28/12/2011
Sentier du nord, de Kenneth White
1.
Eaux noires, où
l’oie cendrée, le plongeon gris
le saumon, la perche, la truite
sont chez eux….
après dix jours sans nuage
la pluie est revenue
une bruine grise
qui assombrit le lac
et voile les collines
2.
Air froid de l’aurore
ce rocher :
traces de l’époque glaciaire
et là un tertre
poste de guet d’un renard
(l’herbe a verdi
sous ses excréments)
3.
Un bosquet de bouleaux
brouillés de pluie
le tronc
blanchi
d’un pin mort
sur le sol tourbeux
l’empreinte d’un cerf
4.
Un ruisseau gris
des lichens
agrippés à une pierre
et, solitaire
une fleur
arctique :
étamines noires
pétales blancs
5.
Là-bas
parmi les rocs et les éboulis
un ptarmigan
franchit la crête.
Kenneth White, Les rives du silence, traduit de l’anglais par Marie-Claude White, édition bilingue, Mercure de France 1997, p. 64 à 67
Poème à retrouver également sur http://poezibao.typepad.com/
Photo de Pierre Gaudu
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25/12/2011
La Vierge à l'enfant, de Jean Fouquet
Jean Fouquet, Vierge à l'Enfant entourée d'Anges (La Vierge du Diptyque de Melun, volet droit), 1450, bois (chêne), 94,5 x 85,5 cm, Antwerpen/Anvers, coll. Koninklijk Museum voor Schone Kunsten.
06:30 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la vierge à l'enfant, jean fouquet | Facebook | Imprimer | | |
22/12/2011
Poème XXVIII, L'amour la poésie, de Paul Eluard
Rouge amoureuse
Pour prendre part à ton plaisir
Je me colore de douleur.
J'ai vécu tu fermes les yeux
Tu t'enfermes en moi
Accepte donc de vivre.
Tout ce qui se répète est incompréhensible
Tu nais dans un miroir
Devant mon ancienne image.
Extrait de L'amour la poésie
Tableau de Francis Picabia
22:12 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : francis picabia, poème xxviii, l'amour la poésie, paul eluard | Facebook | Imprimer | | |
17/12/2011
Madonna mia , Oscar Wilde
Une fillette, un lis, inapte à la douleur du monde,
Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,
Aux yeux charmeurs voilés de larmes folles,
Telle une eau d'un bleu pur dans un brouillard de pluie,
Et des joues pâles ignorantes des baisers,
Lèvres rouges qui ont toujours craint l'amour,
Gorge aussi blanche que gorge de colombe,
Sur le marbre de laquelle s'inscrit une veine de pourpre.
Pourtant, bien que mes lèvres ne cessent de te louer,
Je n'ose même pas embrasser ton pied,
Tant je suis assombri par les ailes de la peur,
Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,
Sous le poitrail en feu du Lion, lorsqu'il vit
La septième splendeur et l'escalier d'or (1).
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille, dans op. cité., p. 13.
William-Adolphe Bouguereau (1825-1905) - Head Of A Young Girl (1898)
1 Allusion à un passage de Dante (Le Paradis, XXI, 13-15) : « Nous sommes élevés à la septième splendeur, / qui, sous le poitrail du lion ardent, / mêle maintenant ses rayons au siens » (traduction de Jacqueline Risset, Flammarion, 1996) [Note de la Pléiade, p. 1576].
Merci à Tristan Hordé pour cette contribution.
06:10 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Poésie et couleurs, Rose | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madonna mia, oscar wilde, bleu, rouge, or, pourpre | Facebook | Imprimer | | |
13/12/2011
Le badigeon à la chaux expliqué par Valérie Auzou
Quand Valérie Auzou vous explique comment réaliser un badigeon à la chaux....
Valérie et moi travaillons ensemble sur et en dehors des chantiers. Nous sommes toutes les deux passionnées par la décoration et les enduits décoratifs. Et nous avons également des activités complémentaires. Valérie accompagne des clients pour le démarrage des chantiers et anime des stages de formation en région parisienne et en Normandie. Elle est vraiment très pédagogue (il suffit de la voir dans la vidéo!). Plus d'information sur son site . Quant à moi, je suis spécialisée dans la couleur (conseil couleurs auprès de particuliers, d'entreprises et de collectivités et cours sur la couleur chez Opus Rouge .)
