Henri Matisse, The riverbank, 1907, Offentliche Kunstsammlung, Basel, Switzerland
Environ le printemps
(le 21 mars, + ou - x jours
(x variable - si x est proche de 365 on dit
« y a plu' d'saizon ! »
ou bien on dit
« printemps pourri ! »))
environ le printemps, disais-je
les arbres
n'ont plus pour seul vêtement
les moineaux
les feuilles
reviennent aux arbres
ou les arbres
retrouvent leurs feuilles
ça verdit
depuis quelques temps on les voyait
hésiter, tâter l'air,
ausculter les nuages
regarder leurs voisins du coin de l'œil
et puis d'un seul coup ça y est
ils se décident
environ le printemps
(ce sont les « à feuilles caduques » qui se lancent
que les Anglais appellent deciduous
à cause de leur esprit de décision
les « à feuilles persistantes »
qui n'ont plus rien à décider
font la gueule
avec leur pelage sale
de toutes les années de suie
urbaine)
sur les arbres
les bébés feuilles frissonnent
les petites feuilles tâtonnantes, fragiles, lentement
déplissées des bourgeons
la brise les retient tendrement sur leur tiges
comme dit le powète
oui !
les feuilles s'élancent, prolifèrent
profuses
les arbres s'étalent, se regardent dans les fontaines
dans les fenêtres
dans les flaques
dans le bleu du ciel
et voilà
le printemps est fait
c'est comme ça que ça s'est passé
cette année-ci (mille neuf cent quatre-vingt -quatorze)
à Paris
au jardin des Tuileries
au jardin du Luxembourg
au parc Montsouris
au square des Blancs-Manteaux
au pied du Sacré-Cœur dans le square Saint-Pierre
j'ai vérifié
et je n'ai aucune raison de penser
qu'il en a été différemment
ailleurs
La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains, Gallimard