ai dû te forger comme une arme
et tu es la flèche à mon arc, tu es la pierre dans ma fronde.

Mais passe l'heure de la vengeance, et je t'aime.
Corps de peau et de mousse, de lait avide et ferme.
Ah ! Le vase des seins ! Ah ! Les yeux de l'absence !
Ah ! Roses du pubis ! Ah, ta voix lente et triste !

Corps de femme, je persisterai dans ta grâce.
Ô soif, désir illimité, chemin sans but !
Courants obscurs où coule une soif éternelle
et la fatigue y coule, et l'infinie douleur.               


Pablo Neruda, Les vingt poèmes d’amour, Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée, Gallimard, Collection Poésie, pp. 9-11.

Tableau D'Edouard Manet: Olympia

05/02/2011

Pays rêvé, Pays réel (Extrait), d'Edouard Glissant

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Si la nuit te dépose au plus haut de la mer
N'offense en toi la mer par échouage des anciens dieux
Seules les fleurs savent comme on gravit l'éternité
Nous t'appelons terre blessée ô combien notre temps
Sera bref, ainsi l'eau dont on ne voit le lit
Chanson d'eau empilée sur l'eau du triste soir
Tu es douce à celui que tu éloignes de ta nuit
Tel un gravier trop lourd enfoui aux grèves de minuit
J'ai mené ma rame entre les îles je t'ai nommée
loin avant que tu m'aies désigné pour asile et souffle
je t'ai nommée Insaisissable et Toute-enfuie
Ton rire a séparé les eaux bleues des eaux inconnues

Edouard Glissant - Pour Mycéa extrait de Pays rêvé, pays réel
Collection Poésie Gallimard
Tableau du Douanier Rousseau

03/02/2011

Extraits de Poésies, 1946-1967, de Philippe Jaccottet

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Toute fleur n’est que de la nuit
qui feint de s’être rapprochée

Mais là d’où son parfum s’élève
je ne puis espérer entrer
c’est pourquoi tant il me trouble
et me fait si longtemps veiller
devant cette porte fermée

Toute couleur, toute vie
naît d’où le regard s’arrête

Ce monde n’est que la crête
d’un invisible incendie.

 Philippe Jaccottet, Poésies, 1946-1967, préface de Jean Starobinski,  Poésie / Gallimard, n° 71, 1971, réimpression de 2001, p. 108  

Tableau de Dominique Hordé