Dans cette vidéo, Valérie explique étape par étape comment réaliser un badigeon à la chaux avec des produits naturels.
On constate avec satisfaction que dans le domaine de la rénovation et de la décoration, on redécouvre la chaux. Elle est non seulement un bon complément en construction écologique, mais elle est aussi très esthétique.
La chaux est belle, saine, et elle permet de donner une apparence très chaleureuse à une pièce. La chaux a des propriétés antiseptique, antistatique, anti-acarien et anti-fongique.Savez-vous qu'elle assainit l'air ambiant et qu'elle contribue à réduire l'humidité?
Les Égyptiens l'utilisaient mélangée avec du plâtre pour faire des enduits muraux 2600 ans avant JC. Les romains ont développé et généralisé son usage dans la construction et son utilisation a perduré jusqu'au milieu du dix neuvième siècle où elle a été supplantée par l'apparition du ciment.
Ce produit entièrement naturel, sans COV, s'applique à l'extérieur comme à l'intérieur de la maison. Dans nos constructions modernes, il faut appliquer au préalable une couche d'accroche.qui a pour fonction de rendre le support compatible avec l'enduit. Une peinture au latex à laquelle on ajoute un peu de sable fin, du ciment colle, du composé à joint, ou encore de la caséine, sous-produit du lait, qui agit comme une colle.
A l'intérieur, on peut utliser plusieurs techniques et le choix est très large: badigeon, chaux brossée, chaux ferrée, mais aussi stucco, marmorino ou tadelakt... La chaux s'intégre à tous les styles!
Film tourné dans le cadre des Minutes faciles du site de M6
06:51 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : badigeon à la chaux, valérie auzou, dominique hordé, opus rouge, en tous sens, m6 | Facebook | Imprimer | | |
12/12/2011
Je suis né un jour bleu, de Daniel Tammet
Je suis né le 31 janvier 1979 – un mercredi. Je sais que c’était un mercredi, parce que la date est bleue, dans mon esprit et les mercredis sont toujours bleus, comme le nombreneuf ou le son des voix bruyantes en train de se disputer. […]
Les nombres sont mes amis et ils sont toujours présents autour de moi. Chacun est unique et a sa propre personnalité. Onze est amical et cinq est bruyant, alors que quatre est à la fois timide et silencieux – c’est mon nombre préféré. […] Certains nombres sont très beaux, comme trois cent trente-trois. […] Quatre-vingt-neuf me rappelle la neige qui tombe. […]
Les émotions peuvent être difficiles pour moi, elles peuvent être difficile à comprendre alors j’utilise souvent les chiffres pour m’aider. Si un ami me dit qu’il se sent triste, je l’imagine en train d’être assis dans l’obscurité du nombre six et ça m’aide à ressentir ce même sentiment de tristesse. […] Les nombres m’aident à mieux comprendre les autres. […]
Quand je regarde une séquence de chiffres, ma tête commence à se remplir de couleurs, de formes et de textures, qui se tissent ensemble spontanément pour former un paysage visuel. Ils sont toujours très beaux pour moi ; quand j’étais enfant je passais des heures à explorer les paysages de nombres dans mon esprit.
Je suis né un jour bleu , édition J'ai lu (Plus d'information sur Daniel Tammet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Tammet
Illustration d' Elisabeth Coulognier," Panorama végetal", que je remercie .A retrouver sur ses sites
http://l-ivredematieresetdecouleurs.blogspot.com/
http://l-ivredelettresetdecouleurs.blogspot.com/
J 'ai découvert ce texte en écoutant l'émission de Jean-Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin du 10 décembre 2011, consacrée à la synesthésie :http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-dar...
05:55 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bleu, je suis né un jour bleu, daniel tammet, elisabeth coulognier | Facebook | Imprimer | | |
09/12/2011
La vigne et la maison (Extrait), de Lamartine
Le mur est gris, la tuile est rousse,
L’hiver a rongé le ciment;
Des pierres disjointes la mousse
Verdit l’humide fondement;
Les gouttières, que rien n’essuie,
Laissent, en rigoles de suie,
S’égoutter le ciel pluvieux,
Traçant sur la˙ vide demeure
Ces noirs sillons par où l’on pleure,
Que les veuves ont sous les yeux.
La porte où file l’araignée,
Qui n’entend plus le doux accueil,
Reste immobile et dédaignée
Et ne tourne plus sur son seuil;
Les volets que le moineau souille,
Détachés de leurs gonds de rouille,
Battent nuit et jour le granit;
Les vitraux brisés par les grêles
Livrent aux vieilles hirondelles
Un libre passage à leur nid.
Leur gazouillement sur les dalles
Couvertes de duvets flottants
Est la seule voix de ces salles
Pleines des silences du temps.
De la solitaire demeure
Une ombre lourde d’heure en heure
Se détache sur le gazon:
Et cette ombre, couchée et morte,
Est la seule chose qui sorte
Tout le jour de cette maison!
La vigne et la maison (1857)
Photo de Coline Termarsh, Photographe et écrivain que je remercie et dont on peut retrouver le travail sur son blog : http://colinetermash.canalblog.com
06:24 Publié dans Art et poésie en couleurs, Gris, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : la vigne et la maison, lamartine, coline termash | Facebook | Imprimer | | |
08/12/2011
« Des mots comme du rouge qui respire », d'Angèle Paoli
Que reste-t-il ce soir de tout ce vécu de mots qu’on a engrangé
Chacun pour soi ?
Un peu de poème « avec toute sa guenille de mots ».
« Des mots
comme du rouge qui respire ».
.Le rouge des bleus de Matisse intérieurs et jardins
qui viennent à la rencontre
et le rouge du feu qui poudroie dans les mots.
.des mots comme du rouge qui respire
dans le vieux broc tout émaillé
comme posé là en attente d’un bouquet de cicindèles
ou même des flammes anacoluptères
que les mots grésillent
d’une bûche à l’autre
la respiration comme un souffle de vie à peine
retenu dans le silence gris du jour
et la promesse de la neige peut-être sous la vitre.
.et devant moi encore le rouge d’une étole
en jeté sur l’épaule et autour de la nuque aussi
comme un abandon de plis qu’on ne saurait dire.
.et celui plus carminé de la passion
d’un pendentif au lobe d’une oreille
que tellement ça bouge pour un rien
pour un mot qui passe tout au plus.
qui saura dire un jour quel fleuve
traverse le géant christophore
surgi à la croisée des rues dans le blanc de la roche rongée
et pourquoi au bou du bou du bou
le nom du village interrompu coupé
par qui pourquoi le sait-on ?
panneau sans fléchage et il faut inventer le chemin taillé
dans le gris lent de l’encoule
dans l’à-vif de la montagne blanche mêlé aux ocres chaudes
des pisés forteresses du Maroc.
.Sidi Slimane n’est jamais bien loin.
.le vieux campanile monte dans le peu de lumière derrière la vitre
au plus serré de la rencontre de ce jour
et le mot rouge un peu plus rouge pris dans les nappes et les tentures
et soudain dans celui plus doré du pain d’épices de Noël
qui effrite ses tranches sous les doigts
le rouge des couleurs mélange de bleu et d’oranger
la couleur rouge dans quel mot la retrouver
la rendre à sa rondeur première
à son origine dans la rouille
rouge pâle des tuiles sur les toits qui étirent
leur feuilleté dans la fraîcheur
et les murets décrépis
à quel temps abandonné depuis tant.
.le feu crépite rouge sang d’elfe chaude et d’éventail
que dis-tu en écrivant ces mots sinon le vide des images
qui ne parlent à personne
que lisent les regards sous les paupières closes
derrière la pluie des mots qui tombe en gouttes
de pétales rouges
quelque chose se vit comme un peu de souvenir
effacé que chacun garde au creux de sa propre chaleur
quelque chose se dit de l’intime
coule sa langue douce sous la langue autre
comme une odeur d’enfance à cueillir sous les mots
dans un jardin d’hier une langue d’avant
de Vendée ou d’ailleurs tendue aux quatre coins
d’une lessive fraîche.
.Écrire comme une affaire de désir
comme une affaire de rencontre
un désir de poussière
et de paradis minuscule
quelque chose du rouge dans le grain de la voix.
Angèle Paoli D.R
Merci à Angèle Paoli, qui anime un blog de poésie très riche, Terres de Femmes
Tableau d'Henri Matisse. Statuette et pichet roses sur un coffre des tiroirs rouge. 1910. Huile sur la toile. L'Ermitage, Rue Petersburg, Russie.
05:29 Publié dans Art et poésie en couleurs, Bleu, Poésie et couleurs, Rouge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : des mots comme du rouge qui respire, terres de femmes, angèle paoli, bleu, rouge, henri matisse | Facebook | Imprimer | | |
06/12/2011
L'automne du solitaire, de GeorgTrakl
Pour Tristan Hordé
L’automne sombre s’installe plein de fruits et d’abondance,
Éclat jauni des beaux jours d’été.
Un bleu pur sort d’une enveloppe flétrie ;
Le vol des oiseaux résonne de vieilles légendes.
Le vin est pressé, la douce quiétude
Emplie par la réponse ténue à des sombres questions.
Et, ici et là, une croix sur la colline désolée ;
Un troupeau se perd dans la forêt rousse.
Le nuage émigre au-dessus du miroir de l’étang ;
Le geste posé du paysan se repose.
Très doucement l’aile bleue du soir touche
Un toit de paille sèche, la terre noire.
Bientôt des étoiles nichent dans les sourcils de l’homme las ;
Dans les chambres glacées s’installe un décret silencieux
Et des anges sortent sans bruit des yeux bleus
Des amants, dont la souffrance se fait plus douce.
Le roseau murmure ; assaut d’une peur osseuse
Quand la rosée goutte, noire, des saules dépouillés.
Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, 1972, p. 107.
Photo de Chantal Tanet, Tout droit réservé.
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05/12/2011
Les secrets de la mer rouge (extrait), d'Henry de Monfreid
A mesure que le ciel rosit, la couleur de la mer passe du noir au vert bouteille. Un gros soleil rouge apparaît hors de l'eau et monte à travers des bandes horizontales de nuages noirs. La mer prend une couleur inéfinissables, rouge, verdâtre et bleue, mais ça ne dure pas. Elle va avoir désormais sa robe de jour bleue mouchetée de blanc et le vent, un instant contenu pour la cérémonie du lever, repart avec de nouvelles forces.
Les secrets de la mer rouge.
Tableau de John Turner. Slavers throwing overboard the Dead and Dying - Typhon coming on ("The Slave Ship") 1840; Oil on canvas, 90.8 x 122.6 cm; Museum of Fine Arts, Boston
06:13 Publié dans Art et poésie en couleurs, Multi couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les secrets de la mer rouge, turner, henry de monfreid | Facebook | Imprimer | | |
04/12/2011
Sens et matière: le toucher
(Grain de la matière. Douceur, velouté, irrégularités)
Je regarde les murs avec les doigts autant qu’avec les yeux, les uns renvoyant aux autres dans une osmose continue.
Je touche les murs avant de travailler. Ne rien oublier. Avant. Pendant. Après.
Avant, ses creux, ses blessures, son histoire. Pendant, parce qu'il est impossible de ne pas être dans leur intimité.
Après, pour m'imprégner une dernière fois de leur présence.
J’aime la douceur froide d’un mur ferré. J’aime la douceur chaude d’un mur ciré. Sous les doigts, la sensation est très différente d’une matière à une autre. Je n'utilise pas certains enduits car je n'ai aucun plaisir à les travailler, les toucher....Il ne suffit pas d'étaler de l'enduit sur un mur. Chaque matière réagit différemment et le plaisir provient de cette intimité entre la main, la matière et le mur. Sous la taloche ou le couteau, le moelleux ou la résistance d'une matière. La matière s'apprivoise et se laisse faire, je la conduis où je veux.
J'aime quand mes clients caressent leurs murs. Cette prise de conscience de ce qui les entourent. Comme un bel objet, une sculpture, une pierre polie par le temps...
19:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sens, matière, stucco vert | Facebook | Imprimer | | |
26/11/2011
A propos de Miklos Bukor, d'Yves Bonnefoy
Couleurs fertiles; de tous ces sels qui affleurent dans leur écume, en des irisations dont s'éclaire et se simplifie notre conscience du monde.
Couleurs? Non l'expérience du monde, du destin que la couleur a permise; et qu'elle accompagne très loin, de tout son fleurissement de chrysanthème ou d'ombelle, mais laisse à la fin se déployer seule.
Ce n'est pas la passion de la couleur, comme l'on dit, qui anime Miklos Bokor, c'est la passion qui se fait en lui couleur, ombres de couleur, afin de clarifier, de se musicaliser, de se délivrer de sa part d'angoisse, d'augmenter sa part de gaieté divine -- de se transmuter en sagesse.
Celui qui sait retrouver ses sentiments les plus tenus, les plus fugitifs, dans la couleur ou le grain des choses de la nature découvre vite que celle-ci nous propose, dans ses accords de tons, de matière, une solution aux conflits que ses sentiments déchainent dans l'isolement, dans l'esseulement, de l'esprit qui l'a oubliée. il comprend que l'apparence sensible n'est nullement, par rapport à nous, une indifférence, mais la parole qui va sans mots et n'en est que plus véridique.
Peindre, comme le fait Bokor: passer le langage au tamis de l'eau qui bouge dans l'eau, du soleil qui se lève dans les arbres. ne demeurent des mots que ceux qu'il n'a plus besoin de prononcer, si transparente est leur évidence.
Récits en rêve, Remarques sur la couleur, A propos de Miklos Bokor (extrait) p162, 163, 165, 166, Mercure de France
Tableau de Miklos Bukor;
'
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25/11/2011
Matisse parle, d'Aragon
Je défais dans mes mains toutes les chevelures
Le jour a les couleurs que lui donnent mes mains
Tout ce qu´enfle un soupir dans ma chambre est voilure
Et le rève durable est mon regard demain
Toute fleur d´être nue est semblables aux captives
Qui font trembler les doigts par leur seule beauté
J´attends je vois je songe et le ciel qui dérive
Est simple devant moi comme une robe otée
J´explique sans les mots le pas qui fait la ronde
J´explique le pied nu qu´a le vent effacé
J´explique sans mystère un moment de ce monde
J´explique le soleil sur l´épaule pensée
J´explique un dessin noir à la fenêtre ouverte
J´explique les oiseaux les arbres les saisons
J´explique le bonheur muet des plantes vertes
J´explique le silence étrange des maisons
J´explique infiniment l´ombre et la transparence
J´explique le toucher des femmes leur éclat
J´explique un firmament d´objets par différence
J´explique le rapport des choses que voilà
J´explique le parfum des formes passagères
J´explique ce qui fait chanter le papier blanc
J´explique ce qui fait qu´une feuille est légère
Et les branches qui sont des bras un peu plus lents
Je rends à la lumière un tribut de justice
Immobile au milieu des malheurs de ce temps
Je peins l´espoir des yeux afin qu´Henri Matisse
Témoigne à l´avenir ce que l´homme en attend
Extrait du Crève Coeur, Gallimard, 1957
Figure décorative sur fond oriental
21:32 Publié dans Art et poésie en couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, couleurs, matisse, aragon | Facebook | Imprimer | | |
23/11/2011
Le bateau ivre, d'Arthur Rimbaud
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
Rimbaud, 1871
Zemmyō se jette à la mer par le peintre japonais Enichibō Jōnin (XIIIe siècle). Kegonshū-soshi-eden (Vie de Gishō et Gengyō, moines de la secte Kegon en Corée), attribué à Enichibō Jōnin: Zemmyō se jette à la mer à la poursuite de Gishō (scène du troisième rouleau de la Légende de Gishō)- première moitié du XIIIe siècle - rouleau horizontal, couleurs sur papier - (H. 31,6cm). Au (Temple Kōzan-ji)-Kyōto.
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20/11/2011
L'ombre et les reflets, par Delacroix
La mer vue des hauteurs de Dieppe 1852 huile sur carton collé sur bois, 35x51 cm
Eugène Delacroix (1798 - 1863) fut un des plus grands coloristes du XIXe siècle. C'est avec la couleur qu'il construit son tableau. S'inspirant des travaux de Chevreul sur le contraste simultané des couleurs, il bannit le noir de sa palette: «ajouter du noir, dit-il, c'est salir le ton». Son travail sur la couleur et la lumière a largement inspiré les impressionnistes. |
Extrait de son journal (1850) :
"La loi du vert pour le reflet et du bord d’ombre ou de l’ombre portée, que j’ai découverte antérieurement dans le linge, s’étend à tout comme les trois couleurs mixtes se retrouvent dans tout. Je croyais qu’elles étaient seulement dans quelques objets.
Sur la mer, c’est aussi évident. Les ombres portées évidemment violettes et les reflets toujours verts, aussi évidemment.
Ici se retrouve cette loi que la nature agit toujours ainsi. De même qu’un plan est un composé de petits plans, une vague de petites vagues, de même le jour se modifie ou se décompose sur des objets de la même manière. La plus évidente loi de décomposition est celle qui m’a frappé la première comme étant la plus générale, sur le luisant des objets. C’est dans ces sortes d’objets que j’ai le plus remarqué la présence des trois tons réunis : une cuirasse, un diamant, etc. On trouve ensuite des objets, tels que les étoffes, le linge, certains effets de paysage, et, en tête, la mer, où cet effet est très marqué. Je n’ai pas tardé à apercevoir que dans la chair cette présence est frappante. Enfin, j’en suis venu à me convaincre que rien n’existe sans ces trois tons. En effet, quand je trouve que le linge a l’ombre violette et le reflet vert, ai-je dit qu’il présentait seulement ces deux tons ? L’orangé n’y est-il pas forcément, puisque dans le vert se trouve le jaune et que dans le violet se trouve le rouge ?
Approfondir la loi qui, dans les étoffes à luisants, comme le satin surtout, place le vrai ton de l’objet à côté de ce luisant, dans la robe des chevaux, etc.
Je remarque le mur en briques très rouges qui est dans la petite rue en retour. La partie éclairée du soleil est rouge orangé, l’ombre très violette, brun rouge, terre de Cassel et blanc.
Pour les clairs, il faut faire l’ombre non reflétée relativement violette, et refléter avec des tons relativement verdâtres. Je vois le drapeau rouge qui est devant ma fenêtre ; l’ombre m’apparaît effectivement violette et mate ; la transparence paraît orangée, mais comment le vert ne s’y trouve-t-il pas ? D’abord à cause de la nécessité pour le rouge d’avoir des ombres vertes, mais à cause de cette présence de l’orangé et du violet, deux tons dans lesquels entrent le jaune et le bleu qui donnent le vert.
Le ton vrai ou le moins décomposé dans la chair doit être celui qui touche le luisant, comme dans les étoffes de soie, les chevaux, etc. Comme elle est un objet très mat relativement, il se produit le même effet que j’observai tout à l’heure sur les objets éclairés par le soleil, où les contrastes sont plus apparents ; de même ils le sont dans les satins.
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15/11/2011
Feeling is first (senso è primo), de Nathalie Riera
IV
l'éclair sur la toile nue et pour couleur la mémoire
nylon de brume
incises dans la transparence
ne rien savoir que mémoire sans couleur
que langage des rayures
Collection "1 et 1" : un artiste et un écrivain
Pour se le procurer, contacter la
Galerie Le Réalgar au 0687602234 ou à lerealgar@gmail.com
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14/11/2011
Le ventre de Paris (extrait) d'Emile Zola
[...] Le jour se levait lentement, d’un gris très doux, lavant toutes choses d’une teinte claire d’aquarelle. Ces tas moutonnants comme des flots pressés, ce fleuve de verdure qui semblait couler dans l’encaissement de la chaussée, pareil à la débâcle des pluies d’automne, prenaient des ombres délicates et perlées, des violets attendris, des roses teintés de lait, des verts noyés dans des jaunes, toutes les pâleurs qui font du ciel une soie changeante au lever du soleil ; et, à mesure que l’incendie du matin montait en jets de flamme, au fond de la rue Rambuteau, les légumes s’éveillaient davantage, sortaient du grand bleuissement traînant à terre. Les salades, les laitues, les scaroles, les chicorées, ouvertes et grasses encore de terreau, montraient leurs cœurs éclatants ; les paquets d’épinards, les paquets d’oseilles, les bouquets d’artichauts, les entassements de haricots et de pois, les empilements de romaines, liées d’un brin de paille, chantaient toute la gamme du vert, de la laque verte des cosses au gros vert des feuilles ; gamme soutenue qui allaient en se mourant, jusqu’aux panachures des pieds de céleri et des bottes de poireaux. Mais les notes aiguës, ce qui chantait plus haut, c’étaient toujours les taches vives des carottes, les taches pures des navets, semées en quantité prodigieuse le long du marché, l’éclairant du bariolage de leurs deux couleurs. Au carrefour de la rue des Halles, les choux faisaient des montagnes ; les énormes choux blancs, serrés et durs comme des boulets de métal pâle ; les choux frisés, dont les grands feuilles ressemblaient à des vasques de bronze ; les choux rouges, que l’aube changeait en des floraisons superbes, lie de vin, avec des meurtrissures de carmin et de pourpre sombre. À l’autre bout, au carrefour de la pointe Saint-Eustache, l’ouverture de la rue Rambuteau était barrée par une barricade de potirons orangés, sur deux rangs, s’étalant, élargissant leurs ventres. Et le vernis mordoré d’un panier d’oignons, le rouge saignant d’un tas de tomates, l’effacement jaunâtre d’un lot de concombres, le violet sombre d’une grappe d’aubergines, çà et là, s’allumaient ; pendant que de gros radis noirs, rangés en nappes de deuil, laissaient encore quelques trous de ténèbres au milieu des joies vibrantes du réveil.
Le Ventre de Paris, chapitre 1, dans Les Rougon-Maquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire, I, Bibliothèque de la Pléiade, 1963, p. 626-627.
Tableau de Snyers Pieter (1681-1752)
Contribution de Tristan Hordé
21:42 Publié dans Art et poésie en couleurs, Multi couleurs, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le ventre de paris, emile zola, snyers pieter | Facebook | Imprimer | | |
11/11/2011
Matière de Bretagne, de Paul Celan
Lumière de genêt, jaune, les pentes
suppurent vers le ciel, l'épine
courtise la plaie, cela
sonne là-dedans, c'est le soir, le néant
roule ses mers à la prière,
la voile de sang fait route vers toi.
Sec, envasé,
le lit derrière toi, enjonque
son heure, en haut,
près de l'étoile, les ruisselets
laiteux babillent dans la boue, datte de pierre
en contrebas, buissonnante, bée dans le bleu,
un arbrisseau d'éphémère, superbe,
salue ta mémoire.
(Me connaissiez-vous,
mains ? J'allai
le chemin fourchu que vous marquiez, ma
bouche crachait ses galets, j'allai,
mon temps, surplomb neigeux en marche,
jetait son ombre – me connaissez-vous ?)
Mains, la plaie
courtisée par l'épine, cela sonne,
mains, le néant, ses mers,
mains, dans la lumière de genêt, la
voile de sang
fait route vers toi.
Poèmes, traduction par john E Jackson Editions José Corti
Jean Duquoc 73x92 cm. Acrylique .Lumière et Solitude.
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08/11/2011
La terre est bleue, de Paul Eluard
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
L'Amour la poésie, (1929)
La métamorphose de la femme,d'André Masson, lithographie de 76x52 cm
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06/11/2011
Les planches courbes, (extraits) d'Yves Bonnefoy
Une autre fois.
Il faisait nuit encore. De l’eau glissait
Silencieusement sur le sol noir,
Et je savais que je n’aurais pour tâche
Que de me souvenir, et je riais,
Je me penchais, je prenais dans la boue
Une brassée de branches et de feuilles,
J’en soulevais la masse, qui ruisselait
Dans mes bras resserrés contre mon cœur.
Que faire de ce bois où de tant d’absence
Montait pourtant le bruit de la couleur,
Peu importe, j’allais en hâte, à la recherche
D’au moins quelque hangar, sous cette charge
De branches qui avaient de toute part
Des angles, des élancements, des pointes, des cris.
Et des voix, qui jetaient des ombres sur la route,
Ou m’appelaient, et je me retournais,
Le cœur précipité sur la route vide.
Les planches courbes, Poésies Gallimard
Photo de Pierre Gaudu
06:53 Publié dans Art et poésie en couleurs, Noir, Poésie et couleurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre gaudu, les planches courbes, yves bonnefoy | Facebook | Imprimer | | |